
Tech : les sociétés de gestion doivent choisir leurs combats

« En matière de technologie, chaque société de gestion doit choisir ses combats. On ne peut pas tout traiter ! », a déclaré à plusieurs reprises Emmanuelle Mourey, présidente du directoire de La Banque Postale Asset Management, lors de l’AMTech Day qui était organisé par L’Agefi mardi 3 octobre. Un constat partagé par tous les autres intervenants de la table ronde consacrée à la technologie au service des clients.
Mais pour avancer plus vite et plus loin dans ce domaine, à moindre frais, les sociétés de gestion pourraient unir leurs forces. Muriel Faure, présidente de la commission innovations technologiques de l’Association française de la gestion financière (AFG) et senior advisor chez Tiepolo, a appelé les gestionnaires à s’associer, à l’image de ce qu’ils ont fait avec Iznes sur la blockchain. Cette plateforme paneuropéenne de tenue de registre en blockchain, lancée en 2017 par un consortium de six sociétés de gestion, se développe et fédère de nouveaux acteurs. «Je regrette est qu’il n’y ait pas plus de sociétés de gestion qui mutualisent leurs efforts pour mener à bien des cas pratiques d’utilisation (use cases) digitaux», a-t-elle déclaré. Elle mentionne à titre d’exemple l’intelligence artificielle (IA) ou la value for money. Et face aux sociétés de gestion qui craignent de devoir dévoiler leurs secrets, Muriel Faure affirme qu'«on peut le faire avec une ségrégation des données».
IA et éthique
Sur l’IA, justement, les représentants des sociétés de gestion présents autour de la table se sont montrés plutôt prudents. «On a un peu l’impression de manipuler des bâtons de dynamite arrosés de nitroglycérine en termes de risques associés», a expliqué Guillaume Poli, directeur du développement d’OFI Invest. Emmanuelle Mourey estime de son côté que si l’on «chatGPTise» l’ensemble des gestions et processus, « on aura beaucoup de problèmes et on perdra notre âme ». Mais ces outils doivent bien sûr être étudiés et utilisés. Car pour Guillaume Poli et Clément Jeanmaire, gérant de portefeuilles au sein de Tikehau, «ce n’est pas l’IA qui prendra le travail d’une personne, mais une personne qui maîtrisera bien l’IA».
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A ce sujet, Muriel Faure estime qu’il y a «un besoin d’acculturation des directions risque et conformité.» L’AFG commence justement à se pencher sur le sujet. «Nous allons démarrer un groupe de travail sur l’IA et l’éthique. Nous allons nous inspirer de ce qui est fait dans d’autres pays et dans d’autres industries», annonce-t-elle. «Sur ces sujets, l’asset management n’est pas très en avance», reconnaît-elle. Un guide de bonnes pratiques sera à terme rédigé et publié.
« La data tuera ceux qui n’investissent pas dedans »
L’IA est et sera en tout cas utile pour traiter les données, au cœur des stratégies des asset managers. Sur ce sujet, Emmanuelle Mourey a été claire : «la data tuera ceux qui n’investissent pas dedans». Et pour LBPAM, ces investissements se chiffrent en millions. «L’investissement dans la data a été très important. On a eu une approche avec la data EBSR. L’objectif est de se simplifier la vie pour que le cerveau du gérant ne se focalise plus que sur la décision sur le plan financier et extra-financier », a-t-elle détaillé.
Muriel Faure a confirmé que la donnée est la principale préoccupation des sociétés de gestion. « Sur les deux dernières années, le gros projet des sociétés de gestion a été la data ESG. Et ce n’est pas fini », dit-elle.
La sobriété numérique
Le corollaire de l’IA et de la data demeure la dépense numérique. « Il y a un sujet de sobriété numérique », pointe Muriel Faure. Là aussi, un guide de bonnes pratiques va être rédigé par l’AFG. « Les sociétés de gestion analysent ces sujets chez les émetteurs, il est important que nous ayons une bonne démarche nous aussi dans ce domaine ». D’autant que ce sujet commence à apparaître dans les due diligence et les appels d’offres institutionnels, d’après Muriel Faure.
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Enfin, les intervenants de la table ronde ont rappelé que bien que l’on vive à l’ère de l’intelligence artificielle, les sociétés de gestion travaillent encore sur des outils « préhistoriques » et ont des problèmes assez basiques à traiter. «Nous concentrons les efforts de la technologie sur des besoins très simples : comment correctement traiter le client, comment faire en sorte que les flux de passif soient proches de la perfection», a détaillé Guillaume Poli. Il reste donc encore fort à faire.
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