Les associations des CGP sur le pied de guerre

Cette année encore, les associations de CGP ont fort à faire pour défendre la profession, Pour L’Agefi Actifs, leurs responsables ont détaillé les sujets chauds des mois à venir et le plan de route qu’ils se sont fixé
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Patrimonia. Ses dizaines d’exposants et ses milliers de visiteurs. Parmi eux, naturellement, les responsables d’associations de conseillers en gestion de patrimoine. Dans ce numéro dédié à l’événement phare qui se tient à Lyon les 26 et 27 septembre, quelques semaines avant l’ouverture des portes, L’Agefi Actifs a pu s’entretenir avec les présidents des quatre associations représentatives de la profession que sont David Charlet (ANACOFI), Julien Séraqui (CNCGP), Stéphane Fantuz (CNCEF Patrimoine) et Philippe Feuille (La Cie des CGP-CIF). Avec Philippe Loizelet qui préside l’ANCDGP, ils ont accepté de détailler les principaux dossiers qui occupent leur association en cette année 2019. Entre le poids de la réglementation, les conséquences de la concurrence, ou leur analyse sur l’activité de CGP, ils ont mis carte sur table, démontrant par la richesse des pistes lancées et des points de vue exprimés, les enjeux actuels pour une profession en pleine mutation. Panorama.

I. Réglementation

MIFid, DDA, Priips... Années après années, la réglementation n’a cessé de croître et prendre une place prépondérante dans les priorités des associations de CGP. Tout ceci n’est que la conséquence logique de l’inflation et la complexité des contraintes auxquelles la profession est désormais soumise. Cette année sera une nouvelle fois importante, justifiant de la part des instances représentatives qu’elles dressent un bilan d’étape afin d’évaluer concrètement les risques immédiats portés par la réglementation pour les conseillers en gestion de patrimoine. En 2019 naturellement et même au-delà, sur les deux années à venir...

«C’est moins la règlementation qui porte un risque que l’appréciation de cette règlementation par les partenaires commerciaux.»
, Julien Séraqui,Président CNCGP

Il existe un risque de mauvaise appréciation des textes par les partenaires commerciaux

Julien Séraqui (CNCGP). - Pour les adhérents de la CNCGP, ce vaste ensemble règlementaire a été mis en place tout au long de l’année 2018. Il a fallu analyser, intégrer puis diffuser les nouvelles procédures. Notez que celles-ci ont eu une incidence pour les conseillers qui, à la lumière de MIF II par exemple, ont dû actualiser leurs documents de travail, en ce qui concerne par exemple les documents d’entrée en relation, les lettres de mission et les déclarations d’adéquation. Ils ont également été amenés à se pencher sur le programme d’activité dans lequel le CIF indique notamment le type d’activités envisagées et la structure de son organisation.

Ces évolutions ont concerné également leurs associations professionnelles représentatives. Celles-ci ont dû remettre à jour leurs propres procédures, quitte à en élaborer de nouvelles, pour élaborer des normes en cohérence avec le niveau exigé par MIF II. Agréée par l’Autorité des marchés financiers (AMF), la CNCGP est soumise à des règles de gouvernance drastique. On comprend d’autant plus cette démarche que le privilège de s’afficher en qualité de co-régulateur aux côtés de l’AMF implique le respect de critères exigeants.

Pour les adhérents, tout n’est pas réglé pour autant. Nous travaillons d’ailleurs avec leurs partenaires commerciaux pour identifier des solutions pratiques et cohérentes. Avec les sociétés de gestion, et par l’intermédiaire de l’Association française de gestion (AFG), nous œuvrons notamment à la mise au point de fichiers EMT (European Mifid Template) satisfaisants. Bâtis sur MIF II, ces fichiers d’échanges de données standardisées sont élaborés par les sociétés de gestion, les producteurs, au profit des conseillers et distributeurs, afin que ceux-ci puissent déterminer la gouvernance produit, à savoir le marché cible destiné à leur clientèle. Une telle tâche ne peut s’inscrire que dans la durée.

Les relations privilégiées que nous entretenons avec les autorités, européennes et nationales, nous confortent également dans l’idée que nous devons maintenir nos travaux et nos échanges sur l’ensemble des aspects qui ont, ou qui pourraient, avoir une incidence sur l’activité professionnelle de nos adhérents. Par exemple, nous avons œuvré en matière d’information précontractuelle délivrée aux épargnants et plus particulièrement concernant la règlementation PRIIPs qui vise les produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance.

Il en ressort que pour les OPCVM, l’exemption temporaire qui permet de fournir un document d’information clef dédié, le KIID, au lieu d’un document d’informations clés, le KID, est prolongée jusqu’au 31 décembre 2021 au lieu du 31 décembre 2019. L’échéance pour la révision par la Commission européenne du Règlement PRIIPs est également reportée d’un an, pour se conclure au 31 décembre 2019. Cette position a été entérinée par l’adoption d’un règlement publié au Journal officiel de l’Union Européenne le 12 juillet dernier.

Concernant les risques portés par la réglementation pour les conseillers en gestion de patrimoine, nous n’en avons pas noté d’immédiats. L’heure est davantage à la mise en œuvre des différentes règlementations MIF 2 et DDA qui sont toutes les deux applicables depuis 2018, respectivement depuis le 8 juin et le 1er octobre. Un travail de longue haleine se met en place progressivement avec les partenaires fournisseurs de nos adhérents. Il s’agit d’éviter les relectures opportunistes des conventions de distribution à la lumière de ces textes de lois.

D’ailleurs, c’est moins la règlementation qui porte un risque que l’appréciation de cette règlementation par les partenaires commerciaux.

A titre d’illustration, nous avons travaillé l’année dernière sur la gestion des ordres de remplacement entre courtiers. Nous en sommes arrivés à la conclusion que la convention de distribution liant le courtier et l’assureur peut prévoir une indemnité compensatrice en cas de changement de distributeur, au regard du travail accompli par le premier courtier. Cette convention engagera chacun des protagonistes, y compris celui qui aura vocation à devenir le nouveau conseiller de l’assuré. Afin de privilégier un accord entre les parties, il pourra conventionnellement être convenu que, sous un délai raisonnable, de l’ordre de deux mois, un tel accord soit trouvé entre l’ancien courtier et le nouveau courtier. Dans cette hypothèse, l’assureur transférera immédiatement la rémunération attachée au produit d’investissement assurantiel au nouveau courtier à l’issue du délai fixé. A défaut d’accord, l’indemnité compensatrice éventuelle inscrite dans les conventions trouvera alors à s’appliquer. Elle pourrait être fixée sur la base d’un montant compris entre 12 et 24 mois de rémunération sur encours. Je rappelle toutefois qu’il appartient à chaque distributeur/intermédiaire en assurances d’être attentif à l’indemnité et ses modalités de calcul telles que visées par les conventions qui le lient au producteur/distributeur.

«PRIIPS reste un sujet d’attention, bien que moins impactant.»
, DAVID CHARLET,Président ANACOFI

Les conseillers pourraient être confrontés à des difficultés d’adaptation

David Charlet (Anacofi). - Nous sommes plus avancés en ce qui concerne MIFid que pour DDA et après nos derniers échanges avec l’AMF cet été, au sujet de ce que les associations CIF fourniront prochainement à leurs membres comme outils, je pense pouvoir dire que la transposition de la Directive financière sera « très avancée », d’ici à la fin de 2019.

Pour ce qui est de DDA, il apparait que la transposition est plus aisée par les courtiers CGP que par les autres. L’ACPR ne pouvant et ne souhaitant apparemment pas, à l’inverse de l’AMF, produire des réponses précises et des documents types, nous pouvons considérer que ce qui pouvait être fourni l’a été.

PRIIPS reste un sujet d’attention, bien que moins impactant. Nous ne sommes pas les concepteurs des fiches documentaires qui en découlent. Il est clair maintenant que tous les acteurs y compris la Commission Européenne ont compris que le texte avait été mal fini. On nous annonce des modifications à la marge. Nous surveillerons donc ce dossier à nouveau, mais ne nous en préoccupons plus autant que par le passé, tant nous avons appris à faire avec, malgré le côté décevant de ce dossier.

D’une manière générale, Il est évident que les CGP, assistés par leurs associations sont mieux lotis que les professionnels sans documentation et information produite suite à des analyses. D’ici deux ans il ne fait aucun doute qu’ils auront su s’adapter.

Il reste cependant à finir de réfléchir sur les modèles de nos entreprises, à terminer les outils digitaux, les développements chez nos fournisseurs, permettant de disposer des datas qui nous sont nécessaires et à passer convenablement la phase en cours de renégociation des contrats avec nos partenaires. Elle semble assez délicate du fait des interprétations divergentes ou parfois opportunistes des textes.

Aujourd’hui, les conseillers font clairement face à un risque de difficulté à s’adapter. La réglementation a renforcé les lourdeurs et impose dès lors de s’organiser pour y faire face, que ce soit en engageant des moyens financiers pour mettre en œuvre outils, services ou moyens humains qui permettront d’y répondre. On peut également penser que l’évolution du droit modifie la relation entre le client et le professionnel, mais également entre les professionnels entre eux. Le droit à la rémunération et sa nature même, qui en découlent, sont donc impactés.

Les textes contraignent fortement une profession dont la sinistralité est quasi-nulle

Stéphane Fantuz (CNCEF Patrimoine). - Nos métiers subissent l’influence constante des textes européens (DDA, PRIIPS, MIF) transposés ensuite en droit français, sans jamais pouvoir bénéficier d’une harmonisation. Ces textes protègent légitimement le consommateur mais contraignent fortement une profession dont la sinistralité est quasi-nulle. Contrairement aux grands ensembles qui peuvent s’y adapter de manière agile, les CGP doivent s’informer et se former en permanence, aussi bien pour eux que pour la bonne compréhension de leur client final.

En 15 ans, nous sommes passés d’une ère où l’on ne demandait quasiment rien au client à une autre, où on lui délivre une somme colossale d’informations, qu’il est censé comprendre, sans pour autant avoir la certitude que cette information soit bien assimilée. Nous ne sommes pas des exégètes de la dérégulation, bien au contraire. Néanmoins, comme en médecine, il faut veiller à administrer au patient le médicament adéquat. Posons le diagnostic : la profession de CGP nécessite-t-elle autant d’acharnement thérapeutique ?

Bien entendu, l’Europe encadre fortement nos activités et nous ne reviendrons pas sur le cadre réglementaire important que nous devons appliquer au quotidien. Pour autant, cette même Europe a aussi fixé un grand principe qui ne peut échapper à la France: la concurrence libre et non faussée. Pour cela, elle doit permettre au consommateur de choisir en tout domaine, entre plusieurs acteurs d’un marché. Plus que jamais, les associations ont un rôle à jouer dans l’accompagnement de leurs adhérents.

La réglementation ne doit pas faire oublier la qualité de la relation humaine

Philippe Feuille (La Cie des CGP-CIF). - Si l’on se projette dans les deux prochaines années, on peut espérer que la réglementation actuelle va être considérée comme satisfaisante par les autorités et suffisamment importante pour protéger les consommateurs, puisque tel est son objectif principal. Le côté positif est qu’elle a rendu l’approche pédagogique existante encore plus importante vis-à-vis des clients, renforcé la formation continue des CGP, participant ainsi à un développement de l’expertise des professionnels.

Les risques existent cependant. En effet, l’un des risques majeurs est de se perdre dans le dédale réglementaire et d’en oublier la première règle qui est la qualité de la relation humaine et le développement commercial des cabinets. Tout en appliquant cette réglementation, on ne peut, en effet, passer son temps à se justifier au détriment du développement commercial. Ensuite, il ne faut pas qu’à trop vouloir former et informer, on finisse par dégoûter les professionnels de l’orientation réelle qui doit être donnée à l’économie. Le danger serait d’inciter les consommateurs à entrer dans des procédures contentieuses par le développement d’une information tellement riche qu’elle devienne incompréhensible et soit source de conflits. Le danger est d’apeurer les différents acteurs, tant professionnels que consommateurs. Enfin, un autre risque consisterait à accepter de faiblir devant la recrudescence de négociations sur les frais et les honoraires et d’oublier de valoriser la plus-value apportée par la compétence des professionnels.

Il faudrait considérer les CGP comme étant «mandatés » par le client et libres de tous biais

Philippe Loizelet (ANCDGP). - En premier lieu, toute cette législation est née de la crise de 2007 et vise à ne plus mettre les Etats en position de payeur. Il s’agit de responsabiliser les professionnels du secteur, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, à ce que les investisseurs assument, au final, le risque.

En effet, à y regarder de plus près, dès lors qu’un prestataire de services d’investissements (PSI) aura bien respecté l’environnement règlementaire, notamment d’information du client, ou encore de gouvernance produits, on inversera la charge de la preuve quant à la recherche de sa responsabilité civile.

Autre constat, depuis la loi sécurité financière de 2003, le choix rapide et efficace pour forcer le respect de ces textes a été d’obliger les PSI à « maitriser » tous leurs circuits de distribution. Les tutelles disposant à l’égard des PSI de tout un arsenal répressif allant jusqu’au retrait d’agrément, elles sont assurées d’un relais efficace de respect des obligations de la chaine de distribution vis-à-vis des clients investisseurs.

Sauf que les CGP sont conseils des clients, et donc, ils devraient être « protégés » en tant que tels par les tutelles, en favorisant pour nos activités d’intermédiation pour le compte de nos clients, une architecture ouverte d’accès aux services financiers. Pour nous protéger il faudrait nous considérer comme « mandatés» par le client et libres de tous biais à la main des PSI (seuils de collectes, objectif de volumes, transparence des rémunérations, obligation de contrôle). Force est de constater que ce n’est pas le cas, les CGP ne sont appréhendés dans cet ensemble de textes que comme un mode de distribution de ces services financiers, en leur étant subordonnés que cela soit dans l’ouverture de code pour « distribuer », ou la politique de commissionnements encadrée et à la main des PSI.

Dans l’environnement actuel, les CGP perdent leur âme et leur liberté dès lors qu’au-delà du conseil, ils veulent accompagner leurs clients dans la souscription ou le suivi de leurs placements. C’est le risque actuel de la règlementation mise en place.

II. Concurrence

Loin d’être ignorée, la concurrence est regardée de façon objective par les associations qui pointent les atouts des conseillers auprès des particuliers, à commencer par leur proximité avec leurs clients. Tout cela n’empêche pas les représentants des CGP de mentionner les forces des grands acteurs avec lesquels ils s’affrontent. Quitte à en tirer avantage. Soit en attirant certains de leurs éléments, soit en les utilisant, sans jamais cependant se départir de la dimension humaine de leur relation. La banque privée, qu’il s’agisse d’établissements à part entière ou des filiales des grandes banques à réseau, ou les acteurs de la fintech, ne suscitent donc pas de réelles craintes pour les représentants de la profession. D’autant que cette dernière creuse son sillon et accroît régulièrement sa part de marché tout en présentant un potentiel de développement important.

La part de marché des CGP continue de croître

David Charlet (ANACOFI). - Toutes les études montrent une croissance de notre part de marché. Pour l’heure, elle croit encore naturellement du fait d’effets positifs qui se cumulent : croissance de la notoriété/crédibilité, ou retrait de nos segments de clientèles d’acteurs qui sont nos concurrents naturels.

En ce qui concerne les banques privées, les deux mondes (CGP et Banques privées) peuvent exister, forment une offre de marché plutôt complémentaire et nécessitent à peu près les mêmes compétences, mais ne répondent ni aux mêmes attentes, ni aux mêmes aspirations « humaines » tant d’un client que d’un professionnel. J’ai été amusé par un mémoire de validation des acquis de l’expérience (VAE) dont j’étais jury dernièrement. Le candidat, qui avait fait une carrière assez rare dans la banque privée, expliquait ce qu’il faudrait qu’on y fasse pour l’intéresser encore, ses faiblesses par rapport au CGP et ce que devrait être le CGP, à son avis. Eh bien, ce qu’il souhaite est exactement ce que font les CGP actuels : le monde de la gestion de patrimoine « indépendante », s’est en effet débarrassé de la mécanique de conseil/gestion, conseil/gamme et conseil/vente, avec rapport au revenu de la banque privée. Et cela apparaît comme étant une réelle différence.

Pour les réseaux bancaires, pour l’instant, leur affaiblissement du côté de l’occupation terrain aide notre croissance. Ils font cependant mal dans deux domaines: crédit et assurance emprunteur. Ce n’est pas par leur qualité intrinsèque, mais par le refus de collaborer avec nos CGP. Cette position est fragile, d’une part car des offres nouvelles pour courtiers se préparent et d’autre part, car la loi limite leur capacité à refuser le remplacement de l’assurance emprunteur. L’évangélisation quant à elle se fait via nos campagnes de communication qui sont lancées aussi bien par de grands cabinets de CGP que par nos associations. La campagne radio / télé / papier multicanaux de l’Anacofi de ces 2 dernières années a, à mon sens, marqué une vraie évolution en la matière. Elle se fait également dans le cadre de ce que permet la normalisation de notre fonction. Quand des représentants des CGP sont invités à parler à l’Assemblée Nationale, à siéger dans des commissions d’experts ou dans les organes paritaires par exemple, le rayonnement direct ou indirect que cela permet est considérable. Un bon exemple de résultat concret mais obtenu de manière indirect est la référence à l’Anacofi sur le site voulu par l’Etat pour informer/éduquer les consommateurs sur les sujets économiques et la gestion de leur budget ou sur celui dédié au patron de TPE/PME. Il n’y a que quatre organisations professionnelles qui bénéficient d’une telle mise en avant, assortie d’un lien vers notre site portail et du droit de faire intégrer des contenus sur ce site géré par la Banque de France.

Enfin, concernant les fintechs, ces dernières offrent souvent leurs technologies aux autres acteurs, au moins en partie, ou deviennent de vrais CGP digitaux, en respectant les contraintes inhérentes. Or, cela coûte très cher. Les dernières études montrent par ailleurs que les clients d’aujourd’hui veulent quasi systématiquement de l’humain pour les prestations de conseil et que seule une sous-catégorie des Millenials accepte majoritairement l’idée de s’en passer. Donc sans présager du futur, disons qu’il y a une place pour quelques acteurs très digitaux et que pour le reste c’est un marché d’humain augmenté qui s’installe.

De nombreux jeunes CGP sortent des rangs de la banque

Julien Séraqui (CNCGP). - Sur la base du nombre de nouveaux adhérents à la Chambre, et des résultats enregistrés au premier semestre 2019 (+ 5 % de nouveaux cabinets et + 8% de nouveaux membres) la progression est importante. Nous en concluons que le marché enregistre un dynamisme certain. Cette évolution s’inscrit dans un contexte particulièrement favorable. D’un côté, les épargnants français sont toujours aussi averses au risque. De l’autre, et depuis des années, les compagnies tentent d’orienter leurs clients vers des supports en unités de compte et de sortir de la gestion particulièrement contrainte que les fonds euros représente pour eux. Dans ces conditions, le besoin de conseil qualifié est indispensable. La valeur ajoutée apportée par nos adhérents est forte et durable.

Le modèle de la banque privée nous semble désormais moins efficient, en tout cas en ce qui concerne l’objectivité du conseil en allocation d’actifs. Quant aux procédures mises en place, nos maisons plus agiles, la plupart du temps, ont déjà un savoir-faire certain en la matière. Il nous semble que ce modèle qui est globalement en décroissance d’effectifs depuis de nombreuses années sera in fine remplacé par les cabinets de conseils en gestion de patrimoine. D’ailleurs, nous nous satisfaisons de pouvoir compter parmi nous, nombre de jeunes adhérents sortis des rangs de la banque, de l’assurance et de la finance pour nous rejoindre. C’est un phénomène durable qui confirme l’attrait pour le métier de CGP et son dynamisme.

De leur côté, les réseaux ne constituent pas réellement une concurrence pour nos adhérents, mais plutôt une source de recrutement pour la CNCGP. Parmi les nouveaux adhérents, plus de 80 % sont issus du salariat, principalement de la bancassurance ou d’autres cabinets de CGP, et 20 % sont des jeunes diplômés. Ils partagent l’ambition d’un projet entrepreneurial basé sur le développement réfléchi de leur propre modèle, reposant avant tout sur un conseil qualifié et personnalisé. Soit un niveau de prestation sur lequel les acteurs de la banque et de l’assurance n’ont pas les moyens de se positionner.

Enfin, les fintech sont-elles des concurrents directs aux CGP ? C’est l’idée que la majorité de ces intervenants tente de véhiculer auprès des médias et du grand public. Force est de constater que la réalité est tout à fait différente puisque la plupart de ces acteurs regardent désormais du côté des conseils en gestion de patrimoine pour développer leurs offres commerciales. En effet, depuis quelques années, on voit ces acteurs s’intéresser de plus en plus aux réseaux de distribution plus traditionnels. La raison en est simple : en dépit des annonces des robo-advisor, le client français a besoin de bénéficier d’un certain niveau de conseil et ces fintech s’adressent davantage à un profil de clients avertis, à l’aise avec les nouvelles technologies, leur utilisation et en capacité de s’y retrouver dans des gammes de produits spécifiques. Par exemple, régulièrement ce sont des fonds à gestion indicielle qui sont mis en avant sur ces plates-formes. Pour un utilisateur néophyte, le recours à un ETF, voire la sélection entre plusieurs de ces indices s’avère assez peu évidente sur la base d’un conseil relativement succinct.

Le CGP augmenté sera celui qui se servira du numérique dans toutes les étapes du parcours clients. »
, Stéphane Fantuz,Président CNCEF Patrimoine

Les conseillers à même de séduire les clients entrepreneurs

Stéphane Fantuz (CNCEF Patrimoine). - Comparé au reste de l’Europe, la France bat des records en termes d’épargne sécurisée. Mais les Français ne consultent pas spontanément les CGP en matière d’épargne patrimoniale. Selon le baromètre AMF 2018 de l’épargne et de l’investissement, ils ne sont que 17 % à pousser la porte d’un cabinet de CGP pour obtenir un conseil. Ceci s’explique pour deux raisons : d’abord, les Français manquent de culture financière. En effet, 69% d’entre eux ignorent par exemple combien leur a rapporté leur épargne en 2018 (Enquête Opinion Way pour le compte d’Altaprofits). Ensuite, notre profession doit gagner en notoriété et doit avoir une image plus claire pour que les Français comprennent son rôle. En conclusion, les CGP ont de belles marges de progression. La Loi Pacte leur donne des opportunités, dans la mesure où elle introduit la nécessité de développer la pédagogie financière en direction des entreprises et des particuliers.

A l’instar des CGP, les établissements financiers s’inscrivent dans une logique de protection croissante des investisseurs, de professionnalisation et de transparence. Quand le statut des CGP évolue, banquiers et assureurs font face à la hausse de leurs ratios de solvabilité. L’architecture ouverte offerte aux CGP leur permet de proposer à leurs clients, toutes les classes d’actifs: produits financiers, assurances, crédit, immobilier…Étant indépendants de toute enseigne, ils peuvent en effet sélectionner les produits qu’ils estiment être les meilleurs pour leurs clients. Et ils peuvent séduire de nouveaux épargnants : les chefs d’entreprises. Un besoin s’exprime chez eux, par exemple, pour être mieux accompagnés dans la préparation de la retraite, pour anticiper les effets de la cession/vente de leur entreprise, ou pour protéger le conjoint collaborateur.

Nous pensons qu’à terme le client va certainement être de plus en plus impliqué dans la gestion de son patrimoine. L’objectif in fine sera bien de laisser le maximum de place à l’écoute des clients pour leur délivrer, un conseil de qualité avec un rôle peut-être plus prêt du coach que de conseil tel qu’on le connait actuellement. Le CGP augmenté sera celui qui se servira du numérique dans toutes les étapes du parcours clients, y compris dans la délivrance d’un conseil et/ou d’un produit. Cela fera évoluer la relation client. Le CGP fera ses propositions d’allocations en direct aux côtés de son client qui sera directement connecté à sa plateforme d’outils (soit celle du client, soit celle du CGP).

La banque privée constitue une forme d’industrialisation du métier

Philippe Feuille (La Cie des CGP-CIF). - La banque privée n’a pas les mêmes atouts que nous. Elle ne peut pas apporter les mêmes services, les mêmes conseils, la proximité et la personnalisation du travail comme nous le faisons. On ne joue pas de la même façon sur le même secteur: à cause de l’importance du volume de portefeuilles qu’elle a à gérer et du turnover de ses effectifs qui empêchent une relation de proximité. Sa proposition est le plus souvent moins diversifiée que la nôtre qui intervient sur les cinq métiers composant la profession de CGP : conseil en investissement financier, assurance, intermédiation en banque et services de paiement, immobilier, sans oublier la compétence juridique appropriée. La banque privée est dans une forme d’industrialisation alors nous sommes dans un artisanat à dimension humaine.

En revanche, ce n’est pas parce que nous sommes des artisans que nous devons nous priver de l’apport des fintech, en conservant à l’esprit qu’elles doivent rester une aide qui simplifie une partie de notre travail et ne pas être une finalité. Nous devons travailler avec, mais elles ne pourront jamais remplacer la dimension humaine que nous proposons. C’est une complémentarité.

Les CGP sont désavantagés par rapport
, à leurs concurrents

Philippe Loizelet (ANCDGP). - Force est de constater que le CGP se trouve désavantagé vis-à-vis des réseaux captifs, et ce, alors même que le client cherche à disposer d’un conseil neutre, libre, et non entaché de biais. Il est en effet impossible actuellement d’obtenir qu’un CGP, dûment mandaté par un client, dispose d’un accès direct aux informations dues à son mandant. Le client est « captif » du réseau de l’établissement qui lui a distribué les contrats.

En cela les fintechs par le partage et, surtout, la portabilité des informations qu’elles facilitent sont des alliés précieux pour que le client se désincarcère de la relation contractuelle avec les réseaux captifs.

N’est-il pas choquant, et surtout, anti concurrentiel, que les mêmes fournisseurs qui militent pour l’abandon du 3ème usage du courtage - et donc pour la transférabilité du suivi et des rémunérations sur encours des contrats sur décision du client -, refusent, si le contrat a été commercialisé par un réseau captif, d’accepter ce même transfert. Il est, par exemple, impossible à un client ayant un souscrit un contrat d’assurance vie via un réseau bancaire (juridiquement courtier au même titre d’un CGP), d’obtenir que son CGP puisse se substituer à l’agence bancaire dans le suivi de ces avoirs.

III. Activité

L’activité au sens large du terme est scrutée avec beaucoup d’attention par les associations dès lors qu’elle englobe les évolutions des relations entre les conseillers et les distributeurs et leurs fournisseurs. Loin d’être optimale, du fait notamment de la concentration de l’offre, elle exige des associations de rester vigilantes compte tenu de la révision des conventions de distribution. Dans un autre registre, les représentants de la profession notent qu’un phénomène de consolidation de la profession est bien perceptible. Certains représentants parient même sur un mouvement d’ampleur dans les années à venir. Le poids de la réglementation, la recherche d’une taille critique expliquent ce phénomène. Il n’en reste pas moins que, compte tenu de la spécificité d’un métier basé sur la relation humaine, les « petits » cabinets ne disparaîtront pas pour autant.

Aucun chiffre ne démontre une réelle consolidation du secteur

David Charlet (ANACOFI). - Nos adhérents nous remontent des relations de plus en plus tendues entre eux et leurs fournisseurs de solutions d’investissement, bancaires ou d’assurance. Certains commencent également à se plaindre d’une offre qui se concentre et malgré cela, de protocoles d’accords très différents d’un partenaire à l’autre. Pour autant, on ne parle pas de blocage majeur ou de pénurie d’offre. Rappelons-nous au passage que la France est le pays d’Europe où l’offre est la plus diversifiée. Il est d’ailleurs intéressant de noter que nombre de marques étrangères ou peu développées sur le canal des CGP analysent actuellement notre marché et plusieurs pré-annoncent ou laissent entendre leur entrée prochaine.

Cela fait 10 ans qu’on nous rabâche l’idée de la multiplication des réseaux et de la consolidation, sans qu’aucun chiffre ne le démontre ! Nous tenons nos statistiques depuis plus de 10 ans et ce que nous voyons c’est que les réseaux, c’est le monde des agents généraux et mandataires bancaires, pas le monde du courtage. Les agents sont deux fois plus nombreux que nous à l’Orias. C’est un fait. Mais notre univers est marqué par la volonté d’être indépendant et d’être devenus des conseillers, donc de vouloir et assumer la préconisation et la relation directe avec le client final. Dès lors et alors même qu’il se dit que 75 % des réseaux sont à l’Anacofi, je peux vous garantir que la proportion de cabinets intégrés dans des réseaux ne progresse pas. Ce qui progresse par contre, c’est le taux d’utilisateurs d’un grossiste au moins ou de services externalisés « achetés ».

Ce qui progresse également, c‘est la part du marché tenu par les plus gros cabinets, signe que le modèle évolue. Cependant les petits ne voient pas leur chiffre d’affaires baisser. Il s’agit plutôt d’une capture de la plus grosse partie de nos gains collectifs en la matière, par les acteurs les plus solides, souvent multi systèmes (production directe, grossiste, réseau en complément et parfois intégrant un PSI ou une SGP filialisé).

En revanche, oui il y a bien une vague de ventes et rachats/fusions, fortement liée à l’âge des baby boomeurs, à la volonté pour certains d’atteindre une certaine taille ou de s’associer et à une série de bonnes années qui se cumule avec la fin relative de l’interrogation sur les modèles économiques. Par ailleurs si la part des réseaux et le nombre des cabinets rattachés ne nous semble pas progresser, la taille de chacun progresse, du fait de leur fusion et acquisition directe de cabinets.

L’homogénéisation des rémunérations des courtiers n’est pas acceptable

Julien Séraqui (CNCGP). - La période est propice aux évolutions, notamment des conventions de distribution, mais il nous faut demeurer vigilants et contraindre les éventuelles tentations de leur remise en cause. Ainsi, en cours d’année, la CNCGP a trouvé un accord avec un établissement financier de premier rang, en vue de mainteni

Un évènement L’AGEFI

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