Un nouveau contentieux inquiète les conseillers indépendants

De nombreux investisseurs en photovoltaïque auprès de la société Gesdom sont confrontés à la remise en cause de leur avantage fiscal - Le défaut d’installation, voire de raccordement, l’année de défiscalisation est invoqué par l’administration, rappelant le dossier DTD Lynx.
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Face aux abus encontrés dans le secteur des investissements photovoltaïques en Outre-mer, l’Etat a supprimé en septembre 2010 les avantages fiscaux, après avoir œuvré pour leur développement. Aujourd’hui, l’administration fiscale prend le relais en redressant les contribuables à tour de bras.

Une nouvelle affaire de défiscalisation en Girardin industriel concernant la société Gesdom devrait ternir l’image déjà écornée des investissements photovoltaïques. Pour l’heure traitée par la presse réunionnaise et connue des CGPI avertis, ce dossier a vu le jour à la fin de l’année 2011 lorsque l’administration fiscale a adressé des avis de rectification aux contribuables ayant investi en 2008. La situation est devenue plus inquiétante en 2012 en raison de l’impossibilité de défiscaliser au titre de l’année 2011 faute de mise en service du matériel au 31 décembre de cette même année.

L’affaire se complique face aux litiges qui opposent la société Gesdom et le cabinet d’ingénierie Diane, tous deux partenaires entre 2008 et 2010. Chacune de ces sociétés rejette la responsabilité sur l’autre. Alors que Diane affirme être intervenue uniquement dans la construction du schéma juridique et fiscal des investissements, mais aussi en tant que mandataire des sociétés en nom collectif,Gesdom allègue que le cabinet Diane était, avant leur séparation en 2010, plus largement investi dans le montage et le déroulement des opérations. Les zones d’ombre demeurent, au regard notamment des différentes structures intervenant dans le circuit. Un volet pénal pourrait voir le jour.

Plus de 300 conseils en gestion de patrimoine auraient distribué le produit Gesdom auprès d’environ 6.000 investisseurs pour une collecte estimée à 75-80 millions d’euros sur ces trois années. Un dossier qui n’est pas sans rappeler une autre affaire, Lynx/DTD, qui concerne 4.400 investisseurs et une collecte sur trois ans de 58 millions d’euros.

Associations.

Deux associations de défense des victimes de Gesdom ont été créées et sont présidées par des conseillères en gestion de patrimoine ayant proposé ces investissements. L’Agide d’une part, qui regroupe des CGP et des contribuables ayant investi entre 2008 et 2010, et L’Agir d’autre part, qui défend les investisseurs sur les années 2011 et 2012. Contrairement aux années antérieures à 2011, il n’y a pas lieu a priori à contentieux fiscal. En revanche, l’avocat Jacques Monferran indique qu’«une procédure en référé est en cours afin que Gesdom restitue les sommes investies par ses clients dans la mesure où les contrats seraient caducs, faute pour le dirigeant d’apporter la preuve de la réalisation des investissements et donc de la possibilité de défiscaliser».

Afin d’y voir plus clair face aux rumeurs concernant également d’autres monteurs, l’Anacofi-CIF a mis en place une cellule spécifique au Girardin industriel. Les monteurs ont été identifiés et la liste de ceux qui refuseraient d'être auditionnés par l’association serait publique. Par ailleurs, la CNCIF, association à laquelle a adhéré Gesdom, envisagerait d’exclure cette dernière si elle ne se montre pas coopérative.

Livré, installé, raccordé.

Le point commun desaffaires DTD/Lynx et Gesdom réside dans la divergence d’interprétation entre l’administration et les monteurs quant au fait générateur de la défiscalisation.

La réduction d’impôt du dispositif Girardin industriel est acquise l’année de réalisation de l’investissement. Dans des rappels des services fiscaux, l’exploitation d’une centrale photovoltaïque suppose que les matériels nécessaires soient livrés, installés, reconnus conformes et raccordés au réseau EDF. Dans l’affaire Gesdom, l’administration changerait d’arguments en alléguant dans un premier temps le défaut de raccordement pour motiver ensuite son redressement sur l’absence d’installation du matériel au 31 décembre de l’année de défiscalisation.

Pour Jean-Claude Drié et Laurent Khil, avocats associés au cabinet parisien Kihl-Drié,qui représentent environ 1.500 investisseurs dans plusieurs dossiers en Girardin industriel, «l’administration a une doctrine particulière en considérant que le bien doit être mis en service l’année de la défiscalisation alors que la loi considère que c’est l’investissement seul dans l’année, c’est-à-dire l’acquisition du matériel, qui ouvre droit à la défiscalisation».Les tribunaux trancheront ce différend.

Affectation réelle des fonds.

Du côté du dossier DTD/Lynx, l’administration s’appuie, notamment dans les rectifications de cet été, sur des éléments recueillis auprès de la Brigade de répression de la délinquance économique. Ainsi, selon elle, aucune centrale photovoltaïque ne pouvait faire l’objet d’une exploitation effective: les achats de matériels par la société DTD ne couvraient que 11,9% du volume total des fonds collectés auprès des souscripteurs et 4,76% du projet global en Martinique, de 2007 à 2010. Elle relève également la non-conformité de la plupart des panneaux existants et l’insuffisance de matériels pour les raccorder.

Une grande partie des avocats défendant les investisseurs leur ont conseillé de contester les rectifications de l’administration. Faute d'éléments factuels résultant du peu de coopération par le dirigeant de la société, ils souhaitent annuler les contrôles sur le terrain du vice de procédure. «Selon les années faisant l’objet d’un redressement, la motivation de l’administration diffère alors que le dossier est le même. Considérant que le matériel n’a pas été acheté, les services fiscaux estiment ensuite qu’il existe mais pas en quantité suffisante puis qu’il n’est pas raccordable. De plus, sur les 571 sociétés en participation dans lesquelles ont investi les particuliers, aucune n’a fait l’objet d’une vérification de comptabilité régulière car, si c'était le cas, elle aurait dû en prévenir les associés, ce qu’elle n’a pas fait», explique Frédéric Naïm, avocat fiscaliste qui défend 250 investisseurs.

Par ailleurs, «l’une des pistes est aussi de mettre en cause la responsabilité de l’Etat pour faute simple du fait de ses préposés», poursuit Frédéric Naïm. L’un de ses fonctionnaires, condamné pour corruption par le tribunal correctionnel de Paris tout comme le dirigeant de Lynx, avait en effet validé le montage de DTD avant de se rétracter. Cette affaire est actuellement en appel.

Preuve de la réalité des investissements.

En revanche, d’autres avocats estiment que le dossier DTD/Lynx est difficilement défendable. «Dans ce dossier qui a un volet pénal, tout porte à penser que peu d’investissements ont été effectivement réalisés. J’ai donc conseillé à mes clients d’accepter la remise sur les pénalités et les intérêts de retard proposés par l’administration car c’est aux contribuables de prouver que les investissements ont bien été réalisés et ils ne disposent pas d’éléments. Ainsi, le préjudice de mes clients est définitif, ce qui leur permet de rechercher les responsables, comme leur conseiller», indique Paul Duvaux, avocat fiscaliste.

Quant au fond de l’affaire, il pourra être élucidé par la procédure pénale. En effet, une instruction sur l’affaire DTD est toujours en cours à la Brigade de répression de la délinquance économique. 250investisseurs se sont portés partie civile tout comme l’administration dans une plainte pour escroquerie et blanchiment d’argent. Néanmoins, «la demande des CGP qui ont voulu se constituer partie civile a été jugée irrecevable faute de préjudice direct»,explique Christine Marguet-Le Brizault, avocate des investisseurs dans le cadre de l’instruction pénale, qui espère une ordonnance du juge d’instruction d’ici à fin 2012.

Pour ce type de dossiers, l’administration semble peu encline à revenir sur ses positions. Une exception est toutefois à noter dans un dossier Nordy Gest pour lequel l’administration a abandonné les trois quarts des redressements touchant les 300-400 investisseurs et ce, avant tout contentieux. «En l’espèce, les services fiscaux remettaient en cause l’éligibilité des investissements alors que le montage était valable», précisent Jean-Claude Drié et Laurent Khil.

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