
Terres inconnues
Les Français vivent-ils la plupart des changements comme un psychodrame ? Même si notre président a récemment répondu parl’affirmative- humoristiquement ou non - permettons-nous ici de douter et même de contester l’idée selon laquelle nous serions réfractaires aux transformations. S’il faut prendre un exemple récent pour illustrer nos propos, alors le prélèvement à la source s’impose. Voilà un mode de règlement de l’impôt radicalement différent, collecté non plus par l’administration fiscale, mais par les entreprises. Or victime d’un long flottement ces derniers jours, au cours desquels il a été question de le reporter sine die, entre atermoiements et valse-hésitations au plus haut niveau de l’État, il a reçu un joli coup de pouce des Français. Plusieurs sondages indiquent en effet que nos compatriotes sont favorables pour plus de 60 % à sa mise en place dès le mois de janvier 2019 ! On ne saura jamais quel aura été le poids de ce point de vue dans la décision de l’exécutif de maintenir dès l’an prochain le prélèvement à la source. En revanche, il faut noter la volonté de nos compatriotes de mener à bien ce chantier, quand bien même 70 % des sondés disent craindre des erreurs... Il est vrai qu’en écho, dans les phases de tests menées par Bercy tout au long de cette année, il aura été recensé en un mois, pas moins de 350.000 bugs. Et si l’on se souvient de l’existence d’expériences malheureuses que l’administration traîne comme un boulet, tel le logiciel de solde Louvois dédié aux militaires, alors on ne peut qu’être convaincu que les Français ne sont pas réfractaires à tout, loin s’en faut.
Que le grand chantier de la collecte de l’impôt semble accepté dans l’idée par les contribuables satisfera forcément les pouvoirs publics. Qui ne savent pourtant pas quelles seront les conséquences - psychologiques ou non – que ce mode de prélèvement pourra réserver sur la consommation des ménages et, partant, sur la croissance. Certes 60 % des assujettis sont d’ores et déjà mensualisés et savent gérer un impôt mensuel. Mais au rang des inconnues, il faut intégrer d’autres éléments. Notamment l’inflation.Sur le papier, le facteur a fait son retour dans nos économies. À 2,1 % sur un an dans la zone euro - 2,3 % à fin juillet pour la France - il est même légèrement au-delà de la cible fixée par la Banque centrale européenne. On ne manquera pas cependant de pointer sa composition. Hors alimentation et énergie, l’inflation ne dépasse pas en réalité 1 %. Sachant que l’alimentation pèse pour moins de 8 % de l’indice des prix global, la hausse n’est donc que le fruit de l’augmentation des prix de l’énergie. Ce qui pose une nouvelle question: compte tenu de son caractère multi-dimensionnel, l’inflation peut-elle avoir un impact uniforme sur les ménages français ? Peu importe ! Dans l’inconnu, les pouvoirs publics semblent ne vouloir prendre aucun risque. Aussi après avoir décidé le maintien du nouveau mode de prélèvement, il a décidé d’accorder plusieurs largesses supplémentaires dont une coûtera la bagatelle de cinqmilliards d’euros (voir page 20). Mais l’accord des Français à la réputation ultra-conservatrice a sans doute été jugé à ce prix. Et sans discuter.
Jean-François Tardiveau
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