
Prélèvement à la source: du flou pour l’année de transition

La réforme du prélèvement à la source (PAS), telle qu’elle ressort de l’article 60 de la dernière loi de Finances (L’Agefi Actifs n°691, p. 8), modifie les modalités de recouvrement de l’impôt sur le revenu (IR). Les règles de calcul et l’obligation déclarative à la charge du contribuable sont inchangées. Le législateur a souhaité conserver le principe de conjugalisation, de familialisation et de progressivité de l’impôt.
Prélèvement par retenue. Il prend la forme d’une retenue à la source pour les revenus d’activité versés par des tiers (salaires, pensions de retraite ou rentes viagères). Le texte exclut expressément du PAS les indemnités, les avantages sur stock-options et actions gratuites ainsi que les distributions et les gains de carried interest. L’impôt afférent à ces revenus sera recouvré en septembre de l’année n+1.
Prélèvement par compte. Il est prévu que l’acompte dû sur les bénéfices professionnels (BIC, BNC, BA), les revenus fonciers et les pensions alimentaires soit calculé par l’administration fiscale et prélevé chaque mois ou chaque trimestre directement sur le compte du contribuable. Pour les rémunérations de gérance entrant dans le cadre de l’article 62 du Code général des impôts (CGI), «il semble que la retenue sera effectuée à la source par la société qui rémunère le gérant majoritaire», selon Olivier Demoucron, associé gérant du cabinet GMBA Baker Tilly. En cas de début d’activité, les titulaires de tels revenus peuvent verser un acompte «spontané » dont ils fixent le montant.
Revenus hors champ du prélèvement. Les plus-values mobilières et immobilières ainsi que les revenus mobiliers n’entrent pas dans le champ du PAS dans la mesure où ils sont déjà soumis à un prélèvement forfaitaire, tout comme les BIC et BNC relevant du micro-régime avec prélèvement libératoire de l’IR. L’impôt sera recouvré –ou le trop-perçu restitué– en septembre n+1 selon les modalités déjà en vigueur.
Trois taux de prélèvement. Par défaut, l’administration communique au tiers collecteur un taux unique déterminé sur la base des derniers revenus déclarés par le foyer fiscal. L’employeur applique ce taux sur le net fiscal avant abattement pour frais professionnels. Un premier taux, calculé sur l’assiette des revenus n-2, est appliqué de janvier à août, puis actualisé automatiquement à compter du mois de septembre, date à laquelle l’administration aura liquidé l’impôt dû sur les revenus n-1 (voir le tableau ci-dessous). Ce taux est fixé sans considération des crédits et réductions d’impôts imputables. «Pour les contribuables qui bénéficient de tels dispositifs de manière récurrente, il en résulte un taux de prélèvement supérieur au taux d’imposition et un effet de trésorerie négatif », souligne Gaëlle Menu-Lejeune, avocate du cabinet Fidal. Pour atténuer ce phénomène, un acompte de 30 % du montant des crédits d’impôt de l’année n-2 relatifs à l’aide à la personne et à la garde d’enfants sera versé aux particuliers concernés au plus tard le 1er mars de l’année.
Les salariés soucieux de préserver la confidentialité des revenus de leur foyer ou les primo-déclarants peuvent demander à bénéficier d’un taux neutre par défaut calculé à partir d’une grille de taux définie par le législateur. Il incombe au salarié de verser le complément d’impôt correspondant à la différence entre l’application de son taux de prélèvement et l’application du taux neutre. « Néanmoins, nous pensons que peu de salariés en feront la demande compte tenu des contraintes liées à l’obligation de devoir faire une autre déclaration et un autre reversement personnellement », estime Olivier Demoucron.
S’il existe une forte disparité de revenus dans le foyer, les contribuables peuvent opter pour un taux individuel applicable aux revenus personnels de chacun des membres du couple. Lila Vaisson-Bethune, responsable de l’ingénierie patrimoniale chez BNPParibas Banque Privée France, précise que « les revenus communs demeurent en principe soumis au taux unique ». Un taux nul est également prévu sous conditions. Le prélèvement peut être modulé à la baisse à condition que le nouveau montant soit inférieur de plus de 10 % et de plus de 200 euros au montant initial. « La modulation à la baisse pourra être revendiquée en cas de diminution des revenus. Dans la mesure où le prélèvement ne tient pas compte des crédits et réductions d’impôts, la modulation ne peut être fondée sur la réduction d’impôt qu’ils entraînent. L’augmentation des charges déductibles du revenu global justifie en revanche l’ajustement du taux », spécifie Eric Ginter associé du cabinet Altitude Avocats. Si la modulation est réalisée sur la base d’un revenu sous-estimé, le contribuable ne sera pas sanctionné s’il prouve que son erreur provient d’éléments de rémunération difficilement prévisibles au moment de la modulation. « Dans ce cas, la bonne foi du contribuable sera déterminante pour obtenir la décharge des pénalités», relèvent la commission fiscalité de l’institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF). Les changements de situation personnelle produiront leurs effets l’année de leur survenance dès lors que le contribuable les aura déclarés auprès de l’administration.
Responsabilité des tiers collecteurs. Le montant du taux moyen est reporté sur la déclaration sociale nominative (DSN). «En cas d’inexactitudes ou omissions, l’employeur encourt une amende de 5 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, portée à 40% en cas d’inexactitudes ou d’omissions délibérées » précisent Christina Melady et Nadia Hamya, associées du Cabinet TAJ. Par ailleurs, l’employeur qui ne respecterait pas le secret fiscal sera pénalement sanctionné. Interrogé sur l’impact de ce nouveau dispositif, Philippe Arraou, le président du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, estime qu’il « ne s’agit que d’une ligne de précompte supplémentaire sur les bulletins de salaire. L’argument selon lequel la retenue à la source représente une surcharge de travail comptable tient surtout à la réticence des entreprises à interférer dans la relation Etat/contribuable ».
2017, une année de transition. Pour neutraliser tout phénomène de double imposition, le texte institue un crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), «non soumis au plafonnement des niches fiscales», relève Christine Valence-Sourdille, ingénieur patrimonial chez BNP Paribas Banque Privée France. Ce crédit ne concerne que l’impôt dû sur les revenus « non exceptionnels » soumis à retenue ou à acompte.
Les revenus exceptionnels de 2017 et ceux hors champ du PAS sont imposés selon les modalités de droit commun. Sont notamment considérés comme exceptionnels « les revenus qui ne sont pas susceptibles d’être recueillis annuellement » et « les gratifications surérogatoires sans lien avec le contrat de travail ». Le législateur accorde la récupération des crédits et réductions d’impôts 2017 mais pas celle de charges déductibles des revenus catégoriels ou du revenu global. « En cas de revenu exceptionnel, la charge déductible retrouve son effectivité, mais elle n’est totale que pour les contribuables qui réaliseront en 2017 uniquement des revenus exceptionnels », relève Matias Labé, avocat au sein du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre.
En cas d’incertitude sur la nature, exceptionnelle ou non, des éléments de rémunération, l’employeur peut adresser à l’administration un rescrit. L’absence de réponse dans les trois mois vaut acceptation tacite de l’interprétation de l’employeur. « On peut se demander si l’administration sera prête à répondre aux rescrits dans les délais impartis car nombreuses sont les entreprises qui y auront recours pour apporter une certaine sécurité juridique à leurs salariés lors de la déclaration de leurs revenus 2017 », remarquent Christina Melady et Nadia Hamya. Les professionnels sollicités insistent sur le fait que l’administration sera extrêmement vigilante lors du recouvrement de l’IR 2017, a fortiori parce que le délai de reprise a été étendu à quatre ans pour cette année. Des clauses anti-abus sont également prévues pour les indépendants et les revenus fonciers.
CIMR des indépendants et des dirigeants. Le CIMR bénéficiant aux travailleurs indépendants sera plafonné au plus faible des montants entre le bénéfice imposable en 2017 et le plus élevé des bénéfices imposables entre 2014 et 2016. Puis en septembre 2019, le CIMR sera régularisé lors de la liquidation de l’impôt sur les revenus perçus en 2018 « afin de ne pas soumettre à l’impôt des bénéfices qui relèvent de l’activité régulière et croissante du contribuable», indique la commission de l’IACF (voir le tableauci-dessus). Un mécanisme semblable est prévu pour les dirigeants contrôlant la société qui les rémunère, le contrôle étant défini en référence à l’article 150-0 B ter du CGI.
CIMR sur les revenus fonciers. Les revenus fonciers non exceptionnels perçus en 2017 bénéficieront du CIMR. Les recettes exceptionnelles, telles que les indemnités de pas de porte et les suppléments de loyer, restent imposables. Le législateur introduit un dispositif spécifique pour le traitement des charges foncières 2017-2018. Ainsi, les dépenses dites « pilotables », principalement les travaux, réalisées en 2017 sont déduites à hauteur de 100 % du revenus de l’année et celles réalisées en 2018 sont déductibles à hauteur de 50% de la moyenne des travaux réalisés sur ces deux années. Ce mécanisme, initialement imaginé pour que les propriétaires ne repoussent pas leurs travaux, s’avère aussi incitatif que punitif (voir le tableau ci-contre). « Les travaux d’urgence, ceux effectués sur des immeubles acquis en 2018 et ceux sur monuments historiques sont toutefois exclus de ce dispositif et sont déductibles à 100 % des revenus 2017 ou 2018 », signalent Christine Valence-Sourdille et Lila Vaisson-Bethune. En revanche, ils ne sont pas pris en compte pour déterminer la moyenne des travaux réalisés sur ces deux années.
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