Plafonnement de l’IFI et CIMR : pas d’effet confiscatoire

Dans le cadre de trois recours pour excès de pouvoir contre la doctrine administrative, le Conseil d’État est revenu sur l’articulation du plafonnement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR).
Annabelle Pando
conseil d'état à Paris
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Le Conseil d’État vient de se prononcer sur l’articulation du plafonnement de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) (CE, 31 mars 2021, n°s 440543, 440545 et 440576), dans le cadre de trois recours pour excès de pouvoir contre la doctrine administrative. En cause : les commentaires de l’administration fiscale sur les incidences, pour le calcul de ce plafonnement au titre de l’année 2019, de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu et des modalités de prise en compte du CIMR (BOI-PAT-IFI-40-30-10, § 1, 10, 30, 50, 60, 120 et 130).

Les termes du plafonnement de l’IFI

Pour mémoire, le plafonnement de l’IFI, prévoit que l’IFI d’un redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre :

- d’une part le total de cet impôt et des impôts dus en France et à l'étranger au titre des revenus et produits de l’année précédente, calculés avant imputation des seuls crédits d’impôt représentatifs d’une imposition acquittée à l'étranger et des retenues non libératoires ;

- et, d’autre part 75 % du total des revenus mondiaux nets de frais professionnels de l’année précédente, après déduction des seuls déficits catégoriels dont l’imputation est autorisée par l’article 156, ainsi que des revenus exonérés d’impôt sur le revenu et des produits soumis à un prélèvement libératoire réalisés au cours de la même année en France ou hors de France (CGI, art. 979).

Le mécanisme du CIMR

Par ailleurs, les contribuables ont bénéficié, à raison des revenus non exceptionnels d’un CIMR destiné à assurer, pour ces revenus, l’absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l’impôt sur le revenu. Pour le calcul du plafonnement de l’IFI, l’impôt sur le revenu à retenir a été calculé après imputation du CIMR.

En effet, selon les commentaires de l’administration : « au regard des dispositions de l’article 979 du CGI, seul l’impôt sur le revenu effectivement acquitté en 2019 au titre des revenus 2018, c’est-à-dire après imputation du CIMR, sera pris en compte pour le calcul du plafonnement de l’IFI 2019. Les revenus situés dans le champ du CIMR doivent en effet être regardés comme exonérés pour l’application du premier alinéa du I de l’article 979 du CGI, qui a pour objet de prendre en compte les impôts effectivement acquittés ».

Inégalité de traitement et charge confiscatoire ?

Selon les requérants, cette règle d’imputation du CIMR pour le calcul de l’impôt retenu au titre du mécanisme de plafonnement de l’IFI méconnait les dispositions de l’article 979 du CGI relative au plafonnement de l’IFI et porte atteinte aux principes d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789.

Selon eux, la règle instituait une différence de traitement injustifiée entre :

- la majorité des contribuables, qui ont bénéficié, pour l’impôt dû en 2019 au titre des revenus perçus en 2018, d’une « année blanche » par l’effet du CIMR et

- les contribuables qui se sont vu privés de ce bénéfice du fait de la prise en compte de ce crédit d’impôt dans le calcul du plafonnement de l’IFI dû au titre de 2019.

De plus, les requérants soutenaient que la règle avait pour effet de porter le total des impôts effectivement acquittés en 2019 à un niveau excessif, constituant ainsi une charge spéciale et exorbitante méconnaissant les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Conv.EDH). Elle ne prévoyait pas, pour le calcul du plafonnement de la cotisation d’IFI due au titre de l’année 2019, la possibilité d’inclure les acomptes d’impôt sur le revenu payés en 2019 sur les revenus perçus au titre de cette même année tout en prévoyant qu’il y a lieu, pour ce même calcul, d’imputer sur l’impôt sur le revenu dû au titre de 2018 acquitté en 2019 le CIMR dont les requérants ont bénéficié.

La validation par le Conseil d’État

La haute juridiction administrative a écarté ces arguments. « L’institution du prélèvement à la source en 2019 n’a eu ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte à cet objectif dès lors que l’impôt sur le revenu grevant les revenus de 2018, qui doivent permettre d’acquitter la cotisation d’IFI due au titre de 2019, est pris en compte pour le calcul du plafonnement de cette cotisation, tandis que les revenus perçus en 2019 doivent servir au paiement de l’IFI dû au titre de 2020, lequel est plafonné en fonction de l’impôt dû au titre de ces revenus. » Il en déduit que « les conséquences en trésorerie de l’instauration d’un mode de recouvrement de l’impôt sur le revenu contemporain de la perception des revenus qui y sont soumis sont indifférentes pour l’appréciation de la capacité contributive des contribuables concernés. »

Dans l’une des 3 affaires, il a logiquement refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soulevée au motif l’article 979 du CGI a été déclaré conforme à la Constitution (Cons. const., décision n° 2017-758 DC du 28 décembre 2017) au cours de l’examen de la loi du 30 décembre 2017 de Finances pour 2018, y compris en tant qu’il prévoit que le CIMR institué par l’article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de Finances pour 2017 est déduit de l’impôt sur le revenu dû au titre de 2018 pour le calcul du plafonnement de l’IFI dû au titre de 2019 (CE, 31 mars 2021, n° 440545).

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