
Le Conseil constitutionnel met à bas un pouvoir de sanction de l’AMF

Comment l’AMF pourra, demain, sanctionner les tentatives d’obstruction lors de ses enquêtes ? La question se pose après la décision du Conseil constitutionnel (1) ayant déclaré contraire à la constitution tout un pan del’article L. 621-15 du Code monétaire et financier. Grâce à cette disposition, l’AMF pouvait infliger une sanction pécuniaire d’un montant de 100 millions d’euros maximum à l’acteur qui«sous réserve de la préservation d’un secret légalement protégé et opposable à l’Autorité des marchés financiers, refuse de donner accès à un document, quel qu’en soit le support, et d’en fournir une copie, refuse de communiquer des informations ou de répondre à une convocation, ou refuse de donner accès à des locaux professionnels».
Un cumul des sanctions pénales et administratives
C’est Novaxia qui a incriminé ces dispositions à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), pointant un «manquement d’entrave» définide manière floueet fourre-tout, avec une sanction administrative attachée«manifestement excessive». Sanction de plus cumulable avec lasanction pénalede l’article 642-2 du Code monétaire et financier qui prévoit, en cas d’obstruction à une enquête de l’AMF, deux ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende. Traduit juridiquement, il en résulte une méconnaissance des principes de légalité, de proportionnalité et de nécessitédes délits et des peines. Pour le Conseil constitutionnel, les dispositions sont suffisamment précises et le montant de la sanction assez élevé pour être dissuasif. En revanche, le manquement administratif se confond bien avec le délit d’entrave:les deux disposition du Code monétaire et financier répriment les mêmes faits qualifiés de manière identique, poursuivent le même intérêt social - assurer l’efficacité des investigations - et proposent des sanctions de même nature. Le Conseil constitutionnel a donc déclaré inconstitutionnel la sanction administrative du manquement d’entrave. L’AMF devra donc faire confiance au juge pénal pour s’assurer du bon déroulé de ses enquêtes, ne pouvant plus avoir recours à un dispositif auquel il a eu recours trois fois par le passé.
Une position constante
Ce n’est pas la première fois que les Sages amputent un régulateur de l’une de ses capacités de sanction. Ils avaient adopté la même position à l'égard de l’Autorité de la concurrence en mars 2021, considérant là aussi que les sanctions administratives et pénal pour obstruction à une enquête ne faisaient pas bon ménage.
L’introduction de cette QPC fait suite à la condamnation de Novaxia à une amende de 680.000 euros par la Cour d’appel de Paris pour avoir manqué à son obligation de diligence et de loyauté à l'égard de la mission de contrôle, en donnant des réponses«approximatives ou inexactes», selon l’AMF. Novaxia ne pourra pas demander le bénéfice de cette décision - qui ne s’applique pas aux affaire en cours - lors de la prochaine instance qui l’opposera à l’AMF, sauf à ce que les juges de cassation n’en décident autrement.
(1)Décision n° 2021-965 QPCdu 28 janvier 2022
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