
La France et le Luxembourg renforcent leur collaboration

La France a publié le 2 décembre dernier le décret de parution de la convention qui lie les deux pays[1].
Soixante ans après le premier traité sur l’impôt sur le revenu et la fortune entre la France et le Luxembourg, les deux pays viennent de se doter d’une nouvelle convention fiscale. Elle intègre plusieurs dispositifs permettant d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales [2]. Malgré quatre renégociations, la convention de 1958 laissait passer entre ses mailles des montages subtils, notamment en matière immobilière. Depuis le Grand-Duché a abandonné son secret bancaire.
En ce sens, le nouveau protocole tient compte des avancées obtenues dans le cadre des travaux dits Beps (érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices) conduits par l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et comporte des modificationsen matière d’établissement stable et de versement dedividendes.
A partir de janvier 2020, les flux financiers entre la France et le Luxembourg s’inscriront dans un nouveau cadre fiscal pour mettre fin à certains schémas d’optimisation. La France a obtenu du Luxembourg qu’il intègre les standards de lutte contre la fraude fiscale les plus élevés.
Les doubles impositions seront éliminées de la manière suivante:
- Les revenus reçus et la fortune d’un résident français, imposable au Luxembourg, seront également imposés en France après réduction d’un crédit d’impôt du montant de l’impôt payé au Luxembourg, sans pouvoir excéder le montant de l’impôt français
- A l’inverse, pour le résident luxembourgeois qui perçoit des revenus de source française, le Luxembourg accordera une déduction égale à l’impôt payé en France
En substance, la convention modifie la méthode d’élimination de la double imposition entre les deux pays, en passant d’un dispositif d’exemption à un mécanisme d’imputation (article 22).
Pour ce qui est du droit de chaque Etat à imposer les revenus de ses non-résidents, les règles ont été fixées de la manière qui suit. S’agissant des revenus fonciers et des plus-values immobilières, le droit de taxer est accordé à l’Etat de situation du bien. La même règle est appliquée en matière d’impôt sur la fortune.
Par principe, les sociétés ne sont imposables que dans le pays qui les héberge, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans un autre Etat par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Les bénéfices qui en découlent sont alors imposables dans cet Etat.
Côté revenus financiers, la France et le Luxembourg ont décrété que les dividendes et les plus-values mobilières seront imposables dans l’Etat de résidence du bénéficiaire. Toutefois, ces sociétés distributrices, établies en France ou au Luxembourg, seront aussi taxées dans le pays de leur établissement. Etant précisé, que cet impôt ne pourra pas dépasser 15 % du dividende brut.
Les gains et salaires que reçoit un non-résident au titre d’un emploi exercé dans un autre Etat seront imposés dans le pays où ils exercent leur activité professionnelle. Par exception, les revenus versés par un employeur français et perçus au Luxembourg alors que le salarié y réside moins de 183 jours par an ne sont imposables qu’en France.
Pour les retraités, la France a conservé l’imposition exclusive des pensions dans l’Etat de la source. Ce qui signifie, par exemple, que les frontaliers qui percevront une pension de retraite luxembourgeoise à raison de leur travail exercé à Luxembourg, seront imposables au Luxembourg.
Les travailleurs transfrontaliers seront sûrement les grands perdants de cette réforme puisque leurs revenus seront à présent imposés en France et au Luxembourg. Alors qu’ils sont 100.000 à traverser la frontière chaque jour pour aller travailler au Luxembourg, où le chômage est faible et la croissance dynamique, les frontaliers français pourraient subir une hausse de leur pression fiscale.
Jusqu’à présent, pour éviter la double imposition, les deux pays s’étaient répartis le droit d’imposer les revenus. Le salarié frontalier était imposé dans l’Etat où l’activité était exercée (au Luxembourg en l’occurrence) et était exempté d’impôt dans son Etat de résidence (en France). La France tenant compte de ces revenus exemptés pour calculer le taux d’imposition qu’elle applique aux revenus imposables en France.
A l’avenir, si la France applique une imposition plus lourde que le Luxembourg, l’impôt dû sera l’impôt français. Dans le cas contraire, si la charge fiscale luxembourgeoise est plus lourde, le frontalier ne profitera pas du régime français alors plus favorable.
En dépit de ces modifications, le Luxembourg accuse toujours un certain retard en matière de lutte anti-blanchiment. Raison pour laquelle la Commission européenne a décidé, en novembre 2018, de poursuivre le Luxembourg devant la Cour de justice de l’Union européenne pour n’avoir pas transposé entièrement la 4e Directive anti-blanchiment.
, [1] Décret n° 2019-1274 du 2 décembre 2019
[2] Ratifiée par la loi n° 2019-130 du 25 février 2019, JO n° 0048 du 26 février 2019
Plus d'articles du même thème
-
Worldline s'enfonce en Bourse après des accusations de paiements frauduleux
Une enquête de plusieurs médias pointe de nombreuses transactions illicites qu'aurait opérées la société française. Worldline, dont l'action a plongé de 38%, assure de son côté avoir renforcé son cadre de gestion des risques depuis 2023. -
Edmond de Rothschild écope d’une amende de 25 millions d’euros au Luxembourg
La banque a été reconnue coupable de blanchiment et de recel dans l'affaire 1MDB qui porte sur un détournement frauduleux de plusieurs milliards de dollars américains au préjudice du fonds souverain malaisien au début des années 2010. -
La fraude par le titulaire de compte a explosé en 2024
Ce type de fraude représentait plus d’un tiers du total dans le monde, et plus de la moitié en Europe (EMEA). L’IA pourrait entraîner un rebond des opérations malveillantes en 2025, après une année de stabilisation en 2024.
Sujets d'actualité

ETF à la Une

L'ETF d'Ark Invest, le casse estival de l'IPO de «Bullish»
- Le logement en France : une crise durable
- L’outil fiscal a un effet marginal sur l'expatriation des hauts patrimoines
- Andera officialise la cession de Patrimmofi à Vyv
- Le Médiateur de l’assurance alerte sur les «trous de garanties» lors des substitutions des couvertures emprunteurs
- Les ménages face au nouveau paradigme immobilier
Contenu de nos partenaires
-
Wall Street recule face au ralentissement de l'emploi malgré la perspective de baisses de taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). La place américaine se montre quelque peu «angoissée» face à un possible «ralentissement économique» aux Etats-Unis, a souligné Jose Torres, analyste d’Interactive Brokers. Le marché du travail a continué à se dégrader en août aux Etats-Unis, avec un taux de chômage en progression, à 4,3%, selon les données officielles publiées vendredi par le ministère du Travail américain. La première économie mondiale a créé seulement 22.000 emplois le mois dernier, un niveau bien inférieur à ceux auxquels les Etats-Unis étaient habitués. Les analystes s’attendaient à 75.000 créations d’emploi, selon le consensus publié par MarketWatch. Les investisseurs demeurent prudents, ne connaissant pour le moment pas encore «toutes les implications de cette faiblesse persistante du marché du travail», notent les analystes de Briefing.com. Le flou autour des droits de douane de Donald Trump risque de continuer à freiner les embauches, a relevé par ailleurs Art Hogan, analyste de B. Riley Wealth Management. Mais ce rapport sur l’emploi donne aussi le feu vert à un assouplissement monétaire de la part de la banque centrale américaine (Fed) lors de sa réunion de septembre, avec la possibilité d’un futur coup de fouet pour l'économie. Il «laisse également entendre que d’autres mesures seront nécessaires pour stabiliser le marché du travail avant la fin de l’année», a noté Samuel Tombs, analyste de Pantheon Macroeconomics. Les acteurs du marché s’attendaient déjà à ce que le Fed réduise ses taux dans une fourchette de 4,00% à 4,25% lors de sa prochaine réunion. Désormais, ils sont aussi une majorité à anticiper d’autres baisses lors des réunions d’octobre et de décembre, selon l’outil de veille FedWatch CME. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, les taux d’intérêt ont nettement reculé. Vers 20H15, le rendement de l’obligation d’Etat américaine à échéance 10 ans tombait à 4,09%, contre 4,16% jeudi en clôture. A deux ans, il reculait à 3,52% contre 3,59%. Au tableau des valeurs, le géant des semi-conducteurs Broadcom a brillé (+9,41% à 334,89 dollars) après l’annonce de résultats supérieurs aux attentes pour le troisième trimestre de son exercice décalé, tant au niveau de son chiffre d’affaires que de son bénéfice net par action. Le groupe pharmaceutique Kenvue a chuté (-9,15% à 18,66 dollars) après parution d’informations de presse assurant que le ministre américain de la Santé pourrait lier son médicament phare, le Tylenol, au développement de l’autisme chez l’enfant. Selon le Wall Street Journal, le ministre américain de la Santé Robert Kennedy Jr, contesté pour ses positions antivaccins, s’apprêterait à lier la prise d’acétaminophène (ou paracétamol) - principe actif du Tylenol aux Etats-Unis ou Doliprane en France - chez les femmes enceintes au développement de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant, dont l’autisme. Le spécialiste des véhicules électriques Tesla (+3,64% à 350,84 dollars) a été recherché après que son conseil d’administration a proposé un plan de rémunération inédit sur dix ans pour son patron Elon Musk, qui pourrait lui rapporter plus de 1.000 milliards de dollars, sous conditions, et renforcer son contrôle sur l’entreprise. L'équipementier sportif Lululemon Athletica a plongé (-18,58% à 167,80 dollars) en raison de prévisions ne convainquant pas les analystes. L’entreprise s’attend à un bénéfice net par action compris entre 12,77 et 12,97 dollars pour l’année complète, alors que les anticipations étaient de 14,15 dollars. Nasdaq © Agence France-Presse -
Wall Street clôture en baisse après des chiffres décevants de l'emploi américain
Washington - La Bourse de New York a clôturé en baisse vendredi après la dégradation du marché du travail en août aux Etats-Unis, l’inquiétude d’un ralentissement économique prenant le pas sur l’optimisme quant à une baisse des taux de la Fed. Le Dow Jones a reculé de 0,48% et l’indice élargi S&P 500 a perdu 0,32%. L’indice Nasdaq, à forte coloration technologique, a terminé proche de l'équilibre (-0,03%). Nasdaq © Agence France-Presse -
Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse