
Il y a dix ans : Retour sur les mécanismes de la crise des subprime

Cet article a été publié, à l’origine, dans l’Agefi Actifs 313 du 31 août 2007
«Depuis plusieurs mois, les inquiétudes sur le segment des subprimeaméricains ont provoqué une contagion sur les principaux indices boursiers
La crise actuelle se révèle liée à une perception nouvelle du risque plutôt qu’à une réelle évolution de la situation économique globale
Encore inconnus il y a quelques semaines de la plupart des investisseurs particuliers français, les subprime hypothécaires, ces prêts immobiliers octroyés aux ménages américains peu solvables, sont aujourd’hui dans tous les esprits. La crise observée sur les marchés est en effet la conséquence d’une prise de conscience, au début du mois d’août, du risque supporté par les residential mortgage backed securities (RMBS) subprime, les titres adossés à ce type de crédits. Mais comment le défaut de paiement de ménages américains peu solvables a-t-il pu provoquer une crise mondiale ?
Le problème des taux variables. Aux Etats-Unis, la majorité des crédits aux ménages considérés comme étant à la limite de la solvabilité est octroyée sous la forme de prêts à taux variable (ou fixe les premières années, puis variable ensuite). Depuis quatre ans, les caractéristiques de l’économie américaine, notamment en termes de croissance et d’inflation, ont conduit la Réserve fédérale à augmenter progressivement ses taux directeurs, ces derniers passant de 1 % en juin 2003 à 5,25 % aujourd’hui. Or, en raison de l’indexation du prix du crédit sur ces taux directeurs, cette progression a engendré une augmentation du coût du crédit et les ménages n’ont pu faire face à leurs échéances. Sur ce type de prêts, le défaut est théoriquement couvert par une hypothèque sur le bien immobilier. S’ils n’arrivent pas à honorer leurs traites, les ménages remboursent le crédit par la vente de leur bien. Cependant, avec la baisse de l’immobilier résidentiel aux Etats-Unis, certains ménages n’ont pu trouver acquéreur pour leur maison et se sont retrouvés insolvables.
Un effet d’entraînement. Cette baisse de la solvabilité des ménages américains aurait pu rester cantonnée aux organismes se chargeant de distribuer les crédits. Mais plutôt que de supporter seules les risques liés à ces prêts, les institutions financières ont transformé ces créances en titres et les ont cédés à des tiers. Ce sont ces titres qui sont appelés, par raccourci, subprime. De nombreuses institutions financières, à la recherche d’actifs dynamisant pour leurs allocations en produits de taux, ont intégré ces instruments financiers dans leurs OPCVM (notamment via des CDO, collateralized debt obligations ) ainsi que dans leurs fonds propres. Au mois de juin, deux fonds de Bear Sterns ont connu des difficultés et confirmé les inquiétudes des marchés sur le segment des subprime. Ensuite, dans le courant du mois d’août, certains organismes financiers, dont BNP Paribas, Axa IM ou Oddo, ont à leur tour lancé un signal d’alerte, BNP Paribas suspendant même la valorisation de certains fonds investis sur ces actifs. Une crise de confiance s’en est donc suivie et les banques ont éprouvé des difficultés à se refinancer sur le marché interbancaire, certaines d’entres elles étant réticentes à prêter des fonds à d’autres établissements, même pour du très court terme. Confrontées à une crise de liquidité, elles ont dû vendre massivement leurs actions, actifs les plus liquides. Ce mouvement de vente n’est pas le seul facteur explicatif de la baisse des marchés, mais l’effet d’entraînement est ensuite bien connu : lorsque le doute s’instaure sur la valorisation d’une classe d’actifs, les investisseurs remettent alors en cause la valorisation de toutes les autres. Les investisseurs sont donc devenus, dans cette période de doute quant à la pérennité de la croissance américaine, beaucoup plus méfiants sur le niveau de risque qu’ils supportaient, et ce sur toutes les classes d’actifs risquées. Sans compter que la consommation des ménages aux Etats-Unis, en partie soutenue par le refinancement hypothécaire, pourrait être fortement amputée par les difficultés éprouvées aujourd’hui sur le secteur de l’immobilier.
Le rôle des Banques centrales. Afin de faire face à cette crise, les banques centrales ont réagi en mettant à disposition des liquidités permettant aux banques de se refinancer. Les 9 et 10 août, la banque centrale amé- ricaine (Fed) a ainsi injecté respectivement 24 et 38 milliards de dollars dans le système bancaire. De son côté, la Banque centrale européenne a injecté 156 milliards d’euros ces deux mêmes jours, et près de 48 milliards d’euros le 13 août. A noter toutefois que, aux Etats-Unis comme en Europe, ces sommes constituent des prêts et ne sont pas cumulatives car leur échéance reste très courte, dans la plupart des cas égale à une journée. Par ailleurs, le 17 août, la Fed a ramené son taux d’escompte de 6,25 % à 5,75 %. Même si le taux de référence américain reste pour sa part fixé à 5,25 %, ce signe de détente monétaire a fortement rassuré les marchés.»
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