
Les exclusions de garanties conditionnent la solidité des contrats
S’assurer oui, mais à condition d’être couvert! Pour éviter les mauvaises surprises, la démarche est relativement simple: il suffit de lire ses contrats d’assurance en s’attardant sur les chapitres consacrés aux risques exclus. A défaut d’être totalement intelligibles, les informations contenues dans ces paragraphes sont primordiales. L’exercice est fastidieux, parfois déconcertant, mais il permettra peut-être à l’assuré de découvrir que justement…, il ne l’est pas.
, Trois grandes catégories d’exclusions à cerner.
, La liste des exclusions contractuelles varie d’un contrat à l’autre. Elle peut être longue, mais précise, ou a contrario plus réduite mais sujette à interprétation. Les experts, qu’ils soient juristes, actuaires (lire l’avis d’expert) ou consultants établissent une distinction dans les situations de privation de garantie selon trois grandes catégories pour lesquelles ils recommandent aux assurés, mais aussi aux distributeurs -devoir de conseil oblige-, la plus grande vigilance.
, Les premières concernent les exclusions pures et dures, mentionnées dans les conditions générales des polices et pour lesquelles on distinguera celles qui dépendent du mode de vie et celles qui sont liées à certaines affections particulièrement redoutées des assureurs que sont les maladies du dos et psychiatriques.
, Les deuxièmes renvoient à des vides de garanties, non explicites, et sont particulièrement à surveiller pour les assurances incapacité et invalidité. Les troisièmes, enfin, ont trait aux conséquences d’une mauvaise appréhension du questionnaire médical.
, Exclusions formelles d’activités liées au mode de vie…
, Sur le mode de vie, les exclusions à relever sont celles attachées aux loisirs, et notamment aux activités sportives pratiquées à titre professionnel, mais aussi en amateur (exemples: ski hors piste sans moniteur diplômé, bobsleigh, sans encadrement, planeur, parachutisme, compétitions de sports aquatiques ou terrestres avec des engins à moteurs en tant que pilote ou passager…). Une approche au cas par cas s’impose pour le conseiller qui doit veiller à poser les bonnes questions. «Notre métier est de proposer des couvertures sur mesure et l’analyse patrimoniale se révèle une étape essentielle dans la connaissance du mode de vie de nos clients», met en avant Rémi Béguin, le directeur général du cabinet Patrim One, spécialisé dans l’assurance de la clientèle privée.
, … et aux maladies dorsales et psy.
, Le second point à étudier au chapitre risques exclus sera le paragraphe portant sur les maladies cervico-dorso-lombaires et les affections psychologiques/psychiatriques. Parce que l’assureur a peur des faux arrêts de travail, ces maladies dites non objectivables figurent parmi les exclusions les plus courantes dans les contrats d’assurance, notamment pour les couvertures emprunteurs.
, Pour le cabinet de conseil BAO spécialiste du marché de l’assurance emprunteur, les exclusions de ces maladies doivent être suffisamment ciblées pour qu’a contrario les formes sérieuses et objectivables de ces formes de pathologies donnent toujours lieu à indemnisation. Ainsi, relève BAO, il y a une différence fondamentale entre exclure toute pathologie psychologique ou dorsale et exclure ces pathologies sauf si elles occasionnent une hospitalisation ou si elles sont parfaitement objectivables (fractures, tumeurs, opérations...). «Concernant l’hospitalisation, les délais varient de manière très importante selon les contrats, entre 5 et 30 jours. Dès lors, exclure les affections psychiques sauf en cas d’hospitalisation supérieure à 30 jours revient dans les faits pour l’assureur à éliminer ces risques de son portefeuille», explique Isabelle Tourniaire, associée de BAO.
, Bien évidemment, les conséquences de telles clauses ne sont pas neutres en fonction des métiers exercés. «Selon les catégories socioprofessionnelles, un contrat présentera ou non des garanties supérieures à un autre. Par exemple, un maçon aura tout intérêt à être vigilant sur la prise en charge des garanties dorso-vertébrales en choisissant de préférence un contrat qui les couvre au-delà d’une durée d’hospitalisation réduite. Le devoir de conseil prend ici tout son sens», prévient Isabelle Tourniaire. Dans le contexte actuel (stress au travail, pénibilité…), la couverture des maladies non objectivables devient un argument de différenciation entre les acteurs. «En matière d’exclusions, nous sommes vigilants sur les maladies dorsales et psychiques en choisissant des contrats qui ne modifient pas le niveau des garanties en cas d’aggravation du risque», ajoute Rémi Béguin.
, A La Banque Postale par exemple, où ces maladies ne sont pas exclues, «nous ne constatons pas de dérives de sinistralité particulière sur ce poste», indique la directrice du pôle assurance, Danielle Wajsbrot.
, Les exclusions non explicites.
, Certaines exclusions ne sont pas détectables, sauf pour le professionnel averti. Tel est le cas principalement des couvertures des personnes sans activité. Comme l’expliquent les experts de BAO, un emprunteur peut changer de situation professionnelle en cours de prêt et connaître des périodes d’inactivité (congé parental, sabbatique, chômage, inactivité temporaire entre deux emplois...). Pendant ces périodes, il devra régler ses cotisations d’assurance comme s’il était en activité. Ainsi, les contrats qui suspendent leur garantie pendant les périodes d’inactivité offrent un niveau de service significativement plus faible que les autres, qui couvrent quant à eux de la même façon les personnes en activité ou non. «Dès lors, tous les contrats indemnitaires, sauf mention contraire, ne couvrent pas l’arrêt de travail», précise Isabelle Tourniaire.
, «De nombreuses exclusions entraînent des situations de déséquilibre pour les assurés. Dans bon nombre d’affaires, les consommateurs d’assurance se sont rendu compte que l’assurance ne jouait pas le rôle attendu, particulièrement pour les garanties invalidité et incapacité qui s’activent dans la plupart des cas lorsque l’assuré est dans l’impossibilité d’exercer toute activité rémunérée. La jurisprudence a beaucoup fluctué, mais après l’arrêt de la Cour de cassation du 2 mars 2007 (lire l’encadré) en assurance emprunteur, qui fait désormais peser sur l’intermédiaire un devoir de conseil renforcé, de nombreuses conditions générales de contrats ont été revues», commente Sylvestre Gossou, avocat associé du cabinet BM Avocats.
, Un autre point important concerne la couverture des indemnités journalières pour les non-salariés au cours de la première année d’activité. «Les contrats Madelin qui interviennent en complément du régime social des indépendants ne prévoient pas toujours cette garantie», prévient le gérant de Factorielles, Bruno Chrétien.
, Les pièges de la sélection médicale.
, En prévoyance, «les fausses déclarations, omissions et autres déclarations inexactes en matière médicale sont encore une source prépondérante de litiges», soulignait le médiateur de Fédération française des sociétés d’assurances, Francis Frizon, dans son rapport 2008. Le problème est toujours d’actualité, d’autant que pour des raisons commerciales, la tendance est à la simplification des formalités médicales. Or, pour être efficace, le questionnaire de santé doit être clair et précis.
, Conclure des contrats de bonne foi est une chose, et il est normal de demander à l’assuré de faire preuve d’honnêteté. Mais rechercher systématiquement à refuser ou réduire les garanties en est une autre. «Etre clair consiste à éviter de faire en sorte que l’assuré se pense couvert de bonne foi. L’objectif est d’éviter les situations ubuesques dans lesquels un particulier se voit reprocher de s’être déclaré en bonne santé alors qu’il prend des cachets quotidiens pour prévenir des problèmes d’arthrose», illustre Francis Frizon. D’autant que «certaines compagnies ont des méthodes peu élégantes en excluant toutes les conséquences des pathologies que l’assuré déclare en sachant que si l’assuré ne les déclare pas, la garantie lui sera refusée pour fausse déclaration», complète Isabelle Tourniaire.
, Dans le domaine de la déclaration de santé, l’assuré est tenu de répondre avec exactitude aux questions posées. «En cas de questions maladroites, le doute profite généralement à l’assuré qui doit démontrer que la question n’a pas été claire. Beaucoup de contentieux naissent sur le terrain de la fausse déclaration intentionnelle», précise Sylvestre Gossou.
, Des efforts de rédaction à entreprendre.
, Savoir dénicher dans les contrats les exclusions et trous de garanties est un atout supplémentaire pour les professionnels du conseil. Pour accompagner efficacement la clientèle, un audit complet s’impose.
, L’approche n’est pas statique: «Notre métier est de savoir anticiper les situations. Dans le cas par exemple d’un contrat Homme clé pour une entreprise située en France, nous devons étudier l’hypothèse d’un changement de résidence fiscale du dirigeant afin de ne pas risquer une résiliation de la police à un âge avancé auquel il sera plus difficile de s’assurer», illustre Rémi Béguin.
, Reste que, même en prenant un soin particulier à la couverture de la clientèle haut de gamme, cela ne met pas à l’abri des mauvaises surprises, souligne un courtier de la Place. Ce dernier cite en exemple la souscription d’un contrat Homme clé qui bénéficiait d’une extension de couverture pour le pilotage d’hélicoptère, contrat qui excluait les sinistres découlant du non-respect de la navigation aérienne. «Lorsque l’assuré a perdu la vie au moment de l’accident, la compagnie a tergiversé pour indemniser les bénéficiaires en se fondant sur des éléments de l’enquête qui tentaient à démontrer que le pilote était en faute. Il a fallu un an et demi pour que l’entreprise soit finalement payée, avec toutes les conséquences sociales que cette attente a fait peser sur son activité.»
, Tous ces éléments montrent que les intermédiaires, en amont de leur devoir de conseil, doivent jouer un rôle moteur dans l’élaboration des contrats de prévoyance en travaillant à les rendre plus lisibles. Quant aux assureurs, et sans remettre en cause la lutte qu’ils peuvent mener contre la fraude ou la mauvaise foi des assurés, ils se grandiraient dans certains cas limites à ne pas faire preuve de juridisme étroit.
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