
Le paiement des commissions au cœur de la rupture du mandat
Le 5 septembre dernier, la Cour d’appel de Paris a fait droit aux demandes d’indemnisation de cinq agents commerciaux de Cafpi, un des premiers réseaux de courtage en prêts immobiliers.
En cause, la minoration du montant de leurs commissions au titre de la commercialisation des contrats de prêts immobiliers et d’assurance emprunteurs ainsi que la modification unilatérale de leurs relations d’affaires. La société de courtage faisait valoir que les agents commerciaux avaient créé de toutes pièces ce litige pour lui imputer la rupture du contrat.
Minoration des commissions...
Les plaignants avaient signé, pour les uns en 2006 et pour les autres en 2007, un contrat d’agent commercial avec le dirigeant de la société Cafpi, qui exerçait avant 2009 l’activité de courtage en prêts immobiliers en son nom personnel, sous l’enseigne Cafpi. Trois ans plus tard, ils résilient par anticipation leurs conventions pour défaillance du mandant et demandent à Cafpi le règlement des commissions leur restant dues, en réintégrant le montant de la TVA et celui des sommes prélevées sur leurs commissions pour constituer ce que la société appelle une cagnotte destinée à financer des actions commerciales et publicitaires. Face au refus de Cafpi, les agents commerciaux l’assignent devant le tribunal de commerce d’Evry qui rejette l’ensemble des prétentions des requérants hormis la restitution des sommes allouées à la cagnotte.
... par une participation à une cagnotte.
La Cour d’appel de Paris confirme la restitution par la société de courtage des sommes versées par les agents commerciaux à la cagnotte et leur réintégration dans l’assiette de calcul des commissions, après avoir constaté que cette cagnotte a été instituée postérieurement à la signature des conventions et l’absence de preuve apportée par la société de courtage quant à l’accord de ses agents commerciaux.
Selon Nicolas Auclair, avocat des agents commerciaux, «cette cagnotte diminuait d’une part la rémunération due à l’agent et limitait la possibilité pour ce dernier d’atteindre le plancher de commissionnement total sur le semestre en cours, avec pour conséquence de minimiser le pourcentage de ses commissions à percevoir pour l’ensemble du semestre suivant».
Un prélèvement indu de la TVA.
Les agents commerciaux obtiennent également gain de cause quant à la réintégration de la TVA dans la base de calcul des commissions. En l’occurrence, le contrat stipulaitque «l’agent ne versera pas la TVA afférente à ladite commission, celle-ci étant versée directement par le mandant» et le tableau de calcul des commissions ne précisait pas si le calcul des commissions se faisait sur des sommes hors taxes ou TTC.
Or, les juges soulignent que «les activités concernées ne sont pas soumises à TVA et que, par un arrêt du 5 juillet 2006, la Cour d’appel de Paris a condamné [le mandant] à réintégrer les sommes retenues au titre de la TVA, de sorte qu’il était inutile de viser la TVA dans les contrats conclus postérieurement, ni régler contractuellement les conditions de son paiement.(…) Quand bien même il n’était pas précisé si la base de calcul était HT ou TTC, le dirigeant a imposé un calcul prenant en compte le fait qu’il aurait réglé la TVA, ce qui était inexact, mais a conduit les agents commerciaux à accepter un calcul de commissions sur une base minorée».
Une activité d’intermédiaire en assurance…
La rémunération pour la production des contrats d’assurance emprunteurs est un autre point de désaccord entre Cafpi et les agents commerciaux. Cafpi fait valoir que ses agents intervenaient en qualité d’apporteur d’affaires et non d’intermédiaire en assurance, ayant seulement à diriger les clients cherchant une assurance pour garantir leur emprunt et qu’il s’agissait d’une activité accessoire. Cependant, la Cour d’appel de Paris relève qu’avant 2009, le dirigeant exerçait l’activité d’intermédiaire en assurance sans être immatriculé auprès de l’Orias et sans pouvoir prétendre qu’il s’agissait d’une activité accessoire, en utilisant son réseau d’agents commerciaux pour commercialiser ces assurances.
Elle constate qu’«une confusion comptable a été volontairement entretenue par le dirigeant vis-à-vis de ses agents commerciaux» en mettant en place une rémunération d’apporteur d’affaires par chèques cadeaux au lieu d’une rémunération normalement due à un agent d’assurance, «ce qui constitue une rémunération déguisée qui ne permet pas à son bénéficiaire de garder la traçabilité de son auteur».
… rémunérée sur la vie du contrat.
Partant de ce constat, les juges estiment les agents commerciaux fondés à demander la réparation de leur préjudice financier au titre de la production des contrats d’assurance emprunteurs et, a fortiori,un droit à commissionnement sur la durée de vie du contrat d’assurance, à défaut pour le dirigeant d’avoir apporté les éléments comptables.
Le président du directoire de Cafpi note que «cette décision conduit à verser des commissions non perçues par Cafpi à des agents, sur la base de primes d’assurance d’une durée de vie de 20 ans, alors que, de surcroît, rien ne justifie que ces contrats d’assurance iront jusqu'à leur terme». Pour Nicolas Auclair, «au-delà d’être dans leur bon droit, les agents ont obtenu gain de cause sans astreindre le mandant à produire les pièces dans la mesure où ils ont communiqué la copie des bulletins de souscription ou des attestations des contrats d’assurance décès Invalidité permettant d’évaluer le montant des commissions qui auraient dû être versées».
Modification du portefeuille de l’agent.
Enfin, la Cour d’appel considère que Cafpi a modifié de manière substantielle le contrat d’agent commercial en dédiant à une nouvelle structure «Crédit pour tous», spécialisée dans le rachat et le regroupement de crédits, la distribution de ce type de prêts, conduisant les agents à délaisser une partie de leur activité.
Le président de Cafpi indique se pourvoir en cassation: «La cour d’appel de Paris a dénaturé la relation contractuelle existant entre l’agent et la Cafpi, notamment par une interprétation erronée de la base de calcul, laquelle n’est en aucun cas liée à la TVA, notre activité en étant exonérée comme le savent parfaitement tous les professionnels de notre secteur.» De son côté, Nicolas Auclair tient à souligner que «l’affaire peut faire l’objet d’une radiation devant la Cour de cassation lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée de pourvoi, et donc avoir procédé au paiement des sommes allouées par la Cour d’appel aux agents commerciaux». Celles-ci s'élèvent à plus de 650.000euros.
CA de Paris du 5 septembre 2013 n°12/08844, 12/08845,12/08847,12/08848,12/13964.
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