
La société AlsAss dénonce les conditions de sa mise sous administration provisoire
Un courtier souscripteur d’un contrat groupe qui souhaite changer d’assureur peut se retrouver sous administration provisoire. La société AlsAss l’a appris à ses dépens.
Historique des faits.
Créée à la fin de l’année 2001 comme une joint-venture entre ses dirigeants, Michel Bisch et Christian Harig, et le Groupe Monceau Assurances qui était son actionnaire majoritaire et son unique fournisseur, l’activité d’AlsAss consistait à souscrire et commercialiser pour ce groupe un contrat d’assurance en cas de décès (lire l’encadré).
En 2006, Michel Bisch et Christian Harig, à la suite d’un désaccord avec le groupe Monceau, décident de racheter les parts de la société AlsAss.
En février 2009, le courtier change d’assureur et signe un contrat collectif avec la compagnie Sphéria Vie qui reprend les engagements vis-à-vis des assurés avec des garanties supérieures. Cette opération se traduit par le rachat de 650 contrats souscrits auprès des sociétés Capma & Capmi et Monceau Retraite & Epargne pour un montant total de 60 millions.
Le 5 mai de cette même année, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam), au droit de laquelle vient la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP), procède à un contrôle chez AlsAss qui débouche sur sa mise sous administration provisoire le 12 novembre 2009. L’Acam reproche, entre autres, à AlsAss la structuration d’opérations atypiques l’amenant à requalifier les contrats collectifs en contrats individuels ainsi qu’une situation financière dégradée.
Entre-temps, le 14 mai, Sphéria Vie dénonce ses accords contractuels avec AlsAss et intente une action en justice aux fins de confirmation de la nullité des contrats.
Légalité de la mise sous administration provisoire.
Le courtier conteste cette mesure de police administrative devant le Conseil d’Etat, arguant de l’absence de dispositions réglementaires. Ce dernier, par une ordonnance de référé du 23 mars 2010, rejette la demande de suspension de la décision de placement sous administration provisoire, estimant qu’il n’y avait pas d’urgence et de doute sérieux sur sa légalité. Il justifie notamment son ordonnance par l’existence de l’action en nullité intentée par Sphéria Vie, mais aussi au regard de la probabilité d’un risque de redressement fiscal en matière de TVA des opérations proposées par AlsAss.
«Le Conseil d’Etat a eu une approche pragmatique consistant à relever que l’Acam est compétente au regard de la combinaison des articles L. 323-1-1 et L. 310-12 du Code des assurances sans aller plus avant sur l’absence de dispositions réglementaires applicables aux courtiers », analyse Bruno Quint, avocat associé chez Granrut. Celui-ci rappelle que «la suspension par le Conseil d’Etat de l’exécution provisoired’une décision administrative est rare, le président peut se contenter de relever qu’il n’y a pas de «doute sérieux sur la légalité de la décision», sans plus d’explication».
C’est ce que conteste l’avocat des dirigeants d’AlsAss qui souligne que le Conseil d’Etat n’a pas tenu compte des pièces remises justifiant de la non-atteinte des intérêts des assurés, tout en rappelant qu’il n’a pas jugé en droit. Le Conseil d’Etat sera amené à trancher sur le fond cette question.
Cependant, il convient de souligner, à l’attention des courtiers d’assurances et de leurs instances représentatives, que depuis la réforme de la supervision financière, la nouvelle ACP est pleinement compétente, sans aucune réserve, pour prendre une mesure de police administrative, dont le placement sous administration provisoire, en direction des intermédiaires.
Protection des assurés.
L’Acam estime que cette mesure s’imposait ici pour préserver les droits des clients, AlsAss ayant racheté les contrats et Sphéria Vie ayant intenté une action en nullité. Par ailleurs, le mécanisme juridique retenu pour les contrats conclus avec les entreprises d’assurances méconnaît les règles du droit des sociétés, avance l’autorité de contrôle, qui affirme aussi que les contrats conclus avec Sphéria Vie sont entachés de nullité dès lors qu’il n’est pas établi que les assurés ont valablement donné leur consentement (L. 132-2 du Code des assurances).
Reste qu’aujourd’hui, les assurés sont sans assureur et qu’une partie des valeurs de rachat sont séquestrées. C’est ce que relèvent tant les dirigeants d’AlsAss que Sphéria Vie. L’assureur, dans un courrier adressé à l’Acam le 12 juin 2009, s’inquiétait de cette situation et demandait à l’autorité de contrôle de bien vouloir lui donner sa position. Sphéria Vie, dans ce même courrier, reconnaît que c’est sur les recommandations de l’Acam qu’elle s’est désengagée en invoquant la nullité du contrat souscrit par AlsAss. La compagnie précise en outre dans ce courrier «que cette nullité invoquée peut être juridiquement considérée comme fragile et sujette à contestation».Un sinistre a d’ailleurs dû être couvert directement par la société AlsAss. Cette dernière considère de son côté que seul un juge judiciaire peut prononcer la nullité du contrat.
L’avenir dira si la structure AlsAss se relèvera de la mise sous administration provisoire et si les intérêts des assurés ont réellement été préservés.
Les représentants de l’Acam mis en cause au pénal.
Le 30 mars dernier, la société AlsAss porte l’affaire au pénal devant le TGI de Strasbourg en avançant des accusations très sévères, notamment à l’encontre de l’ancien président et secrétaire général de l’Acam pour prise illégale d’intérêt et à l’encontre de l’administrateur provisoire pour abus de confiance. AlsAss estime que l’ensemble des agissements a pour but unique de maintenir les contrats d’AlsAss au sein de Monceau Assurances alors que ce transfert avait recueilli l’accord du nouvel assureur et des assurés.
Interrogé par L’Agefi Actifs, le groupe Monceau part du principe qu’il ne se sent plus concerné par les anciens contrats d’AlsAss pour lesquels les rachats ont été demandés. De son côté, Sphéria Vie n’a pas souhaité répondre à nos questions.
La profession du courtage doit se sentir concernée.
Indépendamment de la particularité de ce dossier et de la dimension qu’il prend, mais aussi de l’issue des procédures en cours, l’affaire AlsAss doit interpeller la profession du courtage et plus particulièrement les courtiers souscripteurs de contrats groupes, individuels comme grossistes, sur les questions des opérations de transfert de portefeuille et d’opportunité de mise sous administration provisoire d’entreprises, par définition non porteuses de risques, pour des structures qui peuvent être de petite taille.
La Chambre syndicale des courtiers d’assurances, en tant que défenseur de la profession, souhaite attendre d’y voir plus clair dans le dossier AlsAss avant de se positionner.
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