Matières premières agricoles : la volatilité restera forte en 2023

Les aléas climatiques et géopolitiques, couplés à des coûts de production encore importants, maintiendront les prix à des niveaux élevés en 2022-2023.
Blé-matières-premières-agricoles
 -  Adobe stock

L’année 2022 a été chaotique pour les marchés des matières premières agricoles, marquée par une hausse historique des prix alimentaires selon l’indice FAO. Les graines et les oléagineux, dont la Russie et l’Ukraine sont de grands exportateurs, ont été les plus touchés par la flambée des prix, amenant les Nations unies à alerter sur une possible crise alimentaire mondiale (voir le graphique). La mise en place d’un corridor céréalier ayant permis à l’Ukraine d’exporter sa production a écarté ce risque, et amené une relative détente sur les prix à partir du mois de septembre 2022. Un an après le début du conflit le marché est repassé sous les 300€/t pour le blé et le maïs. Les niveaux restent élevés mais loin des 440€/t, le record de l’an dernier (voir le graphique page 20).

« Début 2023, les cours ont à peu près retrouvé leur niveau de prix d’avant conflit car les récoltes ont été abondantes. Malgré le conflit, les Ukrainiens sont parvenus à récolter leurs céréales, et ils ont surtout réussi à semer au printemps, dans des proportions plus basses qu’à l’ordinaire, mais davantage que ce que les marchés attendaient. Depuis juillet, les Russes et les Ukrainiens continuent d’alimenter le marché international », commente Gautier Le Molgat, directeur général adjoint d’Agritel, groupe Argus Media. L’Union européenne (UE) a été, pour la saison 2022-2023, le deuxième exportateur mondial de blé, derrière la Russie, selon les dernières données publiées par l’USDA le 12 janvier dernier.

Les prix moyens mondiaux des viandes et des produits laitiers ont également suivi cette tendance haussière, avec un accroissement des coûts de production. « Le prix des intrants a connu une très forte hausse en France depuis 2020 ; les coûts de l’alimentation animale ont par exemple augmenté de 50 % », explique Simon Lacoume, économiste chez Coface (voir le graphique ci-dessous).

Demande chinoise pesante

La saison 2022-2023 ne sera pas exempte de risques et d’aléas (lire ‘La Parole à…’). Pour les marchés des viandes, l’état de la demande chinoise, et notamment le niveau des importations de viande de porc, sera l’une des principales inconnues. « L’année 2022 a été forte en chocs conjoncturels, auxquels s’ajoutent en 2023 des incertitudes sur les épizooties. En Chine par exemple, l’apparition de nouveaux foyers de peste porcine est source d’incertitudes à la fois sur le cheptel et sur les approvisionnements en alimentation animale. Sur le long terme, les épizooties posent des questions sur la volatilité des échanges de céréales, et plus globalement sur la contraction du commerce de matières premières agricoles », selon Simon Lacoume.

Après une vague de peste porcine africaine qui avait largement décimé le cheptel chinois et provoqué une hausse des importations, la reconstitution des troupeaux avait provoqué en 2022 une chute des importations et des prix, plongeant la filière française dans une grave crise. Garra International table ainsi sur une reprise des importations chinoises en 2023 et 2024, aux alentours de 2 millions de tonnes par an. Ces prévisions sont en ligne avec les dernières prévisions de l’USDA, qui justifie celles-ci par une augmentation de la demande chinoise. La Commission européenne prévoit cependant un déclin des importations chinoises « malgré de nouvelles épidémies de peste porcine africaine ». En conséquence, alors que les exportations de l’UE ont augmenté de 2,8 % par an en 2012-2022, elles devraient diminuer de 3,2 % par an en 2022-2032, selon des estimations publiées en décembre 2022.

L’épizootie de grippe aviaire qui frappe plusieurs régions de production, à commencer par l’Asie et l’Europe, et menace de se propager ne sera pas non plus sans impact, à la fois sur l’offre et les prix. « La grippe aviaire sera un facteur clé affectant de nombreux marchés dans le monde. Sa propagation potentielle en Amérique du Sud, et au Brésil notamment, est susceptible de bouleverser les marchés mondiaux, en particulier si elle se diffusait dans les zones de production clés des régions du sud ou du centre-ouest », selon Rabobank.

Outre les risques liés au conflit russo-ukrainien, les aléas climatiques vont également affecter les récoltes de graines et d’huiles végétales. Après la fin de La Niña, prévue au printemps 2023, se profile déjà El Niño qui, avec un réchauffement des eaux du Pacifique, « va amener des vagues de chaleur, voire de sécheresse en Asie du Sud-est et en Amérique latine, notamment au Brésil, ainsi que des vagues un peu plus chaudes dans le nord-ouest américain et plus froides et humides dans le sud-est des Etats-Unis », selon Simon Lacoume.

L’USDA prévoit une légère hausse de la production mondiale de blé – 2 millions de tonnes, à 781,3Mt –, avec des récoltes plus importantes en Ukraine et dans l’Union européenne. « Aujourd’hui, la question est de savoir si l’Ukraine va pouvoir correctement produire les cultures d’hiver : au moment de l’invasion l’an dernier, tout était en place. Le potentiel de production risque d’être entamé pour la récolte 2023 », tempère Gautier Le Molgat. La Russie a annoncé pour 2022 une récolte record de blé, supérieure à 100 millions de tonnes, des chiffres pour le moment difficiles à confirmer. « Les volumes qui y seront récoltés devraient être constants après une excellente récolte en 2022, mais il y a une incertitude quant à la qualité de la récolte 2023 liée à l’humidité, supérieure à la normale », explique Simon Lacoume. La production mondiale de maïs devrait afficher une baisse de 4 %, à 1, 161 Mt. En baisse de 21 % par rapport à la saison précédente, la production européenne de maïs sera la plus faible depuis 2007-2008 en raison de la sécheresse de l’été 2022 (source : USDA).

Les marchés des huiles végétales seront soumis au double risque des aléas climatiques et de la demande chinoise. « Nous avons hâte de savoir ce qui va se passer après le Nouvel An chinois, tout en étant très inquiets au sujet des perspectives de production sud-américaine de soja. L’Argentine fait face à un temps sec, les chiffres de la récolte, lorsqu’ils seront connus, donneront un signal prix notamment aux producteurs nord-américains. L’Argentine est le premier exportateur de tourteaux de soja et le troisième exportateur d’huile de tournesol. Nous sommes très vigilants car le monde ne peut pas se passer de l’Argentine du jour au lendemain », explique Gautier Le Molgat.

dossier-1.jpg

dossier-2.jpg

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles Matières premières

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...