
L’inflation en zone euro affole les compteurs

L’inflation a atteint un plus haut historique en mai dans la zone euro, relançant le débat sur l’ampleur du resserrement monétaire à venir de la Banque centrale européenne (BCE). L’indice des prix à la consommation calculé aux normes européennes (IPCH) a accéléré en mai, à 8,1% en rythme annualisé, après 7,4% en avril, selon une première estimation publiée mardi par Eurostat. Les économistes prévoyaient en moyenne une hausse de 7,7%.
L’inflation s’est installée depuis plusieurs mois au-dessus de la cible de la BCE autour de 2%. «Après une brève pause en avril, l’inflation dans la zone euro est de nouveau en hausse en mai de façon impressionnante. Elle dépasse 8% et bat aisément les anticipations», souligne Fabio Balboni, économiste senior zone euro chez HSBC, qui reconnaît que prévoir l’inflation est devenu aussi difficile que d’attraper un couteau en train de tomber.
L’indice sous-jacent proche de 4%
«L’inflation élevée persiste dans la zone euro», relève Bert Colijn, économiste senior zone euro chez IG, pour qui la principale inquiétude est l’évolution de l’inflation core (indice des prix hors éléments volatils, comme l’énergie et l’alimentation). «Son bond de 3,5% à 3,8% montre que les prix élevés des intrants sont répercutés aux consommateurs à un rythme plus élevé», poursuit l’économiste. Les effets négatifs d’une demande moins soutenue en raison de la baisse du pouvoir d’achat, avec des hausses de salaires ne suivant pas l’inflation, semblent donc pour le moment ignorés. Les économistes de Barclays notent que 0,2 point de pourcentage d’accélération en mai provient de l’inflation core. L’énergie et l’alimentation comptent pour 0,4 point.
L’inflation a fortement accéléré en Allemagne, où elle a atteint un plus haut depuis le début des années 1970, à 8,7% sur un an (+0,9% sur un mois), et un sommet cette année. Elle a également atteint un record en Italie et en France, à 7,3% et 5,8% respectivement. Elle continue de progresser dans l’Hexagone mais à un rythme plus lent qu’en Allemagne. L’écart s’est creusé depuis la fin de l’année dernière, en raison d’un mix énergétique plus favorable, avec plus de nucléaire et moins de gaz, la mise en place du bouclier tarifaire sur l’énergie et des hausses de salaires moins soutenues.
Les prix de l’énergie ont été de nouveau, en mai, l’un des principaux facteurs, avec la nouvelle progression des prix du baril de pétrole ainsi que l’impact des prix du gaz et de l’électricité. Ils ont progressé de 2% sur un mois, portant à 39,2% la hausse sur un an. Mais les prix de l’alimentation prennent le relais, avec une hausse de 7,5% en rythme annualisé après 6,3% en avril, en raison des pénuries provoquées par la guerre en Ukraine. «Nous anticipons une nouvelle forte hausse en juin et une poursuite des pénuries», estime Bert Colijn.
L’inflation n’a donc pas atteint son pic, dans la zone euro. Les économistes de Barclays l’anticipent en septembre à 8,5%, en prenant en compte les chiffres de mai et les prix des matières premières sur les marchés à terme. L’embargo de l’Union européenne sur 90% des exportations de pétrole russe risque de renforcer les prix du brut dans les semaines à venir. «Cela ajoute aux anticipations d’un pétrole restant à des cours élevés, ce qui reporte la baisse de l’inflation ‘headline’, d’autant plus que les prix alimentaires et l’inflation ‘core’ sont aussi en hausse», observe Bert Colijn.
Plusieurs facteurs devraient néanmoins contribuer à une détente sur les prix. D’abord, certains pays vont mettre en place des mesures pour diminuer les prix de l’énergie. Ce sera le cas de l’Espagne et du Portugal en juin. HSBC y estime à 1,5 point de pourcentage la baisse de l’inflation. En Allemagne, la réduction sera de 1 point. Par ailleurs, les économistes de Barclays s’attendent à ce que les effets de base négatifs, principalement sur les prix de l’énergie, aient un impact dès le mois d’octobre, tandis que la réduction des contraintes sur la chaîne d’approvisionnement pourrait jouer favorablement.
L’envol des faucons
Toutefois, les inconnues restent nombreuses. Les prix du pétrole et de l’alimentation resteraient élevés avec le conflit en Ukraine mais aussi l’interdiction des exportations de blé par l’Inde. La dépréciation de l’euro aura aussi un impact, estimé à 0,1 point pour une baisse de 1% de l’euro. «Nous pourrions voir davantage de rotations dans les prochains mois de l’énergie vers les prix ‘core’», juge Fabio Balboni. William de Vijlder, chef économiste chez BNP Paribas, s’attend également à un processus lent de reflux de l’inflation, alors qu’une grande partie des entreprises continuent d’anticiper des difficultés d’approvisionnement et des hausses de prix.
Une inflation core plus élevée «ne serait pas une bonne nouvelle pour la BCE, d’autant que de possibles effets de second tour sur les salaires commencent à émerger, notamment en Allemagne», affirme l’économiste de HSBC. «Une fois que l’inflation aura atteint son pic, la question de la vitesse de sa décélération occupera le devant de la scène, car elle déterminera les anticipations relatives à l’ampleur des relèvements des taux auxquels devront procéder les banques centrales», ajoute William de Vijlder. Pour l’heure, le plus probable est une hausse de 25 points de base (pb) du taux de dépôt de la BCE en juillet puis une deuxième en septembre.
Mais ces chiffres devraient renforcer les membres «faucons» de la banque centrale, qui militeront pour une hausse de 50 pb afin de montrer que l’institution de Francfort veut frapper fort face à l’inflation. Peter Kazimir, membre du Conseil des gouverneurs et gouverneur de la banque centrale slovaque, a affirmé, mardi, que ces données renforçaient la nécessité d’entamer le premier pas vers une augmentation des taux. «Ma ligne de référence est [une hausse] de 25 points [en juillet] mais je suis disposé à évoquer 50 points de base», a-t-il indiqué, précisant que relever les taux au taux neutre pourrait ne pas être suffisant. Sur les marchés, les anticipations de taux de la BCE sont à +120 pb d’ici à la fin de l’année.
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États-Unis : les démocrates publient une lettre attribuée à Trump pour l’anniversaire de Jeffrey Epstein
Washington - Une lettre attribuée à Donald Trump à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 a été rendue publique lundi par des parlementaires démocrates, alors que le président américain en avait démenti l’existence en juillet, en pleine polémique sur ses liens avec le délinquant sexuel. La lettre, obtenue par les membres démocrates d’une commission de la Chambre des représentants, montre une esquisse de buste féminin avec des citations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump, deux figures alors de la jet-set new-yorkaise, avec la signature du futur président américain au pied de la note. L’affaire Epstein, du nom du financier new-yorkais mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels, enflamme de nouveau les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires ou le lancement d’une nouvelle enquête dans ce dossier. La mort, par suicide selon les autorités, de Jeffrey Epstein a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Selon le Wall Street Journal, qui avait le premier révélé en juillet l’existence de la lettre, celle-ci a été envoyée par les légataires de Jeffrey Epstein à une commission du Congrès ayant exigé auprès d’eux d’obtenir de nombreux documents liés à l’affaire. «Merveilleux secret» Après les révélations du quotidien américain, Donald Trump avait nié être l’auteur de la lettre et avait attaqué le «WSJ» pour diffamation, ainsi que son patron Rupert Murdoch, leur réclamant au moins 10 milliards de dollars de dommages-intérêts. Le texte de la missive représente un échange imaginaire entre Donald Trump et Jeffrey Epstein, dans lequel le premier dit: «Nous avons certaines choses en commun Jeffrey». «Les énigmes ne vieillissent jamais, as-tu remarqué cela», dit-il également avant de conclure: «Joyeux anniversaire. Que chaque jour soit un autre merveilleux secret». Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes sur cette affaire, Donald Trump tente aujourd’hui d'éteindre la polémique, qu’il a de nouveau qualifiée récemment de «canular» monté par l’opposition. Les élus démocrates qui ont publié la lettre lundi ont exhorté le président républicain à faire la lumière sur l’affaire. «Trump parle de merveilleux secret que les deux partageaient. Qu’est-ce qu’il cache? Publiez les documents!», ont-ils écrit sur X avec une image de la lettre. Taylor Budowich, un conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, a réagi en affirmant que la signature en bas de page ne correspondait pas à celle du président. «DIFFAMATION!», a dénoncé sur X le responsable. Le très populaire podcasteur conservateur Charlie Kirk a également mis en doute la véracité de la lettre. «Est-ce que ça ressemble à la vraie signature du président. Je ne crois pas du tout», a-t-il lancé sur X, estimant que celle-ci avait été «falsifiée». Robin LEGRAND © Agence France-Presse -
Après la chute de Bayrou, des rassemblements improvisés dans plusieurs villes de France
Paris - Des manifestants fêtent lundi soir dans différents endroits de France la chute du gouvernement de François Bayrou devant des mairies, à l’appel du mouvement «Bloquons tout» le 10 septembre. A Nantes, quelque 300 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées en début de soirée, en musique et sous des pancartes marquées «Bye bye Bayrou» et «le 10/09 on bloque tout», quelques confettis survolant le regroupement. «On en profite pour échanger sur les différentes actions prévues le 10 septembre, les informations circulent», rapporte Inès Guaaybess, 30 ans, qui prévoit de se mobiliser mercredi. A Rennes, quelques centaines de personnes, pour beaucoup des étudiants, se sont réunis place de la mairie autour d’une table avec quelques bouteilles et du pain, sur fond de musique et de confettis. Les manifestants se sont ensuite rendus place Sainte-Anne au centre ville, haut lieu de la vie étudiante rennaise. «On est au bout du système» avec «une alternance droite gauche qui ne remet pas en cause le côté capitaliste libéral. Il va falloir bifurquer», assure Jérémie, ingénieur de 37 ans, venu en vélo avec son enfant. A Paris, des rassemblements étaient organisés devant plusieurs mairies d’arrondissement. Dans le 20e, au moins 200 personnes se sont réunies place Gambetta dans une ambiance bon enfant. «C’est une grande victoire ce soir! Le prochain gouvernement devrait penser aux pauvres et aux retraités. Tout est cher, tout augmente. Macron, je voudrais qu’il s’en aille, pourtant j’ai voté deux fois pour lui pour faire barrage» à l’extrême droite, explique Amina Elrhardour, 60 ans. Selon Marius, 25 ans, «il y a vraiment de la démocratie locale qui s’organise» en vue du 10 septembre, tandis que Xavier Keller, 25 ans lui aussi, dit que «le Nouveau Front populaire doit gouverner. On est capable de faire accepter un budget de gauche, je n’ai aucun doute là-dessus». A Bordeaux, plus d’une centaine de personnes, dont de très nombreux jeunes, ont applaudi et crié de joie à l’annonce de la chute du gouvernement Bayrou, au son d’une fanfare. «Il faut qu’on soit visible, on est nombreux à en avoir ras le bol et n’avoir plus confiance en Macron», lance Mathilde, trentenaire ceinturée d’une banane Confédération paysanne. Un rassemblement a également été organisé en fin d’après-midi à Pau, ville dont M. Bayrou est le maire. Le chef de l’Etat a dit vouloir nommer un nouveau Premier ministre «dans les tout prochains jours». © Agence France-Presse