
Les tensions géopolitiques font remonter en flèche l’incertitude

Les frappes américaines qui ont tué le très populaire général iranien Qassem Soleimani dans la nuit du 2 au 3 janvier en réponse à l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad le 31 décembre ont ravivé l’incertitude, qui avait atteint des sommets au début de l’été dernier à cause de la guerre commerciale entre Chine et Etats-Unis. Malgré des marchés redevenus optimistes grâce aux politiques monétaires et à de légers signes d’amélioration économique, ces tensions pourraient faire remonter en flèche la prime de risque géopolitique.
Pas nouvelles, ces tensions ont rarement été aussi fortes, même si Donald Trump avait déjà menacé l’Iran en mai 2019 suite à l’attaque de plusieurs navires dans le détroit d’Ormuz, et sélectionné 52 sites à frapper «très rapidement et très durement» si la République islamique attaquait des sites américains. Les analystes sont donc partagés entre ceux qui estiment qu’aucune des deux parties n’a intérêt à une escalade militaire, et ceux qui en sont moins convaincus : «L’Iran est économiquement très mal en point, et on voit bien, suite à cette attaque inédite d’un chef iranien qui avait été maintes fois menacé par le passé, une mobilisation anti-USA qui pourrait atténuer la rébellion locale. Au nom d’un même mouvement patriotique, le président américain ne pourrait rester sans réaction à des attaques contre les Etats-Unis, malgré le risque de conséquences économiques et politiques», estime Benjamin Louvet, gérant matière premières chez Ofi AM, pour qui il va falloir attendre la réaction iranienne, d’ici à quelques jours, même si un blocage du détroit d’Ormuz semble peu probable. «Cet événement n’effacera pas les problèmes internes de l’Iran», relativise Patrice Gautry, chef économiste chez UBP, pour qui une phase diplomatique multilatérale va s’engager, «qui impose une période d’observation, au-delà des tensions médiatiques même si celles-ci sont très fortes».
De là à penser que les cours du pétrole ne bougeront pas tellement plus qu’en mai ou en septembre - quand les champs pétroliers saoudiens d’Aramco avaient été attaqués - parce qu’ils continueraient à suivre en priorité les chiffres de la croissance mondiale ? «Ce n’est pas un sujet du côté de la demande, mais cela peut en devenir un du côté de l’offre, avec un vrai impact à moyen terme sur l’approvisionnement si jamais l’Iran s’attaque aux actifs américains en Irak ou à l’Arabie saoudite», insiste Benjamin Louvet, remarquant que les actions des pétroliers Exxon et Chevron, très exposés en Irak, ne sont pas montées autant que le baril, dont les futures ont progressé de 6% depuis vendredi matin, au-dessus de 70 dollars pour le Brent, redescendu à 69 dollars lundi après-midi.
Réactions contenues
Les économistes s’accordent pour dire qu’une hausse limitée ne ferait qu’ajouter un peu d’inflation sans effet majeur sur la consommation. C’est ainsi qu’on peut interpréter la baisse contenue des actions, d’environ 1% depuis vendredi pour les grands indices, tandis que les marchés de taux ont bougé de manière plus marquée dans l’autre sens. En revanche, si les cours du pétrole devaient s’enflammer, au-dessus de 80 dollars, l’inflation augmenterait d’au moins 0,2%, «avec un effet négatif de l’ordre de 0,1% sur la consommation», note Stéphane Déo, stratégiste chez LBPAM, ce qui prendrait à revers le fort consensus autour d’une légère ré-accélération pour ce début 2020. «Les Etats-Unis pourraient encore utiliser leurs 700 à 800 millions de barils de stocks stratégiques afin de limiter l’impact en cette année électorale», rappelle Benjamin Louvet.
Ce regain de risque géopolitique entraîne forcément des arbitrages : «Les valeurs refuges devraient alors confirmer cette qualité, comme l’or (+3,3% depuis vendredi matin), les Treasuries 10 ans (passés de 1,92% à 1,80% de rendement), ou certaines devises», développe Patrice Gautry. Cela pourrait ramener un peu de volatilité sur ces dernières, qui en ont presque manqué malgré les tensions commerciales en 2019. «Théoriquement, la réaction à court terme du dollar sur une escalade militaire devrait être positive, car il fait office de refuge dans un premier temps. Cependant, il peut aussi y avoir un effet négatif sur la monnaie, car en finalité, les budgets (de l’armée notamment) se détériorent, donc les déficits et par conséquent les dettes», rappelle John Plassard, stratégiste chez Mirabaud. L’indice Dollar (DXY) est pour l’instant resté stable ; le yen et le franc suisse pourraient bien prendre le relais si l’incertitude se prolonge.
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Yémen : 35 morts et 131 blessés dans des raids israéliens sur les Houthis
Sanaa - L’armée de l’air israélienne a bombardé mercredi des sites des Houthis au Yémen, faisant 35 morts et 131 blessés, ont indiqué ces rebelles, qui contrôlent de larges pans du pays y compris la capitale Sanaa. «Le nombre de martyrs et de blessés parmi les citoyens victimes du crime sioniste perfide est passé à 35 martyrs et 131 blessés», a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé houthi, Anees Alasbahi, sur X, en précisant que ce décompte n'était pas définitif. Il avait dans un premier temps fait état de neuf morts et 118 blessés, et de recherches dans les décombres pour retrouver des disparus. Les raids ont ciblé la capitale Sanaa et la province de Jawf (nord), où Israël a indiqué avoir frappé des «cibles militaires» des Houthis. «Nous continuerons à frapper. Quiconque nous attaque, nous l’atteindrons», a déclaré après ces raids le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. La télévision Al-Massirah, organe des Houthis, a fait état de «martyrs, blessés et plusieurs maisons endommagées dans l’attaque israélienne contre le quartier général de l’Orientation morale», du nom donné aux services de communication des forces rebelles dans la capitale. Un grand panache de fumée grise s’est élevé au-dessus de Sanaa après les frappes, dont le bruit a résonné dans toute la ville, régulièrement attaquée par Israël, ont constaté des journalistes de l’AFP. «Nos défenses aériennes affrontent actuellement des avions israéliens qui lancent une agression contre notre pays», a déclaré dans l’après-midi le porte-parole militaire houthi, Yahya Saree. Tirs vers Israël Selon deux journalistes de l’AFP à Sanaa, un bâtiment utilisé par les forces armées houthies a été touché. Al-Massirah a également fait état de frappes israéliennes contre des bâtiments gouvernementaux à Jawf. L’armée israélienne, qui avait annoncé la veille avoir intercepté un missile tiré du Yémen, a dit avoir frappé des «camps militaires où des membres du régime terroriste avaient été identifiés, le siège des relations publiques militaires des Houthis et un site de stockage de carburant». Sa nouvelle attaque survient trois jours après qu’un tir de drone, revendiqué par les Houthis depuis le Yémen, a blessé un homme en tombant sur l’aéroport de Ramon, dans le sud d’Israël. Le mois dernier, des bombardements israéliens ont tué le Premier ministre et 11 responsables houthis, dans la plus importante opération israélienne contre ces rebelles proches de l’Iran. Depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023, les Houthis ont multiplié les tirs contre Israël et les attaques de navires marchands qui lui sont liés au large du Yémen, affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens. En réponse, Israël a mené plusieurs séries de frappes meurtrières au Yémen, visant des ports, des centrales électriques et l’aéroport international de Sanaa. © Agence France-Presse