
Les rendements obligataires plongent malgré le tour de vis de la BCE

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi une nouvelle hausse musclée de ses taux d’intérêt afin de contrer une inflation qui reste nettement supérieure à son objectif de 2% en zone euro et compte poursuivre à ce rythme en mars.
A l’issue de sa première réunion de politique monétaire de l’année 2023, le conseil des gouverneurs de la BCE a relevé ses taux directeurs de 50 points de base, comme en décembre. Le taux des opérations principales de refinancement se situe désormais à 3%, contre 2,5% précédemment, tandis que le taux de rémunération des dépôts est porté à 2,5%, contre 2% précédemment. Le taux de la facilité de prêt marginal est relevé de 2,75% à 3,25%.
Les marchés européens ont accru leurs gains après ces annonces, tandis que les rendements des emprunts d’Etat se détendaient nettement. Le taux de l’OAT 10 ans reculait de 25 points de base à 2,50% dans l’après-midi. Les rendements italiens à 10 ans se resserraient de 40 pb et repassaient en-dessous de 4%. Malgré la volonté affichée de la BCE, les marchés obligataires font le pari que les pressions inflationnistes se relâchent et que le pic des taux directeurs est proche. Un pari également alimenté par la conférence de presse de la Réserve fédérale américaine, mercredi soir, qui a fait état de progrès dans la lutte contre l’inflation.
300 points de hausse depuis juillet
Il s’agit de la cinquième hausse consécutive des taux de la BCE, qui les a augmentés de 300 points de base au total depuis juillet 2022. L’institution de Francfort réduit ainsi l'écart avec la Réserve fédérale (Fed) américaine, qui a ralenti la cadence de son resserrement monétaire en procédant mercredi à une hausse de 25 points de base du taux des fonds fédéraux.
«Compte tenu des tensions inflationnistes sous-jacentes, le conseil des gouverneurs entend relever de nouveau les taux d’intérêt de 50 points de base lors de la prochaine réunion de politique monétaire, en mars, et évaluera alors la trajectoire future de sa politique monétaire», a indiqué la BCE dans un communiqué.
«A terme, le maintien des taux d’intérêt à des niveaux restrictifs permettra de réduire l’inflation en freinant la demande et d'éviter le risque d’un glissement à la hausse persistant des anticipations d’inflation», a ajouté l’institution, en précisant que les futures décisions sur les taux resteraient «dépendantes des données» et continueraient «d'être prises réunion par réunion».
La BCE a par ailleurs publié un communiqué de presse détaillant les modalités précises du processus de réduction des avoirs détenus au titre de l’APP, son programme régulier d’achat de titres. L’institution a confirmé qu’elle cesserait de réinvestir à partir de début mars les titres acquis dans le cadre de l’APP et arrivés à échéance. Le portefeuille sera réduit de 15 milliards d’euros par mois en moyenne jusqu'à la fin du deuxième trimestre 2023, avant que le rythme ne soit réajusté.
Une inflation «beaucoup trop élevée»
Les responsables de la BCE, notamment sa présidente, Christine Lagarde, avaient préparé les marchés à une nouvelle hausse de 50 points de base des taux en février. Si l’inflation globale a ralenti par rapport au pic de 10,6% atteint en octobre, elle reste élevée, à 8,5% en janvier selon la première estimation. L’inflation de base, qui exclut les prix volatils de l’alimentation et de l'énergie, s’est par ailleurs stabilisée à un point haut de 5,2% le mois dernier.
«Le ton volontariste face à l’inflation va être maintenu compte tenu de la rigidité de l’inflation sous-jacente et du risque que l’inflation totale croise l’inflation sous-jacente», estimait ainsi Axel Botte, stratégiste international chez Ostrum AM, avant la réunion de la BCE.
Christine Lagarde avait affirmé à la mi-janvier, lors du Forum économique mondial de Davos, que l’inflation dans la zone euro restait «beaucoup trop élevée» et devait être ramenée vers l’objectif de 2% de la BCE. Elle avait également souligné que l’actualité économique «était devenue beaucoup plus favorable ces dernières semaines», laissant espérer que la zone euro évite une récession en ce début d’année. Au quatrième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de l’union monétaire a crû de 0,1% par rapport aux trois mois précédents.
Si de nombreux économistes anticipaient d’ores et déjà une nouvelle hausse de 50 points de base en mars, les perspectives de la politique monétaire après cette date restent très incertaines. «C’est à ce moment-là que les choses deviendront plus intéressantes», soulignaient Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique, et Nadia Gharbi, économiste senior chez Pictet Wealth Management, dans une note publiée avant les annonces de la BCE.
Selon eux, «l’une des leçons tirées de ces derniers mois est que s’engager sur une trajectoire de taux plusieurs mois à l’avance peut entraîner une confusion inutile, et parfois un désaccord entre les membres de la BCE». De telles divergences pourraient s’intensifier avant la réunion de mars, au cours de laquelle seront présentées de nouvelles projections de croissance et d’inflation, prévenaient de leur côté les économistes de Barclays.
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Accusé de partialité, Thomas Legrand assume de "s'occuper journalistiquement" de Rachida Dati
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A Pau, François Bayrou face à la fronde locale pour les municipales
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Un décret interdit les sachets de nicotine en France à partir de mars 2026
Paris - Dénoncés pour leur toxicité et leur caractère addictif en particulier pour les enfants et adolescents, les sachets, billes et gommes de nicotine seront interdits en France à partir de mars 2026, une «victoire» pour les associations anti-tabac. Le décret d’interdiction, paru au Journal officiel samedi, fait suite au bannissement des cigarettes électroniques jetables, prohibées à la vente depuis fin février, et à l’interdiction de fumer dans les espaces publics comme les jardins et parcs, les plages ou encore aux abords des écoles en vigueur depuis le 1er juillet. Le bannissement des sachets «vise à protéger la santé publique: la nicotine est désormais considérée comme une substance vénéneuse en raison de ses effets nocifs, et son usage à visée récréative présente un risque d’initiation au tabagisme, notamment chez les jeunes», a justifié à l’AFP le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités. La ministre «Catherine Vautrin confirme ainsi son engagement» contre les «risques liés aux addictions», selon cette source. Le gouvernement Barnier avait annoncé à l’automne 2024 son intention de bannir les sachets de nicotine, également appelés pouches, en raison notamment d’un accroissement des intoxications chez les adolescents. Le marché mondial des pouches a été évalué par Global Markets Insights à 6,6 milliards de dollars (5,6 milliards d’euros) pour l’année 2023, et pourrait atteindre 27,4 milliards de dollars (23,4 mds d’euros) en 2032. Apparus récemment, les sachets de nicotine sans tabac renferment, dans un tissu perméable, des fibres de polymères imprégnées de nicotine et d’arômes et se glissent entre la lèvre et la gencive. L’interdiction prise par le gouvernement vise l’ensemble des «produits à usage oral contenant de la nicotine, à l’exception des médicaments et dispositif médicaux». Elle ne s’applique pas aux tabacs à chiquer. «Eldorado financier» Il s’agit notamment des «sachets portions» ou «sachets poreux», «pâte, billes, liquides, gomme à mâcher, pastilles, bandelettes ou toute combinaison de ces formes», énumère le texte. L’Alliance contre le tabac, une fédération d’associations anti-tabac, a salué une «victoire». «Il s’agit d’une mesure cruciale pour protéger les jeunes et contrer les stratégies pernicieuses d’une industrie qui prospère sur le marché de l’addiction, au détriment de la santé publique», a-t-elle estimé dans un communiqué. «Face à la baisse de la consommation de cigarettes dans les pays développés, les sachets de nicotine et les nouveaux produits nicotiniques (tabac chauffé et cigarettes électroniques) constituent le nouvel eldorado financier des cigarettiers», souligne l’organisation pour qui, «loin d’être des outils de sevrage, les sachets de nicotine et leurs dérivés (billes, perles) n’ont pour objectif que d’étendre le marché de l’addiction à la nicotine». Les fabricants British American Tobacco France et Philip Morris France ont dénoncé l’interdiction. Le premier a critiqué une «approche dogmatique, sans débat ni concertation» de la France, qui «prend le risque (...) de priver les fumeurs adultes d’alternatives encadrées» au tabac. Pour le second, «la France s’entête dans une stratégie d’interdiction inefficace». La confédération des buralistes y voit une «victoire annoncée pour les trafics». En novembre 2023, l’Anses avait appelé à une vigilance particulière» sur ces sachets en soulignant que ces produits, comme les billes aromatiques, entraînaient de plus en plus d’intoxications. «Les enfants et adolescents sont les principales victimes», avait constaté l’Agence nationale de sécurité sanitaire. Comme les snus (tabac sous forme de sachet à usage oral interdit à la vente en Europe), les sachets de nicotine «peuvent provoquer des syndromes nicotiniques aigus parfois sévères: vomissements prolongés avec risque de déshydratation, convulsions, troubles de la conscience, hypotension ayant nécessité un remplissage vasculaire», selon l'étude qui précise que la majorité des personnes intoxiquées ont entre 12 et 17 ans. Les billes aromatiques présentent aussi un risque d’accident domestique, en particulier pour les enfants de moins de trois ans qui les ingèrent. Le nombre d’appels au centres anti-poisons concernant ces produits était passé de trois en 2020 à 86 en 2022, selon l’Anses. Boris CAMBRELENG © Agence France-Presse