Les rendements obligataires plongent malgré le tour de vis de la BCE

La banque centrale a relevé de 0,5 point ses taux directeurs et annonce une hausse équivalente en mars. Mais les marchés anticipent déjà la fin du resserrement.
Valérie Venck, Agefi-Dow Jones
L’une des questions est celle de la tolérance de la BCE à l’égard de taux un peu plus élevés.
La BCE avait déjà augmenté ses taux de 50 points de base en décembre.  -  BCE

La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi une nouvelle hausse musclée de ses taux d’intérêt afin de contrer une inflation qui reste nettement supérieure à son objectif de 2% en zone euro et compte poursuivre à ce rythme en mars.

A l’issue de sa première réunion de politique monétaire de l’année 2023, le conseil des gouverneurs de la BCE a relevé ses taux directeurs de 50 points de base, comme en décembre. Le taux des opérations principales de refinancement se situe désormais à 3%, contre 2,5% précédemment, tandis que le taux de rémunération des dépôts est porté à 2,5%, contre 2% précédemment. Le taux de la facilité de prêt marginal est relevé de 2,75% à 3,25%.

Les marchés européens ont accru leurs gains après ces annonces, tandis que les rendements des emprunts d’Etat se détendaient nettement. Le taux de l’OAT 10 ans reculait de 25 points de base à 2,50% dans l’après-midi. Les rendements italiens à 10 ans se resserraient de 40 pb et repassaient en-dessous de 4%. Malgré la volonté affichée de la BCE, les marchés obligataires font le pari que les pressions inflationnistes se relâchent et que le pic des taux directeurs est proche. Un pari également alimenté par la conférence de presse de la Réserve fédérale américaine, mercredi soir, qui a fait état de progrès dans la lutte contre l’inflation.

300 points de hausse depuis juillet

Il s’agit de la cinquième hausse consécutive des taux de la BCE, qui les a augmentés de 300 points de base au total depuis juillet 2022. L’institution de Francfort réduit ainsi l'écart avec la Réserve fédérale (Fed) américaine, qui a ralenti la cadence de son resserrement monétaire en procédant mercredi à une hausse de 25 points de base du taux des fonds fédéraux.

«Compte tenu des tensions inflationnistes sous-jacentes, le conseil des gouverneurs entend relever de nouveau les taux d’intérêt de 50 points de base lors de la prochaine réunion de politique monétaire, en mars, et évaluera alors la trajectoire future de sa politique monétaire», a indiqué la BCE dans un communiqué.

«A terme, le maintien des taux d’intérêt à des niveaux restrictifs permettra de réduire l’inflation en freinant la demande et d'éviter le risque d’un glissement à la hausse persistant des anticipations d’inflation», a ajouté l’institution, en précisant que les futures décisions sur les taux resteraient «dépendantes des données» et continueraient «d'être prises réunion par réunion».

La BCE a par ailleurs publié un communiqué de presse détaillant les modalités précises du processus de réduction des avoirs détenus au titre de l’APP, son programme régulier d’achat de titres. L’institution a confirmé qu’elle cesserait de réinvestir à partir de début mars les titres acquis dans le cadre de l’APP et arrivés à échéance. Le portefeuille sera réduit de 15 milliards d’euros par mois en moyenne jusqu'à la fin du deuxième trimestre 2023, avant que le rythme ne soit réajusté.

Une inflation «beaucoup trop élevée»

Les responsables de la BCE, notamment sa présidente, Christine Lagarde, avaient préparé les marchés à une nouvelle hausse de 50 points de base des taux en février. Si l’inflation globale a ralenti par rapport au pic de 10,6% atteint en octobre, elle reste élevée, à 8,5% en janvier selon la première estimation. L’inflation de base, qui exclut les prix volatils de l’alimentation et de l'énergie, s’est par ailleurs stabilisée à un point haut de 5,2% le mois dernier.

«Le ton volontariste face à l’inflation va être maintenu compte tenu de la rigidité de l’inflation sous-jacente et du risque que l’inflation totale croise l’inflation sous-jacente», estimait ainsi Axel Botte, stratégiste international chez Ostrum AM, avant la réunion de la BCE.

Christine Lagarde avait affirmé à la mi-janvier, lors du Forum économique mondial de Davos, que l’inflation dans la zone euro restait «beaucoup trop élevée» et devait être ramenée vers l’objectif de 2% de la BCE. Elle avait également souligné que l’actualité économique «était devenue beaucoup plus favorable ces dernières semaines», laissant espérer que la zone euro évite une récession en ce début d’année. Au quatrième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de l’union monétaire a crû de 0,1% par rapport aux trois mois précédents.

Si de nombreux économistes anticipaient d’ores et déjà une nouvelle hausse de 50 points de base en mars, les perspectives de la politique monétaire après cette date restent très incertaines. «C’est à ce moment-là que les choses deviendront plus intéressantes», soulignaient Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique, et Nadia Gharbi, économiste senior chez Pictet Wealth Management, dans une note publiée avant les annonces de la BCE.

Selon eux, «l’une des leçons tirées de ces derniers mois est que s’engager sur une trajectoire de taux plusieurs mois à l’avance peut entraîner une confusion inutile, et parfois un désaccord entre les membres de la BCE». De telles divergences pourraient s’intensifier avant la réunion de mars, au cours de laquelle seront présentées de nouvelles projections de croissance et d’inflation, prévenaient de leur côté les économistes de Barclays.

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