Les exportateurs de pétrole connaissent des fortunes diverses

Les producteurs d’or noir n’ont pas tous bénéficié des hausses du prix du baril.
Corentin Chappron
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Les pays du Golfe figurent parmi les plus grands bénéficiaires de la remontée des prix du pétrole.  -  Photo Aramco.

Le constat peut sembler paradoxal : la remontée des prix du pétrole n’arrangera pas tous les exportateurs. Pourtant, le prix moyen du baril de Brent dépassera 104 dollars en 2022, selon les calculs de l’Agence Internationale de l’énergie, contre un prix moyen, sur les cinq dernières années, de 60 dollars.

Du côté de la balance commerciale et du PIB, l’impact est certes positif. Les pays du Golfe figurent parmi les plus grands bénéficiaires. Qatar et Arabie Saoudite (2 millions de barils par jour et 11 mbj) ont limité leur sensibilité aux prix du pétrole, le point mort budgétaire atteignant respectivement 44 et 72 dollars du baril. Deux autres producteurs sont sortis gagnants : l’Angola (1,2 mbj) et l’Irak (4,5 mbj), pour lesquels les revenus nets liés au pétrole atteignent 24% et 32% du PIB. L’Angola a vu ainsi son ratio de dette sur PIB décroître de 35 points à 85%, et a pu en rembourser une partie. Les réserves de change de l’Irak devraient atteindre 100 milliards de dollars cette année (contre 64 milliards en 2021). L’absence de gouvernement depuis un an a également limité la consommation de ces réserves.

Subventions

Les mesures fiscales ont, en effet, un impact sur les revenus pétroliers. Il faut amortir la hausse globale du prix des matières premières, notamment alimentaires, mais aussi celle du carburant. Les exportateurs de pétrole ont, en général, peu de capacités locales de raffinage. Ils importent donc des distillats (carburants, produits pétrochimiques). « Les exportateurs sont sujets à la maladie hollandaise : seuls les secteurs associés aux matières premières produites se développent, forçant les gouvernements à importer l’essentiel des biens consommés, résume Romain Lacoste, gérant chez IVO Capital Partners. En parallèle, la consommation, dans ces économies, est très subventionnée, même pour les pays du Golfe, ce qui limite les retombées fiscales d’une hausse des prix du baril ».

Le Nigeria en est l’illustration. Les subventions aux carburants ont dépassé les 6 milliards de dollars cette année, et devraient continuer à progresser, une élection étant proche. La production est pourtant en baisse tendancielle, à 1,1 mbj, grevée par des détournements représentant 20% de la production et un manque d’entretien des infrastructures alors que la capacité de production théorique du pays s'établit à 2,5 mbj. A ces contraintes s’ajoute une situation économique dégradée. « Le Nigeria est à risque de défaut, d’autant que les dirigeants ont eu quelques commentaires équivoques sur une restructuration de la dette », indique Romain Lacoste. Les spreads sur la dette nigériane sont passé de 600 pb, en mars, à 1.100 pb aujourd’hui. Autre producteur à risque, « le Ghana, dont l’économie repose pourtant aussi sur les exportations d’or ». Les spreads ont dépassé les 1.850 pb.

L’Algérie (1 mbj) fait également face à un risque de tarissement des revenus pétroliers à moyen terme. Ils représentent 60% du PIB. La montée des prix permet à la balance commerciale de redevenir très légèrement positive (90 millions de dollars au troisième trimestre), pour la deuxième fois depuis 2015. Mais le déficit budgétaire atteint cependant 8% du PIB en 2021, et l’inflation 10% : un soutien continu à la population sera nécéssaire.

Prime de risque

Les marchés reflètent ces différentes réalités. Les spreads qataris et saoudiens ont ainsi à peine augmenté depuis le début de l’année. L’Angola, en revanche, a vu ses écarts de taux dépasser les 1.000 pb. « A l’exception des pays du Golfe, la plupart des exportateurs sont des pays frontières, dont les spreads s’écartent en dépit de leur situation, même si la hausse des prix du pétrole et l’amélioration de leur balance commerciale a pu limiter le rythme d’écartement », souligne Carlos de Sousa, stratégiste marchés émergents chez Vontobel.

Le cas du Kazakhstan, l’un des pays dont l’écart de taux a atteint 1.113 pb en août (830 pb aujourd’hui), est une exception. Les fondamentaux sont solides : le ratio dette/PIB atteint 27,4%, avec une croissance de 3,4%. Le pays dispose par ailleurs d’importantes capacités de production (1,4 mbj). Il pâtit cependant de sa situation géopolitique : ancien allié de la Russie, le Kazakhstan a condamné l’invasion de l’Ukraine. Depuis le début de la guerre, plusieurs incidents ont touché les pipelines qui relient le pays à travers la Russie jusqu’à la Mer Noire, d’où est exporté son pétrole. Les spreads expriment donc une prime de risque géopolitique qui ne s’applique pas à d’autres exportateurs.

Quant à la Russie, la situation est moins claire. Le pays continue de vendre du pétrole, dans des proportions et des prix difficilement quantifiables. Une décote de l’ordre de 20 à 30% est estimée sur les barils russes. Le FMI a d’ailleurs revu à la hausse sa prévision de croissance pour la Russie en 2022 : le PIB se contractera de 3,4%, contre un plongeon de 8,5% prévu précédemment. Les fondamentaux étaient cependant solides avant la guerre, et l’économie pourra, les prochains mois, s’accommoder d’une diminution des ventes ou des prix du pétrole.

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