
L’efficacité du plan de relance dépendra de la capacité à réformer

Comme un symbole. Un an après qu’Emmanuel Macron et Angela Merkel ont initié le projet de relance paneuropéen, les ministres des Finances français et allemand, Bruno Le Maire et Olaf Scholz, ont présenté mardi ensemble les deux plans nationaux de relance et de résilience (RRP) qui seront remis à la Commission européenne (CE), a priori dès ce mercredi et simultanément aux plans espagnol et italien. Les deux ministres sont revenus sur les dénominateurs communs qui ont fondé cette coopération «décisive», notamment une analyse similaire de la nécessité et de la façon de réagir face à cette crise en contractant une dette européenne commune pour des questions d’efficacité et de solidarité.
Bruno Le Maire a insisté sur l’idée que les économies européennes ressortent de la crise «plus fortes», «avec de meilleures technologies» - financées au travers de projets communs - pour lutter contre le changement climatique et gagner la course de la compétitivité sur les technologies de pointe (cloud, électronique, télécoms, IA, batteries, etc.) : «Ce plan de relance marque le passage de l’Union européenne (UE) à l’âge adulte. L’âge adulte, c’est celui de l’indépendance – l’UE doit arrêter de compter sur les autres (…) car ce ne sont pas les Etats-Unis ou la Chine qui apporteront des solutions à nos problèmes - ; c’est aussi l’âge où on sait ce qu’on veut réaliser - une économie durable et respectueuse du climat et de la planète - ; et l’âge où on sait qu’on ne peut pas faire sans la solidarité des autres nations européennes.»
Plus de temps à perdre
Les ministres ont rappelé que les Etats membres doivent présenter leurs plans et ratifier la décision relative aux ressources propres dès que possible. «Il est vital pour l’UE de lever des fonds et de commencer à verser les premiers euros (…). Nous avons été très efficaces l’année dernière dans l’adoption du plan de relance européen et la décision sur l’émission d’une dette commune. Depuis, nous avons perdu trop de temps», a ajouté Bruno Le Maire, en référence à la forte reprise de la croissance en Chine et aux Etats-Unis. La Commission devrait analyser les plans nationaux dès que possible afin qu’ils puissent être approuvés par le Conseil en juillet au plus tard, ce qui lui permettrait de distribuer l’argent avant la fin de l'été, avec un premier versement de 13%.
Sur les 750 milliards d’euros prévus par le programme Next Generation EU (NGEU), la France compte recevoir un total de 41 milliards pour financer son programme national France Relance lancé dès l’automne pour 100 milliards (dont 30 ont déjà été décaissés), tandis que l’Allemagne espère obtenir un total de 25,6 milliards. Cette dernière consacrera 90% de sa part à la transition climatique (pour 11 milliards) et à la digitalisation (12 milliards), la France 75% avec respectivement environ 20 et 10 milliards, dans les deux cas bien au-delà des exigences de l’UE. La cohésion sociale - avec en premier lieu la formation et l’emploi des jeunes - et territoriale est la troisième priorité du plan français.
Si Olaf Scholz est assez peu revenu sur les réformes imposées à l’Allemagne dans le cadre du programme NGEU, Bruno Le Maire a rappelé que la France poursuit les siennes, non pas sous contrainte de l’UE, mais parce qu’elles sont nécessaires pour accroître la compétitivité de l’économie. Après l’abaissement du niveau de taxation français, il a cité le projet de loi sur le climat et la résilience, qui accélérera la transition écologique, la finalisation de la réforme de l’assurance chômage, le renforcement en cours du cadre de gouvernance des finances publiques, et... la réforme des retraites, «le moment venu».
Effets disparates sur la croissance
Les fonds européens pourraient stimuler la croissance de la région de 1,5% à 4,1% cumulés d’ici à 2026, indique une étude de l’agence S&P Global Ratings publiée mardi. «Le plan NGEU fera passer la croissance européenne à une vitesse supérieure», analyse Sylvain Broyer, économiste en chef pour la région EMEA. Les scénarios varient cependant selon les effets multiplicateurs des dépenses concernées, le déploiement des fonds et le calendrier de mise en œuvre, indiquent les auteurs en reconnaissant des difficultés d’estimation : «Le volume considérable du soutien budgétaire disponible présente un défi d’absorption, ce qui suggère que le déploiement réussi des fonds nécessitera une réorganisation de l’administration publique pour augmenter la rapidité, l’efficacité et la qualité des dépenses (…). Nous supposons que les fonds seront dépensés à partir de la mi-2021, bien que des retards soient probables. Cependant, de tels retards constitueraient un report plutôt qu’une perte de croissance du PIB», précisent-ils. Autrement dit, tout dépendra aussi de la capacité des pays les plus concernés à se réformer.
Dans le scénario à faible impact, les économistes supposent que chaque pays absorbe les fonds du plan au taux moyen de 51% (comme lors du précédent budget pluriannuel 2014-2020) avec un effet multiplicateur prudent de 1 et la moitié des subventions affectées en 2021 (le reste en 2022). Les gains de croissance cumulés sur cinq ans resteraient inférieurs à 2% pour la plupart des pays «cœur» de la zone euro, sauf pour l’Italie (2%), l’Espagne (3%), le Portugal (4,2%) et la Grèce (8,1%), qui a été le pays plus à même de gérer les aides européennes sur 2014-2020 (pour 67%), à l’opposé de l’Autriche et l’Italie (38%).
Dans le scénario à fort impact, S&P adopte une hypothèse résolument plus optimiste concernant le taux d’absorption (91% comme pour les fonds du budget pluriannuel 2007-2013) et un effet multiplicateur de 1,6 après quatre ans. Les gains de croissance cumulés sur cinq ans atteindraient alors 4,1%, avec des différences encore plus fortes pour l’Italie (6,3%), l’Espagne (10%), le Portugal (11%) et la Grèce (18,2%).
«Le plan NGEU sera un soutien à la solvabilité des souverains européens, bien que la capacité des gouvernements nationaux à mettre en œuvre des réformes structurelles dépende de la résorption des déséquilibres économiques qui se sont aggravés en raison de la pandémie», conclut l’un des auteurs et analyste crédit Frank Gill.
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États-Unis : les démocrates publient une lettre attribuée à Trump pour l’anniversaire de Jeffrey Epstein
Washington - Une lettre attribuée à Donald Trump à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 a été rendue publique lundi par des parlementaires démocrates, alors que le président américain en avait démenti l’existence en juillet, en pleine polémique sur ses liens avec le délinquant sexuel. La lettre, obtenue par les membres démocrates d’une commission de la Chambre des représentants, montre une esquisse de buste féminin avec des citations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump, deux figures alors de la jet-set new-yorkaise, avec la signature du futur président américain au pied de la note. L’affaire Epstein, du nom du financier new-yorkais mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels, enflamme de nouveau les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires ou le lancement d’une nouvelle enquête dans ce dossier. La mort, par suicide selon les autorités, de Jeffrey Epstein a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Selon le Wall Street Journal, qui avait le premier révélé en juillet l’existence de la lettre, celle-ci a été envoyée par les légataires de Jeffrey Epstein à une commission du Congrès ayant exigé auprès d’eux d’obtenir de nombreux documents liés à l’affaire. «Merveilleux secret» Après les révélations du quotidien américain, Donald Trump avait nié être l’auteur de la lettre et avait attaqué le «WSJ» pour diffamation, ainsi que son patron Rupert Murdoch, leur réclamant au moins 10 milliards de dollars de dommages-intérêts. Le texte de la missive représente un échange imaginaire entre Donald Trump et Jeffrey Epstein, dans lequel le premier dit: «Nous avons certaines choses en commun Jeffrey». «Les énigmes ne vieillissent jamais, as-tu remarqué cela», dit-il également avant de conclure: «Joyeux anniversaire. Que chaque jour soit un autre merveilleux secret». Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes sur cette affaire, Donald Trump tente aujourd’hui d'éteindre la polémique, qu’il a de nouveau qualifiée récemment de «canular» monté par l’opposition. Les élus démocrates qui ont publié la lettre lundi ont exhorté le président républicain à faire la lumière sur l’affaire. «Trump parle de merveilleux secret que les deux partageaient. Qu’est-ce qu’il cache? Publiez les documents!», ont-ils écrit sur X avec une image de la lettre. Taylor Budowich, un conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, a réagi en affirmant que la signature en bas de page ne correspondait pas à celle du président. «DIFFAMATION!», a dénoncé sur X le responsable. Le très populaire podcasteur conservateur Charlie Kirk a également mis en doute la véracité de la lettre. «Est-ce que ça ressemble à la vraie signature du président. Je ne crois pas du tout», a-t-il lancé sur X, estimant que celle-ci avait été «falsifiée». Robin LEGRAND © Agence France-Presse -
Après la chute de Bayrou, des rassemblements improvisés dans plusieurs villes de France
Paris - Des manifestants fêtent lundi soir dans différents endroits de France la chute du gouvernement de François Bayrou devant des mairies, à l’appel du mouvement «Bloquons tout» le 10 septembre. A Nantes, quelque 300 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées en début de soirée, en musique et sous des pancartes marquées «Bye bye Bayrou» et «le 10/09 on bloque tout», quelques confettis survolant le regroupement. «On en profite pour échanger sur les différentes actions prévues le 10 septembre, les informations circulent», rapporte Inès Guaaybess, 30 ans, qui prévoit de se mobiliser mercredi. A Rennes, quelques centaines de personnes, pour beaucoup des étudiants, se sont réunis place de la mairie autour d’une table avec quelques bouteilles et du pain, sur fond de musique et de confettis. Les manifestants se sont ensuite rendus place Sainte-Anne au centre ville, haut lieu de la vie étudiante rennaise. «On est au bout du système» avec «une alternance droite gauche qui ne remet pas en cause le côté capitaliste libéral. Il va falloir bifurquer», assure Jérémie, ingénieur de 37 ans, venu en vélo avec son enfant. A Paris, des rassemblements étaient organisés devant plusieurs mairies d’arrondissement. Dans le 20e, au moins 200 personnes se sont réunies place Gambetta dans une ambiance bon enfant. «C’est une grande victoire ce soir! Le prochain gouvernement devrait penser aux pauvres et aux retraités. Tout est cher, tout augmente. Macron, je voudrais qu’il s’en aille, pourtant j’ai voté deux fois pour lui pour faire barrage» à l’extrême droite, explique Amina Elrhardour, 60 ans. Selon Marius, 25 ans, «il y a vraiment de la démocratie locale qui s’organise» en vue du 10 septembre, tandis que Xavier Keller, 25 ans lui aussi, dit que «le Nouveau Front populaire doit gouverner. On est capable de faire accepter un budget de gauche, je n’ai aucun doute là-dessus». A Bordeaux, plus d’une centaine de personnes, dont de très nombreux jeunes, ont applaudi et crié de joie à l’annonce de la chute du gouvernement Bayrou, au son d’une fanfare. «Il faut qu’on soit visible, on est nombreux à en avoir ras le bol et n’avoir plus confiance en Macron», lance Mathilde, trentenaire ceinturée d’une banane Confédération paysanne. Un rassemblement a également été organisé en fin d’après-midi à Pau, ville dont M. Bayrou est le maire. Le chef de l’Etat a dit vouloir nommer un nouveau Premier ministre «dans les tout prochains jours». © Agence France-Presse