Le risque d’une dernière hausse des taux de la Fed remonte

La publication d’un indice des prix PCE élevé a fait passer la probabilité d’une prochaine hausse des taux de 10% à presque 60%.
James Bullard, Fed de Saint Louis (Missouri)
James Bullard, le président de la Fed de Saint Louis (Missouri), a même parlé d’augmenter encore les taux de 50 points de base cette année  -  © Fed de Saint Louis

En attendant le vote de l’accord sur le plafond de la dette, les dernières nouvelles en provenance des Etats-Unis ont fait remonter fortement le risque d’une nouvelle hausse des taux Fed Funds, de 5,25% à 5,50%, lors du Comité de politique monétaire (FOMC) du 14 juin. A plus de 60% vendredi après la publication de l’inflation PCE, au lieu de 10%-15% depuis le début du mois selon l’outil FedWatch sur le marché des futures de taux (CME Group).

Vendredi, la consommation PCE est ressortie en forte hausse mensuelle, de 0,8% pour avril au lieu de 0,4% anticipé après 0,1% en février et en mars, pour une inflation annuelle PCE à nouveau en augmentation (4,4% en avril après 5,1% en février et 4,2% en mars). L’inflation annuelle PCE sous-jacente, calculée hors énergie et alimentation, est elle aussi très élevée, à 4,7% en avril après 4,7% en février et 4,6% en mars.

Le 10 mai, l’inflation CPI, calculée et publiée par un autre organisme, était apparue à 4,9%, avec une forte baisse de l’inflation CPI sous-jacente hors logement (de 6,2% à 5,2%). Cela avait donné aux marchés le sentiment d’une pause certaine dans les hausses de taux. «L’indice d’inflation PCE reste plus clair que le CPI, qui comporte trop de distorsions liées au logement et au mode de calcul des assurances santé – à partir des profits des compagnies en année n-2, rappelle Raphaël Gallardo, chef économiste de Carmignac. Le marché s’est obsédé avec un regard accommodant, jusqu’au ‘barrage’ des gouverneurs de la Fed [Loretta Mester, Neel Kashkari et même Lorie Logan, puis James Bullard en début de semaine] depuis mi-mai contre une attitude ‘dovish’ et l’idée d’un pic certain dans le cycle de resserrement, voire d’une erreur de politique monétaire.»

Le président de la Fed, Jerome Powell, continue effectivement à ne pas être à l’aise avec des hausses de salaires annuelles de 5%, qui correspondent plus ou moins à l’inflation PCE sous-jacente hors logement, même si ces données ne prennent pas en compte les effets retards de la politique monétaire. D’autant que «les dernières données ont montré la bonne résistance de l’économie américaine», poursuit l’économiste. Sur le marché de l’emploi, avec un taux de chômage à 3,4%, des demandes hebdomadaires d’indemnités chômage toujours très limitées (232.000 en moyenne sur quatre semaines). Sur l’immobilier, avec le sentiment des constructeurs, les mises en chantier, les ventes de maisons neuves ou anciennes. Et même sur le secteur industriel, «qui, malgré des PMI en contraction [48,5 en mai, après 50,2 en avril], indique une volonté de conserver les salariés, voire de recruter encore», ajoute Raphaël Gallardo, insistant sur la persistance plus générale d’emplois vacants (Jolts), bien au-dessus de la normale.

«Les PMI des services sont aussi au plus haut depuis treize mois (55,1), et même les ventes au détail mensuelles ont cessé leur baisse en avril (+0,4%), complète Thomas Giudici, responsable de la gestion obligataire chez Auris Gestion. Si la baisse des pressions inflationnistes est indéniable, au-delà de certaines données très volatiles, on ne voit pas l’inflation revenir rapidement vers l’objectif de 2% de la Fed, ni l’économie s’écrouler cette année, même si les réductions budgétaires que les Républicains demandent pour signer un accord sur le relèvement du plafond de la dette pourraient avoir un impact significatif sur le croissance, jusqu’à -0,6% en 2024 selon Moody’s.»

Anticipations d’inflation encore élevées

Les marchés voient désormais une hausse des taux Fed Funds de 25 points de base (pb) en juin. Les anticipations d’inflation à deux ans aux Etats-Unis seraient aussi remontées, à cause de la hausse des prix surprise constatée au Royaume-Uni jeudi. Ce regain de l’inflation britannique montre combien il est difficile de la stabiliser durablement, une fois réalisée la partie plus facile, estime la recherche de Bank of America (BofA).

Mais les investisseurs voient aussi une baisse équivalente de 25 pb en novembre. Contrairement aux deux analystes précités, pour qui le FOMC se contentera d’une pause après tout le chemin déjà effectué, avec une diminution des taux seulement au premier trimestre 2024, au mieux. «Il faudrait une crise impressionnante pour voir le chômage remonter à 4,5% en fin d’année 2023, ce qui était la projection du FOMC en mars et semblait nécessaire pour voir la banque centrale rebaisser les taux, ajoute Raphaël Gallardo. Au contraire, les dernières enquêtes de la Fed d’Atlanta montrent que les conditions de crédit ne se durcissent pas encore vraiment, que la crise bancaire ne se transmet pas à l’économie et aux entreprises. Et les anticipations d’inflation à un an sont encore à 5% pour les entreprises selon la Fed de Cleveland, et à 4,2% pour les ménages selon l’indice de l’université du Michigan Loin des 2,5% projetés par la Réserve fédérale à la fin du mois de mars dernier.◆

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