Le pétrole américain, la croissance éternelle ?

Depuis 2005, les Etats-Unis profitent de la manne du pétrole de schiste. La croissance insolente de la production américaine pourrait cependant s'étioler en fonction de la politique de l’Opep, des contraintes financières ou géopolitiques.
pétrole de schiste fracturation fracturing
La fracturation est la technique utilisée pour extraire le pétrole de schiste  -  Crédit Anita Starzycka/Pixabay

Depuis 2015, les Etats-Unis se sont imposés comme la première puissance pétrolière mondiale. En 2024, leur production atteint un niveau record de plus de 20 millions de barils par jour selon l’Energy Institute, soit presque le double de l’Arabie Saoudite (10,9 mb/j) et de la Russie (10,8 mb/j). Ils sont aussi les premiers exportateurs mondiaux de brut, avec des volumes supérieurs de 30 % à ceux de Riyad. Cette position dominante contraste avec la situation d’avant 2008, où le pays dépendait encore massivement des importations.

L’essor du pétrole de schiste a radicalement changé la donne. Entre 2005 et 2024, la production américaine est passée de 6,9 mb/j à plus de 20 mb/j, soit quasiment un triplement en deux décennies et une croissance annuelle moyenne de 5,5%. Cette expansion a transformé les équilibres mondiaux : alors que les importations américaines culminaient à près de 13,6 mb/j en 2007, elles sont d’environ 8 mb/j aujourd’hui, tandis que les exportations américaines atteignent presque 10 mb/j.

La moitié du brut américain dans le Permian

Le succès repose sur les caractéristiques propres à l’exploitation du pétrole de schiste. Les délais de mise en production sont courts : trois à six mois entre l’investissement et le premier flux, contre trois à cinq ans pour un projet offshore. Les coûts sont très hétérogènes mais compétitifs dans les meilleures zones du bassin Permien, ou Permian, il sont de 40 dollars/baril, même si le seuil dépasse 60 dollars/baril dans le Bakken. La contrepartie est un déclin accéléré des puits, dont la production chute parfois de moitié en moins de deux ans et s’étend rarement au-delà de trois ans.

Ce handicap n’a pas empêché la hausse rapide de la production. Celle-ci a même dépassé toutes les attentes en raison d’une très forte croissance de la productivité par forage. Le nombre de plateformes pétrolières, qui frôlait les 900 en 2018, est tombé à environ 500 en 2024, mais la production nationale a progressé de plus de 30% depuis ce pic. La production moyenne par forage actif a donc plus que doublée en six ans. Le Permian concentre désormais 48% du brut américain, contre 13% en 2005, illustrant le rôle clé de ce bassin devenu l’épicentre de la révolution pétrolière américaine.

L’EIA reconnaît elle-même avoir sous-estimé la trajectoire de la production américaine. Entre 1994 et 2021, ses projections de production de brut ont été sous-estimées dans 68% des cas.

Infléchissement

La question est désormais celle de la soutenabilité. Avec la hausse des taux, l’endettement pèse plus lourdement qu’auparavant, réduisant la flexibilité financière des producteurs. La discipline financière s’impose : la priorité est passée de la croissance des volumes à la création de valeur. Parallèlement, l’inflation américaine renchérit durablement les coûts d’exploitation : main-d’œuvre, machines, intrants. Enfin, les gisements les plus rentables s’épuisent, contraignant à exploiter des sites moins productifs et donc aux points morts plus élevés, souvent au-delà de 60 dollars le baril.

Dans ce contexte, la croissance future dépendra aussi de la stratégie de l’Opep. Si le cartel inondait le marché, une phase prolongée de prix bas pourrait affecter durablement les producteurs américains. Le miracle du schiste a redessiné la carte énergétique mondiale en deux décennies mais face à l’accumulation de contraintes financières, géologiques et géopolitiques, il se pourrait que la croissance de la production, jusqu’ici insolente, finisse par s’infléchir.

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