Le dollar devrait perdre progressivement de son influence

Le billet vert termine l’année par une chute de 8% en deux mois. Le yen tend à créer la surprise.
Fabrice Anselmi
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L’année 2022 reste globalement bonne pour le dollar.  -  Crédit European Union

Le yen détrônera-t-il le roi dollar sur le marché des changes en 2023 ? Cela reste très peu probable, mais force est de constater que le billet vert, qui devait encore écraser tous les marchés de changes en 2022, termine l’année autour de 104 points pour l’indice DXY face à un panier de devises diversifiées, effaçant un semestre de gains… en deux mois (-8%). L’indice est désormais loin des 115 points touchés le 28 septembre. «Cela reste une très bonne année globale pour le dollar (+8,5% en 2022 pour le DXY, +6,8% en 2021), qui a profité d’un double catalyseur avec la remontée des taux américains et la volatilité financière accrue, tout comme le franc suisse a également fait office de valeur refuge face à la guerre en Ukraine et aux resserrements monétaires», résume Guillaume Dejean, stratégiste forex chez Western Union Business Solutions.

Dollar

A priori, le billet vert devrait donc perdre de son influence pour revenir autour de 100 sur l’indice DXY. Mais ce serait très progressif, et pas forcément évident face à l’euro, estiment les analystes. «La Fed va rester très volontaire au premier semestre, notamment parce qu’elle craint une boucle prix-salaires inarrêtable, et on risque de subir une lutte d’influence avec les marchés autour des chiffres de l’inflation sous-jacente (core) et du taux terminal, ce qui ne devrait pas trop réduire la volatilité globale», estime Nordine Naam, stratégiste forex de Natixis. Lorsque le dollar a reculé du fait de baisses de l’inflation core CPI en novembre et décembre, les anticipations se sont surtout renforcées pour 2024, moins pour 2023 : «Le gros risque, pour le second semestre, est que les baisses de taux valorisées par les marchés ne se concrétisent pas, ce qui limiterait la correction du dollar», ajoute-t-il.

Euro

Le tournant plus restrictif pris par la Banque centrale européenne (BCE) le 15 décembre a renforcé l’euro-dollar jusqu’à 1,06 - c’était peut-être l’objectif - même si la paire chute de près de 7% sur l’année. «Nous voyons le renforcement se poursuivre en 2023, mais moins rapidement que depuis le 28 septembre (0,95) et seulement jusqu’à 1,10 au quatrième trimestre, poursuit Nordine Naam. L’euro-dollar sera soutenu par une BCE plus agressive au premier semestre, mais son appréciation sera limitée par divers facteurs d’aversion au risque : Ukraine, taux courts élevés, énergie, etc. Au second semestre, il pourrait bénéficier d’une croissance plus ferme si les Etats-Unis connaissent un ralentissement.» Pour Guillaume Dejean, «il semble que les incertitudes en zone euro et plus globalement pèsent encore davantage sur la devise unique», qui évoque aussi l’impact des risques de tensions sociales et de défaillances.

Yen

La Banque du Japon (BoJ) a surpris tout le monde le 20 décembre en changeant sa bande de contrôle de la courbe des taux à 10 ans japonais de 0,25% à 0,50%. Le yen a regagné près de 5% autour de 132 face au dollar, loin du record de 152 yens le 16 octobre. Le professeur Eisuke Sakakibara, surnommé «Mr. Yen» en raison de son influence sur la devise lors de son passage au gouvernement (1997-1999), estime comme les marchés de swaps que la BoJ pourrait à nouveau relever son plafond lors de sa prochaine réunion. L’inflation sous-jacente (core) est bien remontée, «et elle devrait être plus restrictive, d’autant plus avec la fin du mandat du gouverneur Haruhiko Kuroda (ultra ‘dovish’) en avril», avance Nordine Naam.

«Sa communication reste inchangée, mais cette devise, qui a le plus sous-performé en 2022 (-16% face au dollar), pourrait aussi bénéficier d’un retour des capitaux japonais», poursuit Guillaume Dejean, qui voit bien le dollar-yen baisser jusqu’à 120 dans l’année. «L’économie japonaise est susceptible de surperformer si ses pairs s’enfoncent dans la récession : la balance commerciale des biens devrait s’améliorer, de même que le tourisme, estime aussi Tim Baker, stratégiste de Deutsche Bank. Le yen est encore bon marché : en cas de baisse des actions en 2023, et peut-être même de baisse des rendements obligataires, c’est historiquement la meilleure combinaison pour un yen plus fort.»

Livre sterling

Autour de 1,34 dollar et 0,84 face à l’euro, la livre semblait survalorisée fin 2021 à cause du cocktail Brexit et Covid-19. Avec la mauvaise gestion des ressources énergétiques et les atermoiements politiques au Royaume-Uni, elle a bien corrigé en 2022, à 1,20 dollar (-11%) et 0,88 face à l’euro (-4%). «Nous ne voyons d’amélioration sur aucun indicateur, et avec des dissensions croissantes au sein de la Banque d’Angleterre (BoE), la baisse devrait se poursuivre un peu, jusqu’à 1,18-1,19 dollar et 0,90 face à l’euro au premier semestre», estime le stratégiste de Natixis. Au contraire, «nous pensons que beaucoup de mauvaises nouvelles ont été intégrées et que des marchés très versatiles et quelques annonces conjoncturelles pourraient l’aider à s’apprécier, et potentiellement retrouver un niveau de 1,30 dollar au second semestre si ce dernier se déprécie», nuance Guillaume Dejean.

Les autres devises

Le stratégiste de Western Union jouerait bien un maintien ou un nouveau renforcement du franc suisse face à l’euro, après celui qui l’a amené de 1,04 à 0,94 entre juin et octobre (+5% sur l’année, +7,5% face aux devises du G10), à cause des incertitudes autour de la BCE et des risques souverains en zone euro. «Un retour à la parité est quand même envisageable pour la fin 2023 parce que la Banque nationale de Suisse (BNS) aura encore du retard, et que le pays sera touché autant que la région en cas de récession préalable, ajoute Nordine Naam. Globalement, les mouvements seront tous plus mesurés qu’en 2022, où les rachats de positions short ont pu être assez violents en fin d’année, de même que la volatilité, même si elle demeurera.» Cette relative stabilisation des marchés de changes et une baisse du dollar devraient profiter aux devises «matières premières» et aux pays émergents qui attireront plus facilement des capitaux.

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