Le Conseil de stabilité financière craint l’oligopole des matières premières

Le superviseur mondial s’inquiète d’une augmentation des risques de contrepartie sur un marché dominé par quelques grands négociants.
Fabrice Anselmi
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La guerre en Ukraine a entraîné d’importants chocs de prix sur de nombreux produits, notamment le blé, mais aussi le gaz naturel, le pétrole, le nickel...  -  Adobe stock

Le Conseil de stabilité financière (FSB) a examiné les vulnérabilités des marchés de matières premières. Au-delà de lacunes communes à d’autres marchés non bancaires, le rapport dénonce en particulier une forme de concentration qui rend problématiques les mécanismes de transmission de stress au reste du système financier. Alors que l’écosystème des matières premières implique un très grand nombre de participants, ces marchés sont, contrairement à d’autres, confrontés à un très petit nombre de négociants spécialisés qui y jouent un rôle important, dont certains avec un fort effet de levier.

Volatilité extrême

En outre, la guerre de Russie en Ukraine a entraîné d’importants chocs de prix sur un large éventail de produits (gaz naturel, pétrole, blé, nickel...), et cette volatilité extrême sur les dérivés a induit une augmentation des appels de marge, entraînant une demande accrue de liquidités. Les acteurs se sont adaptés afin de réduire leur coût de financement, en augmentant l’utilisation de facilités de crédit bancaire, en réduisant leurs couvertures parfois sur les marchés européens, ou en prenant davantage de risques de marché, par exemple via le transfert d’activités de dérivés cotés avec appels de marge vers des dérivés de gré à gré (OTC) non compensés, ce qui a augmenté aussi les risques de crédit de contrepartie.

Expositions cumulées

Mais avec donc plusieurs vulnérabilités pour cet écosystème. Premièrement, parce qu’il est particulièrement concentré à plusieurs niveaux : négociants spécialisés (Trafigura, Glencore, Vitol, Gunvor, Mercuria, ADM, Wilmar, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus, Olam, Graincorp) ; banques de financement à court terme pour ces négociants (Goldman Sachs, JPMorgan, BNP Paribas, Morgan Stanley, SG CIB, Marex Group, ADM Investor Services) ; membres des chambres de compensation (CCP) ; fournisseurs de liquidité intermédiaires spécialisés sur les dérivés ; etc. «Si les expositions des banques au risque de crédit des négociants semblent gérables dans l’ensemble (…), il existe cependant des variations significatives entre banques, dont certaines ont des expositions considérablement plus élevées», s’inquiète le rapport, évoquant des expositions cumulées avec l’activité de membre-compensateur.

Opacité

Ensuite, tout en notant une opacité importante sur les données - notamment pour les dérivés OTC, le Conseil dénonce une utilisation généralisée de l’effet de levier sur ces marchés, soit via l’emprunt à court terme des négociants, soit via les dérivés. Enfin, il craint une réduction des couvertures - et de la qualité des couvertures -, et regrette aussi que «les négociants en matières premières choisissent souvent de garder peu de liquidités» alors que le trading physique de matières premières est une activité à forte intensité de bilan et implique des liens bilatéraux entre négociants et banques intermédiaires.

Tout cela crée des risques communs entre l’écosystème des «commodities» et le système financier plus global, insiste le rapport, décrivant les possibles effets en chaîne en cas de «stress» : appels de marge des CCP et «clearing-members», limitation des expositions de crédit des banques, réduction de la tenue de marché sur les marchés compensés et non compensés, etc. Des risques normaux sur les marchés, mais potentiellement exacerbés par la concentration précitée, et appelant donc une prévention et une surveillance accrues des entreprises concernées.

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