L’accalmie de l’inflation américaine rassure les marchés

L’indice a diminué pour la première fois depuis mai 2020 en rythme mensuel, mais des doutes demeurent sur les services.
Fabrice Anselmi
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L’indice des prix à la consommation (CPI) a de nouveau baissé en décembre, à 6,5%.  -  AdobeStock.

Pas de surprise bonne surprise. L’indice des prix à la consommation (CPI) a de nouveau baissé en décembre, à 6,5% après 7,1% en rythme annuel en novembre selon la publication jeudi du département du Travail (US Bureau of Labor Statistics, BLS). C’est la sixième baisse depuis le pic de juin à 9,1%, comme le prévoyaient les consensus d’économistes, ce qui a rassuré les marchés de swaps et de futures dans leurs prévisions de hausses de taux de la Fed. Celles-ci devraient, selon eux, se limiter à 25 points de base (pb) en février et en mars pour un taux terminal qui pourrait encore ensuite bouger de 5% à 5,25% (haut de fourchette des Fed funds) en mai ou en juin. Une inflation plus élevée que prévu aurait pu accentuer la probabilité d’une hausse de 50 pb en février, même si cette hypothèse n’est plus privilégiée par les marchés depuis mi-décembre.

Le rapport du BLS enregistre même pour la première fois depuis mai 2020 une baisse de 0,1% des prix en rythme mensuel. Dans le détail, les prix de l’énergie ont augmenté de 7,3% (-4,5% en rythme mensuel), mais bien en deçà des 13,1% en novembre, avec une diminution de 1,5% des prix de l’essence. «Le gaz domestique (+3% en rythme mensuel) ne reflète pas encore la diminution des prix observée sur les marchés à terme, et l’électricité se renchérit encore, à +14,3% en rythme annuel», note Axel Botte, stratégiste chez Ostrum AM. La hausse des prix de l’alimentation a, elle, de nouveau légèrement ralenti, à +10,4% en rythme annuel (+10,6% en novembre).

Une «bonne nouvelle» provient de l’inflation sous-jacente («core CPI»), hors alimentation et énergie, qui baisse pour le troisième mois consécutif depuis le pic de septembre (6,6%) à 5,7% en rythme annuel, mais qui continue à progresser de 0,3% en rythme mensuel. Parmi les prix qui diminuent vraiment, celui des voitures d’occasion (-8,8% en rythme annuel). «Le marché des véhicules d’occasion suit un ‘cycle court’, avec une nouvelle offre trois ans après l’achat neuf, notamment en provenance des loueurs de voitures… qui n’avaient rien acheté en 2020», remarque Raphaël Gallardo, chef économiste de Carmignac, pour expliquer que la baisse devrait a minima freiner.

Le «core CPI» encore élevé tient avant tout au niveau de la composante logement, qui ne cesse d’augmenter, à 7,5% en décembre après 7,1% en novembre, alors qu’elle représente 33% de l’indice CPI total et 42% de l’indice CPI sous-jacent. La baisse des prix depuis l’été et le plafonnement des nouveaux loyers prendront longtemps à être intégrés dans l’indice, potentiellement «à partir du deuxième trimestre», estime James Knightley, chef économiste chez ING, un décalage dont la Fed a conscience.

Quelle inflation «super-core» ?

«Les détails du rapport vont plutôt dans le sens d’une Fed plus ‘dovish’, poursuit Raphaël Gallardo : l’inflation ‘super-core’ - qui ne tient pas compte des biens et services liés à la réouverture de l’économie : automobiles, loisirs, restauration, transport aérien, etc. – qui était montée à plus de 10%, a chuté de 7,5% à 4,7% en rythme trimestriel annualisé au cours des cinq derniers mois. L’analyse de l’inflation ‘super-core’ des services peut devenir problématique avec une moins bonne qualité des données. Concernant les biens, l’affaiblissement du dollar va aussi stabiliser le mouvement.»

Les soins médicaux resteront également «déprimés» à cause de la méthodologie de calcul sur les coûts de l’assurance, qui aura des effets négatifs sur douze mois jusqu’à fin septembre comme elle a eu des effets positifs sur les douze mois précédents. «Le BLS prend comme base de calcul les profits des compagnies d’assurance en année n-2, forcément élevés en 2020 quand les assurés payaient leur police sans prestations, et beaucoup moins élevés en 2021 quand ils sont retournés chez les dentistes et ophtalmologistes», note Raphaël Gallardo.

Malgré tout, l’économiste ne croit toujours pas à un atterrissage monétaire en douceur qui permettrait à la Fed de rebaisser ses taux dès 2023 avec un ralentissement de la croissance simultané à une normalisation de l’inflation «core». «J’ai du mal à voir les salaires baisser tant que les tensions ne seront pas résorbées sur le marché du travail et il me semble que, avec une population active toujours en retrait, les embauches à temps partiel qui ont marqué le dernier ‘job report’ tenaient plus à l’absence de main d’œuvre disponible qu’à la volonté de réduire les heures de travail. Et j’ai du mal à voir l’inflation des services diminuer sans baisse des salaires ni hausse notable du chômage : la courbe de Phillips s’étant pentifiée, l’inflation salariale va être à l’avenir beaucoup plus sensible à de petites variations sur l’emploi, et l’inflation sous-jacente aussi», estime Raphaël Gallardo. Ce dernier rappelle que les économistes de la Fed ont annoncé en décembre aux gouverneurs qu’ils ne voient désormais pas l’«output gap» (l'écart entre le niveau de PIB réalisé et le PIB potentiel) comblé avant début 2025.

Entre les annonces de perspectives de prix «core» des PME de la NFIB qui s’effondrent et les indices d’activité ISM (manufacturier et services) en territoire de contraction, «nous restons convaincus d’un ralentissement rapide de l’inflation et d’une récession inévitable, ce qui entraînera des baisses de taux significatives au second semestre», estime quant à lui James Knightley. Une vue qui reflète davantage le consensus.

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