
La BCE accroît ses marges de manœuvre

La Banque centrale européenne (BCE) a devancé les marchés. Hier, lors de la réunion de son conseil des gouverneurs, elle a non seulement augmenté plus que prévu son programme d’achats d’urgence PEPP (pandemic emergency purchase programme) lancé fin mars pour faire face au choc économique provoqué par le coronavirus mais elle a aussi prolongé sa durée et communiqué sur le réinvestissement des tombées des obligations achetées. «Ces mesures étaient largement attendues car au rythme actuel, la BCE aurait atteint les limites du programme en septembre», souligne Nicolas Forest, directeur de la gestion obligataire chez Candriam.
Le PEPP est porté à 1.350 milliards d’euros (+600 milliards contre 500 milliards anticipés) jusqu’à fin juin 2021 (au lieu de fin 2020). Les tombées seront réinvesties jusqu’à fin 2022. «En d’autres termes, cela exclut tout ‘tapering’ (arrêt des achats, ndlr) avant 2023 alors qu’il est probable que le PEPP sera arrêté le premier suivi par les autres programmes, note Samy Chaar, chef économiste chez Lombard Odier. C’est important car cela va permettre à la BCE de dévier plus et plus longtemps de sa clé de capital».
Large consensus
Au-delà de cet aspect technique, non négligeable, la BCE se trouve aussi face à une situation économique exceptionnelle qui la contraint d’agir vite. Christine Lagarde, sa présidente, a indiqué que le montant de 600 milliards d’euros supplémentaires avait fait l’objet d’un large consensus. A la veille du conseil, certaines voix s’étaient élevées contre une augmentation du PEPP. Mais la zone euro est confrontée à un niveau d’incertitude économique extraordinaire et la BCE prévoit une contraction de 8,7% (-9,4 points par rapport à la prévision de mars) du PIB cette année avant un rebond de 5,2% en 2021 et de 3,3% en 2022.
«Ses vues sur l‘économie ne sont pas très optimistes et même beaucoup plus pessimistes que celles du consensus pour 2020 (-7,6%), souligne Patrice Gautry, chef économiste chez UBP. Les prévisions sur l’inflation ne sont pas plus optimistes car elle devrait s’établir à 1,3% en 2022, soit très en dessous de l’objectif de 2%». Un point critique pour la banque centrale. Les perspectives d’inflation sont d’autant plus faibles que la baisse des cours du pétrole pèse sur les prix. La BCE anticipe un indice des prix en hausse de 0,3% cette année et 0,8% en 2021. «Le niveau d’inflation en 2022 explique pourquoi tous les programmes de rachat d’actifs et les réinvestissements sont prévus pour durer si longtemps», constate Samy Chaar. «L’argument d’une inflation en dessous de ses objectifs pourra être utilisé à loisir les prochains trimestres si la BCE doit de nouveau adapter ses mesures et ainsi imposer un consensus au sein du conseil des gouverneurs», renchérit Patrice Gautry. Une nouvelle augmentation du PEPP est probable, surtout s’il est poursuivi jusqu’à fin juin 2021, selon HSBC.
Donner du temps aux Etats
Pour Nicolas Forest, la BCE ne règle toutefois pas tous les problèmes liés à cette récession exceptionnelle, mais elle donne ici du temps et un soutien significatif aux Etats et aux entreprises. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a rappelé que le PEPP doit permettre de faire face au resserrement des conditions financières, à un moment où l’économie a besoin de conditions favorables, et d’éviter la fragmentation au sein de la zone euro qui menace toujours. «Les dépenses budgétaires énormes sont au premier plan du soutien des économies, la BCE donne le coup de pouce nécessaire et réduit la pression sur le marché pour absorber les émissions d’obligations afin de les financer», poursuit Jon Day, gérant obligataire chez Newton (BNY Mellon IM). L’Allemagne a annoncé une rallonge budgétaire de 130 milliards d’euros et l’Union européenne doit encore adopter son programme de relance commun de 750 milliards.
Lors de la conférence de presse en ligne après le conseil, Christine Lagarde a répondu aux nombreuses questions sur la décision de la Cour de Karlsruhe qui a enjoint à la BCE de démontrer sous trois mois que ses rachats de dette publique (PSPP) sont proportionnés aux objectifs de son mandat, sous peine de devoir suspendre ce programme en Allemagne. La présidente de la BCE a rappelé que la BCE était sous la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui avait déjà statué sur le PSPP, à la demande de la Cour constitutionnelle allemande, jugeant ce programme conforme à son mandat. «La BCE a ouvert une porte pour trouver un compromis avec la Cour constitutionnelle allemande», indique Sébastien Galy, stratégiste chez Nordea. Christine Lagarde s’est déclarée confiante dans le fait qu’une bonne solution sera trouvée, qui ne compromette ni l’indépendance de la BCE, ni la primauté du droit européen, ni les décisions de la CJUE, afin d'éviter une interruption du programme de rachat d’actifs en Allemagne.
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Nucléaire iranien : un nouveau cadre de coopération convenu entre l'Iran et l'AIEA
Le Caire - L’Iran a annoncé mardi avoir convenu d’un nouveau cadre de coopération avec l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), après avoir suspendu sa collaboration avec le gendarme onusien du nucléaire dans le sillage de la guerre contre Israël en juin. Le directeur de l’AIEA, Rafael Grossi, a salué «une étape importante dans la bonne direction». Il a indiqué sur X s'être entendu lors d’une réunion au Caire avec le chef de la diplomatie iranienne Abbas Araghchi «sur des modalités pratiques pour reprendre les inspections en Iran» des activités nucléaires. La rencontre au Caire, à laquelle a participé le ministre égyptien des Affaires étrangères Badr Abdelatty, était la première entre MM. Araghchi et Grossi depuis la guerre de 12 jours déclenchée par une attaque israélienne sur l’Iran en juin. Le dossier du nucléaire iranien empoisonne de longue date les relations de l’Iran avec les Occidentaux. Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et Israël, ennemi juré de l’Iran, soupçonnent le pouvoir iranien de vouloir se doter de la bombe atomique. L’Iran dément vigoureusement avoir de telles ambitions militaires mais insiste sur son droit au nucléaire pour des besoins civils. Après la rencontre au Caire, le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï, a annoncé que «l’Iran et l’AIEA étaient parvenus à une entente sur la manière d’agir dans ce nouveau contexte, après les attaques illégitimes menées par les Etats-Unis et le régime sioniste contre les installations nucléaires pacifiques de notre pays», sans autre précision. «Nouvelle relation» Plus tard, MM. Araghchi et Grossi ont signé un accord intitulé «Modalités techniques pour la mise en œuvre des inspections». M. Abdelatty a dit espérer que l’accord «marquera le véritable point de départ d’une nouvelle relation entre les deux parties, caractérisée par une plus grande transparence». Il a aussi espéré qu’il «favorise une entente» d’abord avec les pays européens ayant menacé de rétablir les sanctions contre l’Iran, puis «conduise à un retour à la table des négociations entre l’Iran et les Etats-Unis». MM. Araghchi et Grossi ont ensuite rencontré le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, qui a salué «une étape positive vers la désescalade». Téhéran avait suspendu sa coopération avec l’AIEA après la guerre déclenchée le 13 juin par une attaque sans précédent d’Israël sur le sol iranien. L’Iran avait reproché à l’AIEA de ne pas avoir condamné les bombardements israéliens, puis américains, qui ont visé ses installations nucléaires durant le conflit. Téhéran estime également que l’AIEA a une part de responsabilité dans le déclenchement de l’attaque israélienne surprise, car elle a été lancée au lendemain du vote d’une résolution critique sur le programme nucléaire iranien au siège de l’agence à Vienne. Depuis juillet, une loi votée au Parlement iranien bannit en principe toute coopération avec l’AIEA. Menaces de sanctions Des inspecteurs de l’agence ont néanmoins fait un bref retour en Iran fin août pour remplacer le combustible du site de Bouchehr, la principale centrale nucléaire de production d'électricité du pays. Mais ils n’avaient pu accéder aux sites bombardés en juin et dont l'étendue exacte des dégâts n’est pas connue. La rencontre entre MM. Araghchi et Grossi est intervenue au moment où la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne (groupe E3) menacent de rétablir fin septembre des sanctions contre l’Iran, suspendues depuis 2015 par un accord international sur le nucléaire conclu alors avec Téhéran. Une clause de cet accord, enclenchée fin août, permet le rétablissement de ces sanctions si une partie estime que l’Iran ne respecte pas ses engagements. L’accord de 2015, signé par l’E3, les Etats-Unis, la Chine, la Russie et l’Iran prévoyait d’importantes restrictions au programme nucléaire de Téhéran en échange de la levée progressive des sanctions. En 2018, sous le premier mandat du président Donald Trump, les Etats-Unis avaient décidé de s’en retirer et avaient rétabli leurs propres sanctions. Téhéran s'était ensuite affranchie de certains engagements, en accélérant l’enrichissement d’uranium. L’Iran a enrichi de l’uranium au niveau élevé de 60%, selon l’AIEA, niveau proche du seuil de 90% requis pour la fabrication d’une bombe atomique. © Agence France-Presse -
La bourse de New York termine sur des records dans l'attente des taux de la Fed
Washington - La Bourse de New York a terminé à de nouveaux sommets mardi, abordant avec optimisme la publication de plusieurs indicateurs d’inflation aux Etats-Unis susceptibles de donner de nouveaux indices sur la trajectoire monétaire privilégiée par la Réserve fédérale (Fed). Le Dow Jones a avancé de 0,43%, à 45.711,34 points, l’indice Nasdaq a pris 0,37% à 21.879,49 points et l’indice élargi S&P 500 a gagné 0,27% à 6,512,61 points. «Le groupe des mégacapitalisations a joué un rôle moteur en contribuant à soutenir les principaux indices», souligne auprès de l’AFP Patrick O’Hare, de Briefing.com. Nvidia a ainsi gagné 1,46%, Alphabet (Google) 2,39% et Amazon a avancé de 1,02%. Globalement, les investisseurs sont «dans l’expectative des données sur l’inflation, avec l’indice des prix à la production (PPI) qui sera publié mercredi, puis jeudi avec l’indice des prix à la consommation (CPI)», relève Patrick O’Hare. «Les acteurs du marché s’attendent non seulement à ce que la Fed abaisse ses taux en septembre, mais aussi en octobre et en décembre», note l’analyste. Selon l’analyste, les données sur l’inflation donneront par conséquent «une base pour réévaluer la probabilité de ces baisses de taux». La banque centrale des Etats-Unis est investie d’un double mandat pour le pays, consistant à la fois à surveiller le marché de l’emploi et à maintenir l’inflation proche de 2% sur le long terme. Toutefois, prévient M. O’Hare, «il semble que les marchés financiers se concentrent davantage sur l’affaiblissement du marché du travail que sur les données d’inflation pour le moment». Mardi, ils ont gardé un oeil sur la forte révision à la baisse des chiffres de l’emploi américain entre avril 2024 et mars 2025, sans pour autant y réagir négativement. Selon le Bureau des statistiques du travail (BLS), les entreprises américaines ont au final créé 911.000 emplois de moins sur l’ensemble de l’année fiscale 2024-2025, soit quasiment deux fois moins que ce qui avait été rapporté initialement. «Pour ce marché, les mauvaises nouvelles économiques sont synonymes de bonnes nouvelles en matière de baisse des taux», résume Patrick O’Hare. Dans ce contexte, sur le marché obligataire, le rendement des emprunts d’Etat américains à échéance 10 ans se tendait par rapport à la clôture lundi, à 4,08% contre 4,04%. Côté entreprises, Apple (-1,48% à 234,35 dollars) a souffert de la présentation de sa nouvelle gamme d’iPhone 17. L’entreprise a présenté un modèle «Air» ultrafin, a promis des progrès sur l’autonomie et les objectifs photographiques, mais n’a pas annoncé d’avancées majeures pour rattraper son retard dans l’intelligence artificielle (IA). La firme de Cupertino (Californie) a aussi annoncé que les prix des nouveaux iPhone devraient augmenter aux Etats-Unis en raison des droits de douane imposés par le président Donald Trump, qui alourdissent les coûts de production en Chine, toujours le principal centre de fabrication de la marque à la pomme. La start-up américaine spécialisée dans l’informatique à distance («cloud computing») CoreWeave a bondi de 7,13% à 100,22 dollars après avoir annoncé le lancement d’un fonds de capital-risque dédié aux investissements dans l’IA. Le spécialiste néerlandais des infrastructures et services IA Nebius (+49,42% à 95,72 dollars) s’est envolé à l’annonce d’un partenariat avec Microsoft. Nebius dédira une partie des ressources de son nouveau data center au géant américain de l’informatique. Nasdaq © Agence France-Presse