
Les obligations Relance sont promises à un plus bel avenir que les prêts participatifs

Cela valait la peine. Attendues, puis retardées, Bercy a enfin annoncé le lancement des obligations Relance, la deuxième jambe du volet du plan de relance visant à renforcer les fonds propres des entreprises. Le fonds «Obligations Relance», qui bénéficiera de la garantie de l’Etat à hauteur de 30% et représentera 90% des obligations subordonnées, a levé 1,7 milliard d’euros auprès de dix-neuf assureurs et de la Caisse des Dépôts. Distribuées par sept sociétés de gestion regroupant trente-trois acteurs de la gestion d’actifs, elles devraient vivre un départ un peu plus animé que les prêts participatifs.
Appétit et couverture du territoire
«Nous avons dimensionné une enveloppe de 200 millions d’euros en nous disant qu’on la déploierait d’ici le 30 juin 2022, et l’appétit se fait sentir sur le terrain», témoigne ainsi François Rivolier, cofondateur de Geneo Capital Entrepreneur, qui gérera avec Turenne Groupe une enveloppe de 200 millions d’euros. Inbonis Ratings, agence de notation de crédit en Europe spécialisée pour les PME et ETI qui travaille avec trois groupements de sociétés de gestion dans le cadre des obligations Relance, a déjà noté 15 entreprises spécifiquement pour le dispositif pour un total de 150 millions d’euros. 45 ont demandé une proposition de notation.
Le délai d’octroi du dispositif a été repoussé à la fin 2023, laissant espérer que les montants levés pourraient même être dépassés d’ici-là. Une potentielle deuxième levée de fonds n’est pas exclue, rapportent plusieurs sources à L’Agefi. «Nous nous sentions confiants concernant notre capacité à distribuer d’ici au 30 juin 2022 les montants alloués. Il s’agit d’une première étape pour montrer que nous pouvons déployer plus selon l’appétence des émetteurs dont les premiers retours sont très positifs», confirme Cédric James, directeur général délégué d’Audacia. La société de gestion fait partie du groupement que pilotera Tikehau Capital (300 millions d’euros) et qui traduit bien la volonté de couvrir le territoire. Tandis que Tikehau s’occupera plutôt des ETI, Audacia distribuera auprès des PME dans la région parisienne et ailleurs (Nord, Auvergne-Rhône-Alpes).
Epopée Gestion, société de gestion fondée par l’ancien directeur général du Crédit Mutuel Arkéa, Ronan Le Moal, et dont le siège social est située dans le Finistère à Guipavas, distribuera le dispositif dans le Grand Ouest. La société toulousaine M Capital Partners s’occupera du Sud-Ouest.
Délai et complémentarité
L’appétit s’explique par les caractéristiques du dispositif. «Les obligations Relance et les prêts participatifs jouissent du même régime et constituent deux instruments qui s’insèrent entre les fonds propres et la dette. La vraie différence se situe dans le délai de remboursement, de huit ans in fine pour les obligations Relance contre quatre ans, voire désormais six ans, pour les prêts participatifs. Cela permet de renforcer la solvabilité de l’entreprise sans obérer ses capacités de financement», analyse Laurent Jourdan, avocat associé gérant du cabinet Racine Paris. Subordonnées, les obligations relance visent aussi les entreprises de taille un peu plus importante. Leur montant est compris entre 2 et 100 millions d’euros et est plafonné à 12,5% du chiffre d’affaires 2019 pour les PME et 8,4% pour les ETI avec un taux d’intérêt compris entre 5% pour les PME et 6% pour les ETI.
«Avoir une dette subordonnée à huit ans à un taux quasiment comparable à de la dette senior est une belle opportunité», analyse Mathilde Paoli, directrice associée de Geneo. Surtout, le dispositif apparaît plus simple selon l’associée à la tête de la stratégie mezzanine de la société de gestion : «C’est une dette normée, facile à mettre en place car bien packagée».
«L’aspect non dilutif de ce financement est très apprécié par les entrepreneurs. C’est un argument majeur d’expliquer que cette source de financement s’assimile à des quasi-fonds propres dans la mesure où elle ne sera remboursée qu’au bout de huit ans», abonde Cédric James. Là où les premiers retours concernant les prêts participatifs font égard d’une certaine concurrence avec les dettes bancaires plus classiques, les obligations Relance se distinguent aussi par leur complémentarité. «C’est une solution pour diversifier les sources de financement, là où les prêts participatifs se rapprochent des prêts bancaires plus classiques, et qui permet un conseil spécifique», explique Cédric James.
Critères ESG et de fonds propres
Contrairement au changement de philosophie des prêts participatifs, les obligations Relance devraient bien se focaliser sur le financement du développement des entreprises. Les sociétés de gestion rapportent par exemple un intérêt fort des émetteurs pour financer de la croissance externe. Preuve de leur inscription dans ce développement, elles pourront bonifier leur taux d’emprunt selon des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), mais aussi de fonds propres. Une dégressivité de 15 points de base sera appliquée sur la base d’une liste définie concernant l’ESG, mais que les sociétés de gestion peuvent amender, et de 10 points de base selon le critère ratio de dette nette sur fonds propres. Ce mécanisme d’incitation à renforcer les fonds propres par d’autres moyens aurait été voulu par Bercy.
Comme les prêts participatifs, l’octroi des obligations Relance est conditionné à une évaluation de crédit. Les sociétés de gestion, qui se reposeront en grande partie sur la banque de données Fiben de la Banque de France, peuvent aussi faire appel à un instrument interne ou des agences de notation externes. La notation retenue est BB- inclus. C’est aussi une source de sûreté pour les gérants qui doivent apporter 2% de fonds propres dans un fonds d’alignement d’intérêt qui devra porter les 10% restants des obligations Relance. Imposé par Bruxelles, il sera abondé à hauteur de 2% par des assureurs ayant participé à la levée. Les sociétés de gestion doivent trouver les 6% restants via des investisseurs tiers.
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