Climat : BNP Paribas droite dans ses bottes face aux ONG

Lors de son assemblée générale, la banque française a été assaillie de questions sur le financement des énergies fossiles. Le directeur général y a répondu sans détours.
Jean-Laurent Bonnafé en février 2012. Photo: Pascal Sittler/REA
Le directeur général de BNP Paribas Jean-Laurent Bonnafé a défendu la politique climatique de la banque lors de son assemblée générale.  -  Photo: Pascal Sittler/REA

ONG et scientifiques se sont invités à l’assemblée générale annuelle de BNP Paribas ce mardi 16 mai afin de questionner la banque sur sa politique climatique. Plus disciplinés que les militants écologistes britanniques qui avaient perturbé l’AG de HSBC avant d’être évacués par la sécurité, ils ont confronté la banque sur son soutien aux énergies fossiles.

BNP Paribas, qui devrait être totalement sortie du charbon d’ici à 2030 dans les pays de l’OCDE et 2040 dans le reste du monde, a annoncé il y a quelques jours qu’elle complétait ses politiques sectorielles notamment sur la filière pétrole et gaz. La banque de la rue d’Antin s’est, en particulier, engagée à ne plus soutenir l’exploration de nouveaux champs pétroliers et gaziers via le financement de projets. BNP Paribas ambitionne, au total, de réduire de 80% d’ici à 2030 le financement des activités d’exploration-production pétrolière.

Emissions obligataires et crédits aux majors pétrolières

Des engagements toujours «insuffisants» aux yeux des ONG. Trois d’entre elles ont attaqué la banque française en justice en février pour non-respect de la loi sur le devoir de vigilance, tandis que 600 scientifiques, dont des co-auteurs du rapport du GIEC, ont écrit une lettre ouverte à son conseil d’administration. Ces ONG, tout comme le collectif Scientifiques en Rébellion, estiment que la banque continue à financer indirectement de nouveaux gisements via les crédits généralistes accordés aux majors pétrolières et gazières et les émissions obligataires.

A lire aussi: Avec BNP Paribas, les ONG veulent faire un exemple

Alors que les questions se succédaient mardi, sous les huées et les sifflets des actionnaires de la banque agacés par la longueur de ces interventions, le directeur général de BNP Paribas Jean-Laurent Bonnafé s’est patiemment employé à y répondre de manière détaillée. Il a d’abord mis en avant le caractère progressif de la démarche dans laquelle est engagée la banque française. «Nous n’avons pas attendu pour accompagner la transition. Sur les 50 milliards d’euros de financement consacré au secteur de l’énergie, le fossile représente aujourd’hui 40%, contre 90% il y a dix ans. Nous allons bien sûr accélérer afin que le bas carbone représente 80% de ces financements», a-t-il rappelé en préambule. Ce changement ne peut toutefois s’opérer trop brutalement, a-t-il insisté à plusieurs reprises, au risque de provoquer «un effondrement économique».

Concernant les émissions obligataires, le directeur général de BNP Paribas affirme que ces activités sont conduites conformément aux orientations générales de la banque en matière climatique. «Nous tenons compte des engagements des entreprises émettrices et de ce qu’elles démontrent sur leur trajectoire vers le bas carbone», précise-t-il. Ainsi, la banque n’exclut pas de cesser sa relation commerciale avec des clients qui continueraient à produire uniquement des énergies fossiles sans être pleinement engagés dans la transition. «Faut-il aller plus loin ? Nous pouvons regarder si une entreprise continue de développer des capacités et en faire un critère discriminant», a esquissé Jean-Laurent Bonnafé.

Des entreprises déjà «gorgées de cash»

Fortement critiquée pour le soutien qu’elle apporte à Total Energies, dont elle est le deuxième financeur selon les ONG, BNP Paribas a rappelé que la major pétrolière était, par ailleurs, engagée dans le développement d’énergies renouvelables. Pour les militants écologistes, le problème réside dans la fongibilité du cash de ces entreprises qui utilisent les crédits et les obligations pour financer l’ensemble de leurs activités, qu’elles soient traditionnelles ou vertes. Un argument auquel Jean-Laurent Bonnafé a opposé un principe de réalité. «Le secteur du pétrole et du gaz est très rentable, du fait du niveau des prix, de la raréfaction des gisements et de la situation géopolitique. Ces activités sont tellement rentables que le cashflow paie la totalité de la dette, les capex de maintenance, les dividendes et les rachats d’actions. Elles sont tellement gorgées de cash que lorsqu’une banque leur accorde un crédit ou qu’elles émettent un ‘bond’, cela ne sert pas en réalité à financer les activités traditionnelles, mais les nouvelles activités», s’est-il défendu.

Les ONG ont, par ailleurs, renouvelé leurs critiques sur l’absence d’engagements de la banque concernant une sortie de la filière gaz. Une demande qui s’avérerait, selon son directeur général, trop brutale pour la transition et pour l’économie, faute d’énergies alternatives. «Nous pensons que le passage du charbon lignite au gaz via des centrales thermiques à basses émissions est une étape dans le parcours qui va nous permettre d’atteindre la neutralité carbone en 2050», s’est-il justifié. Et d’ajouter : «la crise russe l’a démontré : pouvons-nous nous permettre de passer l’hiver prochain sans gaz pour nous chauffer ? BNP Paribas s’est engagé à réduire de 30% les financements accordés à l’exploration de gisements gaziers et nous ferons probablement mieux.» Les ONG, de leur côté, ne désarment pas, demandant de nouveaux engagements à la banque, concernant notamment les plans de transition de ses clients.

Un évènement L’AGEFI

Plus d'articles BNP Paribas

Contenu de nos partenaires

Les plus lus de
A lire sur ...