
Web3 en France et en Europe, le devoir de la reconnexion

Les fêtes de fin d’année n’ont pas fait de cadeaux au Web3, cette nouvelle économie qui – grâce aux technologies blockchain et aux crypto-actifs (bitcoin, ether, etc.) – propose des services numériques sur cet Internet dit 3.0. Un espace d’actions et d’interactions plus efficient, plus inclusif, plus respectueux des citoyens dans leur vie privée et la propriété de leurs données et des contenus créés, dans lequel chacun retrouve davantage de pouvoir et d’autonomie. Un monde d’opportunités qui se construit aujourd’hui. La question étant : par qui souhaitons-nous qu’il soit construit ?
Le Web3 n’est pas de l’innovation-fiction. C’est même une réalité bien française !
La France est le terreau d’un grand nombre de jeunes et moins jeunes entreprises qui, depuis une douzaine d’années pour les plus anciennes – Bitcoin, la grande sœur des blockchains, a seulement soufflé sa quinzième bougie –, bâtissent les fondations de ce Web3. L’Adan est aujourd’hui le plus gros organisme représentatif de ces professionnels en Europe. Nouveaux marchés, finance désintermédiée, réseaux sociaux décentralisés, jeux vidéo de nouvelle génération, art numérique, luxe « tokenisé »… Le Web3 n’est pas de l’innovation-fiction. C’est même une réalité bien française !
En effet, le Web3 tricolore s’est imposé comme la locomotive de toute l’industrie européenne. Mais sur les rails d’Internet 3.0, les Etats-Unis et l’Asie sont lancés à grande vitesse et roulent aussi sur les plates-bandes du Vieux Continent. Car le numérique se passe de frontières. Ainsi n’importe quelle entreprise, où qu’elle soit établie sur le globe, peut s’adresser aux 12 % de Français qui détenaient des crypto-actifs début 20241. Et ces derniers peuvent utiliser n’importe quel protocole depuis leur connexion Internet.
Mais pourquoi est-il important que les Européens profitent de ces merveilleuses innovations grâce à des acteurs continentaux, plutôt qu’américains ou asiatiques ? Pas seulement par pur patriotisme, qui connaît ses limites si le voisin propose une meilleure qualité de service et des frais moins excessifs. Faire émerger des champions européens du Web3, c’est enfin briser notre dépendance – politique, économique, géopolitique – aux mastodontes étrangers d’Internet 2.0 – notamment aux fameux Gafam et BATX. C’est retenir nos brillants talents, qui font des envieux ailleurs, et créer de l’emploi en Europe. C’est garantir aux utilisateurs qu’ils sont protégés et qu’ils ne contribuent indirectement pas à toute criminalité financière – car aujourd’hui, seule l’Europe a mis en place une réglementation aussi aboutie. C’est superviser et sanctionner les acteurs qui contreviennent aux règles européennes – car comment faire lorsqu’ils ne sont pas sur notre sol ? C’est donner à l’Europe un formidable levier pour « innover et combler son retard technologique » et répondre aux graves inquiétudes pour son avenir consignées par Mario Draghi dans son dernier rapport2. A priori, toutes d’excellentes raisons.
Internet 3.0 existe déjà, et ce n’est que le début de la transformation numérique de notre quotidien. Ses opportunités sont réelles. Le risque de passer à côté aussi.Parce qu’en 2024, la France reste le théâtre de débats totalement anachroniques, encore sclérosés par les approximations et la désinformation.
Parce que l’Europe régule, et après ?
Pourtant, il fut un temps en 2017 où le Parlement avait entrepris des travaux sur l’encadrement et la fiscalité des cryptos aux intentions favorables à l’innovation. Hélas, certains ne s’en rappellent même pas ! En témoigne, dans le cadre de la Commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France, une proposition visant à « assujettir les plateformes [...] au dispositif de lutte contre le blanchiment ». Cela tombe bien, c’est le cas depuis 2019. Un recul plus que préoccupant, une stagnation des débats qui nuit aux avancées dont le secteur a besoin pour poursuivre sa croissance. C’est ainsi que l’on se retrouve – dernièrement, dans le contexte du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 – à lutter contre des clichés caricaturaux plutôt que de discuter de véritables adaptations et améliorations pour les contribuables et les entreprises. Pour ne citer qu’un seul exemple : le report des moins-values sur les cessions de crypto-actifs.
C’est pourquoi, si le soutien du Parlement à notre industrie n’est pas acquis, si la présente instabilité politique semble durable, si l’intelligence artificielle a le monopole du portefeuille du secrétariat d’Etat au Numérique, l’appui des régulateurs devient plus que jamais crucial. Un appui historiquement fort, vertueux pour accompagner une innovation compétitive et responsable en France, qui a pris du plomb dans l’aile ces deux dernières années. Or à l’heure de l’harmonisation européenne qui impose la mise en conformité des acteurs et la mise en concurrence des autorités pour l’octroi des agréments, la France ne doit pas se reposer sur ses lauriers.
Le Parlement européen n’a même pas la volonté d’établir un intergroupe (parmi ses 28) pour travailler sur le Web3, ou tout sujet numérique d’ailleurs : un indice sur la priorité limitée que le sujet revêt pour la nouvelle législature européenne. Le 30 décembre dernier, la réglementation européenne s’est mise en place pour les marchés crypto. Avec notamment les règlements MiCA, TFR, Dora. Ce sont moins les acronymes qui sont importants que la masse d’exigences qu’ils représentent, et que les entités assujetties à celles-ci devront respecter dans des délais plus que serrés. Tout en se préparant aux autres réglementations attendues sous peu, comme DAC8 et AMLR. Il n’est ainsi pas difficile d’imaginer le défi opérationnel, humain et financier, notamment pour les plus petites structures qui représentent la majorité du secteur. Un défi pimenté par la publication extrêmement tardive de nombreux standards techniques de la part des autorités européennes, sans lesquels les entreprises ne peuvent pas finaliser leur mise en conformité. Egalement car l’absence de certains outils ou services – les banques et les compagnies d’assurances qui devraient les proposer ne les proposent pas – rend mécaniquement impossible d’en respecter les exigences afférentes. Enfin car des flous persistent malgré l’entrée en application de la réglementation : quels services ne seront pas réputés décentralisés et donc tomberont dans le périmètre de MiCA ? quels NFT seront considérés comme des crypto-actifs ou des instruments financiers ? Si respecter une réglementation n’est déjà pas une mince affaire, la mission, dans ces conditions, peut devenir impossible.
Parce que les Etats-Unis passent à la vitesse supérieure
Pendant que la France et l’Europe tergiversent quant à leur soutien au secteur, un changement de paradigme s’opère actuellement dans la future Amérique du président Trump. Le bitcoin à 100.000 euros n’est que le premier symptôme. Tous les voyants s’allument au vert et signalent que les Etats-Unis reprennent la main sur le Web3 : discours politique plus que positif, acquisition de bitcoins via la Réserve fédérale, clarification à venir d’une réglementation visant moins à contraindre l’innovation qu’à la stimuler… Pour une ambition claire : gouverner le nouvel empire numérique de demain.
La France et l’Europe doivent urgemment quitter leur monde parallèle dans lequel des élus débattent encore du qualificatif du bitcoin
La France et l’Europe doivent urgemment quitter leur monde parallèle dans lequel des élus débattent encore du qualificatif du bitcoin (monnaie ? or numérique ? arnaque ? désastre environnemental ?), des régulateurs prennent leurs distances avec leurs assujettis et des institutions européennes jouent la surenchère réglementaire. Se reconnecter au vrai monde. Et dans ce vrai monde, la montée en pression américaine doit nous faire réagir, si, en 2025 et à l’avenir, l’on ne veut pas détruire notre industrie, affaiblir notre croissance économique et notre autonomie stratégique, laisser les utilisateurs du Web3 (leurs fonds, leurs données, leur vie privée) à la merci des acteurs étrangers, perdre nos talents et nos emplois.
Moins de réglementation, plus d’innovation
Réagir immédiatement, mais comment ? Une riposte en deux volets : lever le pied du frein de la réglementation et appuyer sur l’accélérateur de l’innovation.
Très peu de secteurs se sont vu frapper par la réglementation à la vitesse de la « cryptofinance ». Malgré leur jeunesse, les marchés crypto se retrouvent ainsi déjà à appliquer des standards réglementaires identiques à ceux de la banque-finance traditionnelle, directement inspirés des réglementations telles que les régimes MIF2 et Abus de marché, la 5e directive LCB-FT, l’encadrement des services de paiement et de la monnaie électronique… Là où l’innovation financière des acteurs traditionnels a bénéficié d’une montée en puissance réglementaire progressive (recherchez quand les pouvoirs publics se sont intéressés aux produits dérivés et aux agences de notation par exemple). Ne parlons même pas des Gafam : le Digital Markets Act et le Digital Services Act censés les encadrer ont été proposés par la Commission européenne en 2020 seulement, soit la même année que MiCA, Dora et TFR. Ainsi, avec l’ensemble des exigences déjà requises à l’encontre des entreprises de marché crypto et celles déjà programmées, il est parfaitement raisonnable d’être rassurés. A condition d’un arbitre solide dans le jeu de la réglementation. Car tant que les ressources des autorités françaises demeurent insuffisantes pour octroyer rapidement les autorisations d’exercer et pour surveiller les marchés, les objectifs poursuivis en théorie ne se matérialiseront pas en pratique : faute d’entreprises ayant survécu à la surcharge de mise en conformité, faute d’agréer nos acteurs à temps pour qu’ils concurrencent les autres, faute de sanctions aux contrevenants à nos règles. Alors posons la plume et donnons-nous les moyens de nos ambitions.
Si la France et l’Europe ont parfaitement œuvré pour instaurer un cadre de confiance pour les nouveaux acteurs de marchés - nécessaire à leur développement sain et à l’adoption des cryptos - et continuent à travailler sur les autres usages du Web3, la réglementation ne saurait être la panacée pour ériger le Vieux Continent en nouvel eldorado numérique. L’industrie attend de la part des pouvoirs publics des solutions aux problèmes qu’elle rencontre, parfois de longue date. Quelques exemples. Tout d’abord en matière de financement : ne pas affaiblir le soutien financier à l’innovation – contrairement aux velléités du dernier PLF –, adapter et orienter davantage de financements publics vers le Web3, et encourager les acteurs européens privés à investir dans nos pépites grâce à une vision ambitieuse pour cette nouvelle économie et une pédagogie encore nécessaire sur ses enjeux majeurs pour l’avenir de l’Europe par les décideurs publics. S’agissant de la bancarisation toujours lacunaire des entreprises Web3 : renforcer drastiquement le droit au compte des entités notamment régulées. En matière de produits d’assurance adaptés aux nouvelles activités et requises au titre de la réglementation : promouvoir le travail de la place avec le secteur assurantiel, actuellement impulsé par l’Adan seule. Lâcher les brides fiscales et comptables dénoncées par le secteur, tout simplement en n’esquivant pas le sujet lors du prochain PLF. Protéger nos champions contre la concurrence déloyale des acteurs pas sérieux – et donc dangereux – en les empêchant de sévir et les sanctionnant lorsque tel est le cas.
Les coups pleuvent de toute part. La résilience de nos acteurs est certes extraordinaire, mais mise à rude épreuve. En 2025, la France et l’Europe doivent répliquer. Avant d’être mises KO.
(1) Adan x KPMG x Ipsos, « Web3 et crypto en France et en Europe : poursuite de l’adoption et de la croissance du secteur » (édition 2024), mars 2024 : https://www.adan.eu/publication/etude-2024-web3-et-crypto-en-france-et-en-europe/
(2) Mario Draghi, « The future of European competitiveness », septembre 2024 : https://sgae.gouv.fr/sites/SGAE/accueil/a-propos-du-sgae/actualites/mario-draghi-remet-son-rapport-s.html
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Washington - Donald Trump a signé vendredi un décret visant à rebaptiser le ministère américain de la Défense en «ministère de la Guerre», ajoutant qu’il voulait par là envoyer un «message de victoire» et «de force» au reste du monde. Le président américain a laissé entendre qu’il pouvait se passer d’un vote du Congrès pour procéder à ce changement d’appellation. «Les mots comptent», a dit le chef du Pentagone Pete Hegseth, présent aux côtés de Donald Trump dans le Bureau ovale, assurant que cette nouvelle appellation devait permettre de «restaurer une éthique guerrière». Formellement, il s’agit pour l’instant d’une appellation «supplémentaire», selon un document distribué dès jeudi par la Maison Blanche. Un haut responsable du ministère a indiqué que le coût de cette opération, potentiellement très dispendieuse, deviendrait «plus clair» au fur et à mesure de sa mise en place. Peu après la signature du décret présidentiel, les mots «ministère de la Défense» ont été immédiatement retirés d’un mur dans le Pentagone, devant des caméras de télévision. Le site du ministère a été renommé et Pete Hegseth se présente désormais comme «ministre de la Guerre» sur X. «Nous allons soumettre (ce changement de nom) au Congrès», a prévenu Donald Trump. «Je ne sais pas (si les parlementaires voteront en ma faveur, ndlr), nous verrons bien, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient besoin de le faire». «Trop défensif» Ce n’est pas la première fois que le républicain de 79 ans impose ses idées sans passer par la case législative. Son second mandat est marqué par une volonté assumée d'étendre le pouvoir présidentiel, à coups de décrets et de décisions empiétant sur les prérogatives du Congrès. Il a signé vendredi son 200e décret depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Le président des Etats-Unis avait déjà fait part de ce projet qui restaurerait une appellation ayant existé de 1789 à 1947. «Défense, c’est trop défensif, et nous voulons aussi être offensifs», avait-il déclaré. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a mobilisé l’armée pour imposer une image de puissance spectaculaire et combler son appétit de fastes militaires. Il a organisé un rare défilé le jour de son anniversaire, déployé la Garde nationale dans des villes dirigées par ses opposants, et ordonné une frappe exceptionnelle sur un bateau dans les Caraïbes dans le cadre de la lutte affichée contre le narcotrafic. Les démocrates dénoncent régulièrement ce recours aux militaires, révélateur selon eux d’une dérive autoritaire. Contre le «politiquement correct» Le président américain avait eu pendant son premier mandat une relation plutôt contrariée avec l’armée. Son ancien chef d'état-major, le général Marc Milley, l’a qualifié d’"aspirant dictateur». Des articles de presse avaient également attribué à Donald Trump des propos méprisants pour des militaires américains morts au combat. Cette fois, le dirigeant républicain a remanié l'état-major américain pour s’entourer de hauts gradés choisis par ses soins, et a nommé en la personne de Pete Hegseth un ministre à la loyauté farouche. Le chef du Pentagone, adepte d’un discours viriliste et d’opérations de communication musculeuses, a dit vendredi que l’objectif de l’armée américaine était d’atteindre «une létalité maximale, pas une létalité tiède». Il a dit vouloir aller à l’encontre du «politiquement correct». Aurélia END © Agence France-Presse