Pourquoi il faut encore croire à l’alpha

Philippe Mudry
philippe mudry
 -  Pierre Chiquelin

L’alpha est-il condamné ? Pour qui considère le comportement des Bourses, il est permis de croire que cette notion, apanage de la gestion active (lire notre Dossier page 22) qui caractérise la surperformance par rapport à un indice de référence, appartiendra bientôt au passé. Cette conclusion s’applique bien s’agissant des marchés américains, où trois facteurs principaux se conjuguent pour la justifier : l’assouplissement quantitatif (QE) qui a permis aux banques centrales de piloter la hausse des marchés dans une mesure jamais vue par le passé ; les rachats d’actions, qui en découlent largement et ont atteint ces dernières années des proportions là encore sans rapport, même lointain, avec les volumes qui prévalaient autrefois ; enfin la montée corrélative de la gestion passive, qui résulte du souhait des investissements d’acheter une tendance, par le biais d’un indice, plutôt qu’une valeur en particulier.

Dans un contexte aussi révolutionnaire, qui tend à raréfier la proportion de titres activement gérables sur le marché, générer de l’alpha est-il encore possible ? Sans doute pour un nombre très réduit de fonds. Mais globalement, un coup d’œil à l’évolution de l’alpha pour l’ensemble des fonds actions USA par exemple (lire page 23) relève bien une série de performances négatives depuis 2013. Il est vrai que le paysage change peu à peu : le QE est en phase d’extinction aux Etats-Unis, promettant en principe une normalisation des taux d’intérêt et donc une moindre incitation à s’endetter pour racheter ses propres titres ; les effets de la réforme fiscale de Donald Trump finiront par s’estomper d’ici 18 mois, privant les rachats d’actions d’un autre moteur essentiel ; enfin la part de marché prise par la gestion passive, qui tend vers la moitié des fonds actions gérés aux Etats-Unis, est sans doute proche de sa limite. Dès lors que la détention d’un titre finit par ne plus dépendre que des indices auxquels il appartient et non de ses fondamentaux, la sous-performance et la désillusion des investisseurs ne sont pas loin. Plusieurs indices en ce sens ont pu être notés cette année qui laissent penser que cette méthode d’allocation forcée du capital pourrait bien devenir inefficiente, car incompatible avec la logique même du marché, faite d’arbitrages et de prises de risques.

Or il est une conséquence que ces trois phénomènes, même conjugués, ne sauraient assurer pour l’éternité : la hausse de Wall Street, qui dure depuis presque 10 ans ! En cas de retournement durable, quel sera le comportement des épargnants face à une gestion passive victime de la baisse des indices ? Dans ce cas, les meilleurs gérants actifs retrouveront leurs chances. La gestion passive aura sans doute encore de beaux jours devant elle en Europe et en Asie où ses parts de marché sont bien moindres. Mais à mesure que les facteurs exceptionnels de surliquidité s’atténueront, les meilleurs gérants actifs retrouveront leur utilité et la confiance de leurs clients prêts à leur payer au bon prix un service de qualité dont l’alpha sera le principal critère.

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