
Sans angélisme ni catastrophisme : penser l’IA générative dans le secteur de la veille

C’est suffisamment rare pour être signalé : la profession de veilleur s’est récemment retrouvée sous les feux de l’actualité. Une entreprise spécialisée dans la veille, l’analyse média et les relations presse a annoncé mi-septembre le licenciement de plus de 200 personnes, soit 50%
de ses collaborateurs. La nouvelle a, à juste titre, provoqué une vive émotion. Elle a aussi attiré l’attention de l’opinion publique au sujet des effets néfastes de l’Intelligence Artificielle générative sur l’emploi. Plusieurs jours après, il convient peut-être de revenir sur cette séquence afin de poser un regard analytique distancié sur les évolutions qui touchent actuellement la profession de veilleur.
L’IA générative : une création de valeur
Posons tout d’abord ceci : depuis de nombreuses années, l’Intelligence Artificielle est intégrée aux outils de veille disponibles sur le marché. L’IA est ainsi mobilisée dans la collecte des informations grâce notamment au Smart Crawling, une exploration pertinente des sources d’information. Elle permet également de vérifier l’information et sa qualité, en filtrant la pertinence des (très nombreuses) informations auxquelles sont désormais soumises les organisations publiques et privées.
L’IA permet par ailleurs d’affiner le traitement de l’information, via le Speech-to-Text (analyse automatique de formats audio ou vidéo en format texte) ou la reconnaissance visuelle. Cette technologie aide encore les veilleurs à repérer les signaux faibles et à effectuer des synthèses ou des résumés.
C’est sur ce dernier point que l’IA a récemment défrayé la chronique. Avec une Intelligence Artificielle de plus en plus générative, l’outil franchit une étape nouvelle de son déploiement : il crée désormais de la valeur ajoutée. La plupart des IA génératives sont en capacité de synthétiser plusieurs dizaines de documents en quelques instants – alors que cette action est réalisée en plusieurs heures par un veilleur. L’IA peut par ailleurs produire du texte, résumer et développer des idées.
Là encore, le gain de temps est substantiel. Force est également de constater que ces contenus créés n’existaient pas au préalable. Il en va d’ailleurs de même des images, que les IA génératives sont également en capacité de faire naître.
Une veille de plus en plus stratégique
De quelle manière les organisations réagissent-elles à ce mouvement de fond ? L’expérience que nous en avons tend à prouver qu’elles sont actuellement en train de se réorganiser en prenant acte de ces possibilités nouvelles. Certaines réponses peuvent être radicales et s’inscrire dans une philosophie de type Cost Killing. C’est ce que semble avoir démontré l’actualité récente et le recours au licenciement massif. L’avenir nous dira si une telle réponse se révèle profitable dans le secteur de la veille, car nous savons désormais qu’une stratégie de Cost Killing peut parfois s’exercer au détriment de la croissance d’une entreprise.
D’autres stratégies tablent sur une articulation fine entre l’action du veilleur et les outils dont il dispose pour l’aider dans son travail. Mettons ici de côté l’image selon laquelle nous serions en train de passer de la peinture au pistolet compresseur manié par l’homme au robot qui le
remplacerait : la réalité du terrain semble plus nuancée que cela. Dans plusieurs organisations, nous pouvons observer que les équipes de direction sont en train de faire évoluer l’exigence qu’elles ont vis-à-vis de leurs veilleurs. Puisque ces derniers se trouvent allégés des tâches de résumés et de synthèses de documents, il leur est demandé de réaliser une analyse stratégique de l’information, dans un contexte où l’infobésité nécessite une forte plus-value humaine. Ces entreprises, qu’elles soient privées ou publiques, attendent de leurs veilleurs un meilleur partage de l’information en interne, l’animation d’une communauté, c’est-à-dire le déploiement de l’intelligence collective au service de la stratégie d’entreprise. Il est clair ici que l’automatisation des tâches repositionne le veilleur au cœur de son organisation, loin – bien loin ! – de l’image du documentaliste à qui l’on demandait auparavant une simple veille éditoriale.
Confrontée à un changement technologique majeur, la profession des veilleurs est en proie à certaines inquiétudes, et on la comprend. La révolution industrielle avait profondément rebattu les cartes des cols bleus : la révolution numérique a un impact tout aussi important sur les cols blancs.
Désormais très concrète, cette nouvelle vient saisir les acteurs de la veille un peu par surprise, comme elle saisit d’autres professions – le monde de l’enseignement par exemple. Assez larges et charriant des thématiques multiples, les échanges qui se déploient ces temps-ci contribuent à faire évoluer notre approche. Ils aideront peut-être les professionnels que nous sommes à dépasser l’image d’un remplacement du veilleur par une IA surpuissante, mythe ancien qui se trouve ces temps-ci réactivé. Sans angélisme, mais aussi sans catastrophisme, nous devrions bientôt gagner en recul et mieux comprendre comment travailler grâce à l’IA, tout en préservant l’essence même de nos métiers.
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États-Unis : les démocrates publient une lettre attribuée à Trump pour l’anniversaire de Jeffrey Epstein
Washington - Une lettre attribuée à Donald Trump à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 a été rendue publique lundi par des parlementaires démocrates, alors que le président américain en avait démenti l’existence en juillet, en pleine polémique sur ses liens avec le délinquant sexuel. La lettre, obtenue par les membres démocrates d’une commission de la Chambre des représentants, montre une esquisse de buste féminin avec des citations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump, deux figures alors de la jet-set new-yorkaise, avec la signature du futur président américain au pied de la note. L’affaire Epstein, du nom du financier new-yorkais mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels, enflamme de nouveau les Etats-Unis depuis que le gouvernement de Donald Trump a annoncé début juillet n’avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires ou le lancement d’une nouvelle enquête dans ce dossier. La mort, par suicide selon les autorités, de Jeffrey Epstein a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Selon le Wall Street Journal, qui avait le premier révélé en juillet l’existence de la lettre, celle-ci a été envoyée par les légataires de Jeffrey Epstein à une commission du Congrès ayant exigé auprès d’eux d’obtenir de nombreux documents liés à l’affaire. «Merveilleux secret» Après les révélations du quotidien américain, Donald Trump avait nié être l’auteur de la lettre et avait attaqué le «WSJ» pour diffamation, ainsi que son patron Rupert Murdoch, leur réclamant au moins 10 milliards de dollars de dommages-intérêts. Le texte de la missive représente un échange imaginaire entre Donald Trump et Jeffrey Epstein, dans lequel le premier dit: «Nous avons certaines choses en commun Jeffrey». «Les énigmes ne vieillissent jamais, as-tu remarqué cela», dit-il également avant de conclure: «Joyeux anniversaire. Que chaque jour soit un autre merveilleux secret». Après avoir promis à ses partisans pendant sa campagne présidentielle des révélations fracassantes sur cette affaire, Donald Trump tente aujourd’hui d'éteindre la polémique, qu’il a de nouveau qualifiée récemment de «canular» monté par l’opposition. Les élus démocrates qui ont publié la lettre lundi ont exhorté le président républicain à faire la lumière sur l’affaire. «Trump parle de merveilleux secret que les deux partageaient. Qu’est-ce qu’il cache? Publiez les documents!», ont-ils écrit sur X avec une image de la lettre. Taylor Budowich, un conseiller de Donald Trump à la Maison Blanche, a réagi en affirmant que la signature en bas de page ne correspondait pas à celle du président. «DIFFAMATION!», a dénoncé sur X le responsable. Le très populaire podcasteur conservateur Charlie Kirk a également mis en doute la véracité de la lettre. «Est-ce que ça ressemble à la vraie signature du président. Je ne crois pas du tout», a-t-il lancé sur X, estimant que celle-ci avait été «falsifiée». Robin LEGRAND © Agence France-Presse -
Après la chute de Bayrou, des rassemblements improvisés dans plusieurs villes de France
Paris - Des manifestants fêtent lundi soir dans différents endroits de France la chute du gouvernement de François Bayrou devant des mairies, à l’appel du mouvement «Bloquons tout» le 10 septembre. A Nantes, quelque 300 personnes, selon la préfecture, se sont rassemblées en début de soirée, en musique et sous des pancartes marquées «Bye bye Bayrou» et «le 10/09 on bloque tout», quelques confettis survolant le regroupement. «On en profite pour échanger sur les différentes actions prévues le 10 septembre, les informations circulent», rapporte Inès Guaaybess, 30 ans, qui prévoit de se mobiliser mercredi. A Rennes, quelques centaines de personnes, pour beaucoup des étudiants, se sont réunis place de la mairie autour d’une table avec quelques bouteilles et du pain, sur fond de musique et de confettis. Les manifestants se sont ensuite rendus place Sainte-Anne au centre ville, haut lieu de la vie étudiante rennaise. «On est au bout du système» avec «une alternance droite gauche qui ne remet pas en cause le côté capitaliste libéral. Il va falloir bifurquer», assure Jérémie, ingénieur de 37 ans, venu en vélo avec son enfant. A Paris, des rassemblements étaient organisés devant plusieurs mairies d’arrondissement. Dans le 20e, au moins 200 personnes se sont réunies place Gambetta dans une ambiance bon enfant. «C’est une grande victoire ce soir! Le prochain gouvernement devrait penser aux pauvres et aux retraités. Tout est cher, tout augmente. Macron, je voudrais qu’il s’en aille, pourtant j’ai voté deux fois pour lui pour faire barrage» à l’extrême droite, explique Amina Elrhardour, 60 ans. Selon Marius, 25 ans, «il y a vraiment de la démocratie locale qui s’organise» en vue du 10 septembre, tandis que Xavier Keller, 25 ans lui aussi, dit que «le Nouveau Front populaire doit gouverner. On est capable de faire accepter un budget de gauche, je n’ai aucun doute là-dessus». A Bordeaux, plus d’une centaine de personnes, dont de très nombreux jeunes, ont applaudi et crié de joie à l’annonce de la chute du gouvernement Bayrou, au son d’une fanfare. «Il faut qu’on soit visible, on est nombreux à en avoir ras le bol et n’avoir plus confiance en Macron», lance Mathilde, trentenaire ceinturée d’une banane Confédération paysanne. Un rassemblement a également été organisé en fin d’après-midi à Pau, ville dont M. Bayrou est le maire. Le chef de l’Etat a dit vouloir nommer un nouveau Premier ministre «dans les tout prochains jours». © Agence France-Presse