
Vers un système de retraite universel adapté aux défis de la société

Face aux enjeux de société notamment le vieillissement démographique, la faible natalité et les mutations du travail, le Gouvernement planche sur une réforme des retraites. Le Groupe CNCEF et ses associations affiliées en proposent un décryptage.
Fondé sur le principe de la répartition, le régime des retraites en France résulte d’une construction qui a voulu, dès 1945, garantir aux salariés un droit après l’activité. Depuis lors, nous comptons 42 régimes différents, fonctionnant sur une logique de statuts professionnels. La multiplicité des règles, des exceptions, la complexité des calculs avec des carrières heurtées ou associées à un autre statut est devenu trop complexe. Ces limites ne sont pas récentes. Dès la fin des années 90, des difficultés sont apparues, liées aux transformations du marché du travail. Les réformes successives ont tenté de corriger les aspérités, sans pour autant parvenir à un consensus auprès de la population. Une école de pensée prône le maintien de la répartition. Une autre souhaite une réforme partielle. La dernière veut l’instauration d’un régime par points. La réforme de la retraite initiée par le Président de la République, confiée au haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, démontre dans ses travaux, la nécessité de dépasser les positionnements, au profit d’un système universel. Pourquoi ? Le départ des baby-boomers à la retraite, l’allongement de la durée de vie, le recul du taux de fécondité sont autant de facteurs démographiques qui réduisent inévitablement le nombre d’actifs pour financer les pensions des retraités. À terme, si aucun mécanisme n’intervient, les charges qui pèsent sur les actifs risqueraient de s’alourdir.
4 sources de financement
Dans notre pays, le nombre de retraités est en augmentation permanente. En 2017, ils étaient 16,2 millions, soit 25% de la population. Même s’il demeure des disparités, leur niveau de vie est favorable, avec une pension nette moyenne mensuelle de 1 547€, soit 21 930 € annuels, contre 20 520 € pour le reste de la population.
Quatre types de ressources financent actuellement le système de retraites en France :
• La contribution des entreprises, compensant l’écart entre le salaire et la pension retraite perçue du régime public. L’entreprise doit mobiliser une part importante de ses ressources pour provisionner les pensions de ses collaborateurs.
, • La logique assurantielle obligatoire, par la redistribution des cotisations prélevées sur les salaires des actifs sous forme de pensions pour les retraités. Elle permet le partage des revenus entre actifs et retraités.
, • Le système public de solidarité, garantissant un minimum vital aux retraités, financé par l’impôt. Particulièrement pour ceux qui n’auraient aucune pension ou dont le montant serait insuffisant pour satisfaire aux besoins élémentaires.
, • La capitalisation, corrélative aux montants versés par l’actif et des revenus dont il dispose. Elle génère des économies d’échelles et mutualiste le risque. Les fonds de pension constituent aujourd’hui la forme la plus courante. Ils peuvent aussi être individuels, par la souscription d’une assurance-vie par exemple.
Répartir ou capitaliser ?
En plus de la complexité du financement des retraites, s’est ajoutée en France, une opposition entretenue entre la répartition et la capitalisation. La première interroge sur la prise en charge des personnes qui n’ont pas cotisé ou trop faiblement. Elle protège de manière moins optimale, les salariés qui ont un faible niveau d’activité. Elle fait peser sur les actifs une part importante de la solidarité et une pression fiscale pour l’ensemble des Français. Sauf à voir augmenter le montant des cotisations pour satisfaire les droits à pensions, eux même constitués par les salariés à la retraite. Le système par capitalisation, en grande partie proposé par les établissements financiers et les compagnies d’assurance, est détenu par plus 15 millions de retraités de droit direct. Pesant 254 milliards d’euros, soit plus de 13% du Produit Intérieur Brut de la France, il a révélé des fragilités durant la crise financière de 2009 mais s’avère un flux nécessaire aux marchés financiers.
Vers un système universel à points
Forts de cette analyse, nous voyons bien en tant qu’experts financiers, conseillant aussi bien les particuliers et les professionnels chefs d’entreprises, que notre système de retraite est confronté à de nouvelles obligations. Plus précisément, qu’il doit s’adapter aux nouveaux enjeux de notre société. Le COR, dans son dernier rapport a pointé que le nombre de retraités pour 100 actifs allait passer de 52 en 1997 à 84 en 2040.
Par ailleurs, le déficit de la branche retraite du régime général s’élève à 1,7 milliard d’euros. S’il s’est résorbé, il est loin des prévisions excédentaires prévues par les pouvoirs publics. Jusqu’ici, les Gouvernements successifs ont activé trois variables pour assurer une retraite pour tous : la durée de cotisation, le taux de cotisation et le montant des pensions versées. Le rapport Delevoye préconise désormais un système plus universel. Il ferait disparaître les 42 régimes (y compris les régimes spéciaux) au profit d’un seul, avec des règles communes à tous : salariés du privé et du public, fonctionnaires, indépendants, professions libérales, agriculteurs, etc.
Ce nouveau modèle financé par répartition permettra l’attribution de points acquis par jour travaillé (1 point est égale à 10 euros cotisés). Un euro cotisé permettra d’acquérir le même nombre de points, quel que soit le statut professionnel et le moment où il a été cotisé. Ils s’accumuleront tout au long de la carrière sur un compte unique et, le moment venu, seront transformés en retraite. Il permettra à chaque Français de connaître le nombre de points dont il dispose, pour pouvoir choisir le moment de son départ et d’augmenter si nécessaire son niveau de retraite. En ce qui concerne l’âge légal de départ à la retraite, les assurés conserveront la liberté de partir à 62 ans. Mais il sera fixé à 64 ans d’ici 2024, assorti d’une décote ou d’une surcote d’environ 5% par an pour chaque année travaillée en moins ou en plus, de manière à tenir compte des contraintes financières du régime qui sera géré selon la “règle d’or”, pour garantir son équilibre.
Les périodes de chômage indemnisé, maternité, invalidité et maladie donneront droit à des points de solidarité qui auront la même valeur que les points attribués au titre de l’activité. Par ailleurs, un système universel garantira un minimum de retraite pour tous ceux qui ont eu des carrières à revenus modestes (exploitants agricoles, artisans, commerçants, personnes qui ont travaillé à temps partiel). Enfin, s’agissant de la prise en compte des enfants tout comme de la réversion, il sera proposé dans le premier cas, une majoration des points de 5% par enfant dès le premier, partageable entre parents, attribués par défaut à la mère. Pour le second cas, la réversion s’appliquera aux conjoints mariés dont le survivant se verra garantir un niveau de vie à hauteur de 70% du total des retraites perçues par le couple. Les règles actuellement en vigueur ne sont pas modifiées.
Telles sont donc les pistes de ce nouveau système universel qui pourrait s’appliquer notamment pour les actifs nés à partir de 1963 et qui garantira 100 % des droits acquis, en comptabilisant les règles des anciens régimes et transformés en points. Une transition qui va nécessiter d’adapter les nouvelles dispositions aux antérieures. Opération qui devrait prendre une quinzaine d’année après l’entrée en vigueur de la retraite par points. Désormais, un projet de loi est attendu en Conseil des ministres à l’automne, avant un examen au Parlement durant le premier semestre 2020. L’entrée en vigueur est prévue pour 2025. Nous l’aurons l’occasion de suivre cette réforme et d’y revenir.
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Meurtre de Charlie Kirk aux Etats-Unis: l'étonnant parcours de Tyler Robinson, de lycéen modèle à tueur présumé
Washington - Comment Tyler Robinson, un élève brillant au lycée, élevé dans la foi mormone par des parents républicains, a-t-il pu dériver au point de tuer l’influenceur Charlie Kirk, idole de la jeunesse pro-Trump ? La question agite Washington, petite ville de l’Utah. Le suspect de 22 ans, arrêté jeudi soir après 33 heures de traque, a grandi dans cette bourgade de l’Ouest américain bordée de canyons rougeoyants et de montagnes. La maison de ses parents est un pavillon typique de la classe moyenne américaine, logé dans une rue sinueuse aux pelouses proprettes. Dans ce quartier adossé à l'église du coin, Kris Schwiermann est sous le choc. Tyler était l’aîné de trois garçons, un enfant «calme, respectueux, plutôt réservé, mais vraiment très intelligent», raconte à l’AFP l’ex-gardienne de son école primaire, aujourd’hui à la retraite. «C'était l'élève idéal, le genre de personne que l’on aimerait avoir dans sa classe», confirme Jaida Funk, qui l’a côtoyé de la primaire au lycée, entre ses 5 et 16 ans. «J’ai toujours pensé qu’il deviendrait un jour homme d’affaires ou PDG, plutôt que ce que j’apprends à son sujet aujourd’hui», poursuit la jeune femme de 22 ans. «C’est vraiment inattendu.» A l'école, «il était réservé, mais pas bizarre, il avait des amis et parlait à différents groupes», se souvient-elle. Sorti brillamment du lycée en 2021, Tyler a brièvement étudié à l’université, avant de bifurquer vers un programme d’apprentissage en électricité dans un établissement technique près de chez lui. Parents chasseurs Ses parents, un vendeur de comptoirs de cuisine en granit et une professionnelle de santé travaillant avec des handicapés, sont Mormons comme de nombreux habitants en Utah, selon Mme Schwiermann. Mais ils ne pratiquent plus. «Cela fait huit ans que je ne les ai pas vus à l'église», reprend la retraitée de 66 ans. Épluchées par les médias américains, les photos laissées par les Robinson sur les réseaux sociaux racontent l’histoire d’une famille qui aimait voyager, camper et chassait avec ses enfants. Un apprentissage banal des armes à feu, que Tyler a apparemment recyclé de manière glaçante, en tuant Charlie Kirk d’une balle dans le cou grâce à un fusil à lunette, lors d’un rassemblement sur le campus de l’université Utah Valley, à quatre heures de route de Washington. Si ses parents sont inscrits sur les listes électorales comme républicains, le jeune homme n’a lui indiqué aucune affiliation politique. D’après les registres de l’Etat, il n’a pas voté en 2024. Mais selon le gouverneur de l’Utah, Spencer Cox, qui a divulgué certains éléments d’enquête vendredi, le jeune homme s'était «plus politisé ces dernières années». Il aurait partagé son hostilité envers Charlie Kirk, proche allié du président Donald Trump, avec un membre de sa famille, selon les autorités. Son père l’aurait convaincu de se rendre à la police. Les enquêteurs ont également retrouvé des messages à tonalité antifasciste - «Eh fasciste! Attrape ça!» et une référence au chant antifasciste italien «Bella Ciao» - sur des douilles retrouvées près de la scène de crime. De quoi l'étiqueter comme un tueur «d’extrême gauche» pour une grande partie de la droite américaine. «Passionné de bagnoles» Plutôt qu’un fervent militant, ses ex-camarades de lycée l’ont dépeint au New York Times en fan de jeux vidéos de tirs, comme «Halo» ou «Call of Duty». Tyler ne parlait pas non plus politique avec Jay, qui le fréquentait depuis janvier après avoir rejoint un groupe d’amateurs de grosses voitures. «Il était plutôt timide, c'était juste un passionné de bagnoles», souffle ce quadragénaire perplexe, refusant de donner son patronyme. «On parlait juste de notre amour pour les muscle cars , du bruit qu’elles font et de la façon dont elles roulent.» Son Dodge Challenger gris et rutilant était d’ailleurs la seule chose que les voisins de Tyler Robinson connaissaient de lui, dans le lotissement où il habitait à Saint George, à dix minutes de chez ses parents. Dans ce complexe impersonnel, les habitants rencontrés par l’AFP ne l’ont même pas reconnu lorsque le FBI a diffusé sa photo pendant la traque. Heather McKnight, sa voisine pendant plus d’un an, évoque un inconnu solitaire, à l’air renfrogné, qui conduisait trop vite à son goût. «Il était toujours distant, il ne disait jamais bonjour. (...) Il était juste bizarre», raconte l’infirmière de 50 ans. «Qui aurait pu imaginer que ce petit homme maigre qui montait et descendait de sa voiture serait capable de commettre un acte aussi odieux ?» Romain FONSEGRIVES © Agence France-Presse -
Népal: Sushila Karki, la nouvelle Première ministre, s'affiche au chevet des victimes des émeutes
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Népal: la Génération Z en révolte après la mort de Santosh Bishwakarma
Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse