
Les portefeuilles types - Groupama AM, juillet 2023
L’impact de la réouverture des secteurs des services, après le choc des confinements répétés, continue de diffuser ses effets sur les marchés du travail en Europe comme aux Etats-Unis, et plus largement sur leurs économies. En ce sens, le profil de récession est bien différent de celui que le marché escomptait, et auquel les crises ou les récessions passées l’avaient accoutumé. La force des plans d’investissement publics, pour faire face aux défis des transitions démographique, numérique et environnementale, se heurte à la détermination continue des autorités monétaires à endiguer une inflation jugée trop persistante. Si l’ampleur des resserrements passés conduit progressivement au ralentissement de l’industrie mondiale, cette contraction de l’activité en volume est plus que compensée par l’effet de la hausse des prix, qui maintient la croissance en territoire positif. Cette plus grande visibilité de l’environnement macroéconomique a été saluée par les performances certes hétérogènes mais remarquables des marchés d’actions depuis le début de l’année.
Plus précisément, les valeurs technologiques américaines (+39 %), celles de croissance (+32 %), et dans une moindre mesure le segment de qualité (+20 %), ont bénéficié tout à la fois d’une forte appréciation de leurs multiples et de révisions bénéficiaires positives, loin devant les indices génériques (+15 %), les valeurs décotées (+12 %) et les petites et moyennes capitalisations (+8 %). Le timide ajustement observé depuis le début de l’année sur certaines composantes de l’inflation, la réduction du hiatus entre les marchés de taux et les autorités monétaires, de bonnes saisons de publications et la résolution passée des facteurs de tension, comme le plafond de la dette ou la crise des banques régionales américaines, ont graduellement favorisé le retour des investisseurs sur les actifs les plus risqués. En particulier, la dynamique des révisions bénéficiaires pour l’année 2023, après une courte phase de baisse, s’est stabilisée sur les niveaux (élevés) des bénéfices de l’année passée aux Etats-Unis, tandis qu’en Europe, le consensus s’attend désormais à une progression de +3 % à +6 % selon les indices.
Même si des phénomènes non linéaires, comme un ajustement plus brutal du marché du travail ou des tensions renouvelées sur les marchés obligataires, peuvent venir troubler ce tableau, cette nouvelle phase de transition sera marquée par le facteur « temps » : des autorités monétaires qui continuent d’évaluer les effets des resserrements passés, et des marchés du travail qui se détendent progressivement. En ce sens, la forte baisse des régimes de volatilités observée sur l’ensemble des classes d’actifs, d’une part, et la baisse des corrélations entre actions et obligations souveraines, d’autre part, militent à la fois pour une hausse de l’exposition aux actifs risqués et pour une légère resensibilisation des portefeuilles.
Aussi, compte tenu de la performance récente du dollar, le positionnement long sur la devise comme actif décorrélant est remplacé par un surcroît de sensibilité obligataire. Le fort rallye de ce premier semestre sur les actions et le récent rattrapage des actions américaines nous invitent à nous repositionner à la marge sur les européennes, en privilégiant les décotées, ainsi que les petites et moyennes valeurs qui retrouvent des niveaux de valorisation attractifs et dont certains segments tireront parti des plans d’investissement, notamment sur les infrastructures. En effet, malgré notre vision plus constructive, le phénomène de dislocation observé sur les marchés d’actions et suscité par l’engouement autour de l’intelligence artificielle a entraîné une concentration sans précédent de la hausse, ainsi que des écarts de valorisation extrêmes entre certains pans de la cote américaine et ceux du reste du monde. Ces dislocations ont été par le passé la source d’une volatilité accrue sur les marchés. C’est le point clé que nous surveillons et qui nous incite à conserver ce biais prudent sur le court terme. Sur un horizon plus long, le scénario actuel d’une inflation un peu supérieure aux attentes renforce nos convictions passées au sein des poches investies en actions, malgré leurs performances jusqu’ici décevantes. On peut citer le secteur de l’énergie qui reste clé avec une offre de plus en plus rare et cartellisée, ou encore celui de la santé à très fort pricing power qui bénéficie d’une forte visibilité, du moteur de l’innovation, synonyme de beaux parcours boursiers, et de valorisations désormais attractives.
Au sein des portefeuilles obligataires, la resensibilisation s’accompagne d’une hausse de l’exposition aux obligations de crédit de qualité. En effet, compte tenu de cette nouvelle phase d’accalmie, une diversification des couvertures sur les produits de rendement paraît judicieuse, eu égard à la performance réalisée des marchés d’actions. Au global, nous conservons une construction de portefeuille privilégiant la diversification et la sélection de titres, compte tenu du caractère atypique et sans précédent de cette récession annoncée. Les valeurs privilégiées, quelle que soit la nature du véhicule, doivent être davantage résilientes à l’inflation tout en étant exposées aux thématiques de croissance de long terme chères à Groupama Asset Management, comme le financement des infrastructures nécessaires à la gestion des transitions, en particulier les infrastructures vertes, ou encore l’autonomie stratégique.


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