UBS reste ancré en France malgré ses déboires

Un ancien dirigeant de la filiale française du banquier privé suisse vient d’être mis en examen pour démarchage illicite - Conscients des difficultés, les dirigeants entendent dans l’immédiat redevenir profitables en adaptant l’offre du groupe.

Soulignées dans un ouvrage publié en début d’année (L’Agefi Actifs n°537, p. 15), les accusations présumées de fraude fiscale sont aujourd’hui à l’origine d’une véritable affaire UBS France, qui connaît un nouveau rebondissement avec la récente mise en examen, à laquelle la banque privée n’est pas partie, de l’ancien directeur général d’UBS Wealth Management France pour «complicité de démarchage illicite», blanchiment et recel.

Des procédures au pénal et aux prud’hommes.

Le groupe souhaite manifestement redorer son blason. Jean-Frédéric de Leusse a été nommé à la présidence du directoire d’UBS France en mars 2012 et est en charge des activités de la banque d’investissement et de la banque privée, à l’exception de CCR, la filiale dédiée aux activités de gestion. Selon le dirigeant, «cette affaire trouve en partie son origine dans la mise en place d’un plan social en 2008-2009. Plusieurs anciens salariés ont eu des revendications financières démesurées, pour prix de leur prétendu silence. Nous avons naturellement refusé. Le sujet est aujourd’hui devant le Conseil des prud’hommes».

La procédure pénale, quant à elle, suit son cours, Jean-Frédéric de Leusse assurant que, «depuis, la maison a été auditée en interne et en externe». Ainsi l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) a procédé, avec l’appui de cinq contrôleurs, à un audit en mai 2011 pendant cinq mois. Un contrôle du régulateur qui s’inscrivait dans le cadre de son plan d’action à l’égard de l’activité de gestion de fortune des banques. L’ACP et UBS en seraient désormais à la phase du contradictoire.

Il n’est pas question pour autant de nier les difficultés actuelles, les perquisitions en témoignent. «Notre objectif est de sortir le plus rapidement possible de cette situation, explique le dirigeant. Le juge doit disposer de toutes les informations qu’il souhaite et nous nous sommes engagés à les lui transmettre de manière exhaustive en toute transparence.»Il n’en reste pas moins que l’image et la réputation du groupe sont affaiblies par les procédures qui s’accumulent. En Allemagne, le banquier serait ainsi soupçonné de fraude fiscale et en Grande-Bretagne, il doit faire face à la condamnation de l’un de ses traders.

A l'équilibre d’ici à un an.

La structure française de la banque a été créée à Paris à la fin de l’année 1999 «avec la volonté d’en faire une banque française. Il était alors question de prendre le relais de l’activité du groupe en développant une activité domestique, notamment en France. Il va de soi qu’il n’était évidemment pas question de transférer des fonds de clients français en Suisse! Aujourd’hui, nous le voyons chaque jour dans la presse, le secret bancaire est en train d’évoluer», assure Jean-Frédéric de Leusse.

Mais au dire des dirigeants, les affaires auraient eu une incidence mineure sur l’activité, «un seul client sur 12.000 a quitté UBS France sur ce fondement. Il est vrai, en revanche, que cela a été plus compliqué concernant les prospects». Depuis 2010, les actifs sous gestion d’UBS France sont passés de 10 à 8,2 milliards d’euros. Le président du directoire remet en cause l’argument -défendu par l’auteur du livre à charge- selon lequel UBS France aurait organisé, depuis sa création, un déficit comptable apparent. Il avance ainsi que «la filiale française a été construite ex nihilo. C’est un choix qui a été pris par le groupe de ne pas gagner d’argent à court terme, mais d’investir, pendant pratiquement dix ans. Alors que sa profitabilité était en train de s’établir, UBS France a dû essuyer le choc de 2009 consécutif au plan social avec le départ d’un banquier sur quatre, puis, alors qu’elle redevenait bénéficiaire, la crise de la fin 2011 est survenue. Nous considérons que la banque reviendra à l’équilibre d’ici à un an».

Une collecte positive.

La banque d’affaires et la banque d’investissement sont de bons pourvoyeurs d’activité, la première représentant 20% du chiffre d’affaires de la banque privée. «L’activité de cession d’entreprise et de conseil s’était logiquement ralentie pendant la discussion sur la réforme des plus-values de cession d’entreprise. Depuis, l’équipe dédiée aux fusions/acquisitions mid-caps a repris beaucoup de dynamisme et est l’un des principaux moteurs de l’activité commerciale sur la collecte.»Le segment des CGP serait en croissance avec, à l’heure actuelle, un encours de 1,2 milliard d’euros, selon Emmanuel d’Orsay, responsable de la banque privée en France depuis juillet dernier.

Ce dernier indique que la banque a stabilisé sa collecte nette à hauteur de 180 millions d’euros à fin octobre et qu’elle vise 300 millions d’euros en fin d’année, «alors que nous en étions encore à -400 millions d’euros au mois de mars», fait-il valoir. Pour les dirigeants, ces mauvais résultats du début d’année s’expliquent par le choix des épargnants de répartir leurs actifs essentiellement investis sur des supports en euros entre différentes banques, au profit notamment de comptes à terme boostés qui manquent au portefeuille de produits du banquier suisse.

Profiter d’une dimension mondiale.

Dorénavant, la stratégie suivie par les dirigeants est claire: ils exercent un métier, la gestion de fortune, dans lequel UBS France préserve une certaine image. Le groupe bancaire UBS a une dimension mondiale, ce qui en aurait fait un argument, selon ces mêmes dirigeants, au moment de la crise. «La force d’UBS aujourd’hui, c’est d’être une banque de l’après-crise, hyper capitalisée, mondialisée et moins dépendante que d’autres de la zone euro.»

Les standards en matière de contrôle des risques et de conformité à la loi auraient été revus à la hausse, les responsables étant conscients de ne plus pouvoir assumer un scandale. Il n’en demeure pas moins qu’ils souhaitent que la part des choses soit faite: «En droit, une banque n’a pas vocation à contrôler si ses clients paient leurs impôts. En revanche, elle doit transmettre systématiquement l’information fiscale aux administrations, et nous le faisons, comme toute autre banque, indiquent-ils. Les clients ont la liberté d’ouvrir des comptes où ils le souhaitent. Par définition, nous ne pouvons pas avoir connaissance des clients qui possèdent des comptes à l’étranger et a fortiori, nous ne pouvons pas savoir si ces clients respectent leurs obligations fiscales.»

Adapter l’offre aux spécificités fiscales françaises.

Emmanuel d’Orsay entend bien tirer profit de l’offre internationale du groupe en l’adaptant aux spécificités fiscales françaises au profit de la plate-forme UBS. La banque privée entend ainsi s’appuyer sur le savoir-faire de ses équipes qui ont été réduites de 30% environ après le plan social. Depuis, les effectifs seraient demeurés stables, la société employant au global 420 salariés, répartis pour moitié entre la banque d’investissement, CCR et la banque privée -qui s’appuie sur 70 banquiers. Est également mise à profit l’expérience de ses quatre ingénieurs patrimoniaux qui sont appelés à participer aux premiers rendez-vous clientèle de chaque banquier privé et trois nouveaux experts devraient être recrutés.

L’offre commerciale repose essentiellement sur trois partenariats en assurance vie au Luxembourg et sur cinq en France. Les fonds structurés de CCR sont également mis à disposition dans le cadre de ces contrats d’assurance vie. Le crédit immobilier est envisagé sous l’angle du crédit Lombard. Dans ce domaine, une réflexion serait en cours afin de pouvoir accéder au bilan de la banque.

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