
Les banques à l’épreuve de la mutation culturelle

Par Gaelle Laboureur, executive director chez Capco Paris
Comme de nombreux secteurs d’activité, le secteur bancaire fait face à un environnement en constante mutation : évolution des attentes clients, disruptions technologiques, guerre des talents, perte d’attractivité. Le rythme des changements s’accélère et les banques doivent constamment s’ajuster et faire évoluer leur modèle opérationnel sur des cycles de plus en plus courts. Toutefois, cette évolution ne peut s’engager sans une transformation culturelle en profondeur afin d’aiderles collaborateurs à développer leur capacité à s’adapter en continu.
Depuis quelques années, on observe une vague d’innovations technologiques sans précédent. Nous estimons aujourd’hui que 50 % des métiers de la banque qui seront exercés en 2050 n’existent pas encore. La crise sanitaire, avec la généralisation du télétravail, a joué un rôle de catalyseur dans l’accélération de cette transformation technologique et force les organisations à repenser ses modes de travail et de management. A cela s’ajoutent des attentes fortes en matière de qualité de vie au travail et de concrétisation des engagements RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Cette tendance est encore plus marquée chez les « millennials » qui préfèrent la flexibilité aux perspectives d’évolution de carrière. Les salaires attractifs de la banque font de moins en moins rêver les nouvelles générations qui recherchent en priorité un environnement de travail favorable, une dimension entrepreneuriale et des valeurs en cohérence avec les leurs.
Agilité, innovation et réussite à long terme
Si une culture d’entreprise est immédiatement perceptible lorsque l’on intègre une entreprise, elle reste toutefois difficilement définissable. On l’illustre souvent en utilisant la métaphore d’un iceberg. En surface, on retrouve les éléments observables : la structure, les processus, les comportements. Sous la surface de l’eau, demeure ce qui est invisible ou inconscient : les valeurs, les croyances, les symboles et les perceptions. Ces derniers éléments forment la matière brute d’une culture organisationnelle qui relie les collaborateurs et se manifeste dans les comportements des individus, leurs modes d’interaction et leurs prises de décision.
Dans le secteur bancaire, les résultats des diagnostics culturels menés au sein des établissements financiers convergent majoritairement sur l’état de la culture actuelle comme celui de la culture désirée.
Ainsi, les marqueurs culturels les plus observés dans la culture actuelle sont l’orientation vers les résultats financiers, la gestion des risques, la hiérarchie et la bureaucratie. En cible, les marqueurs culturels principaux qui émergent des collaborateurs sont l’innovation et l’agilité, la satisfaction client et la symétrie des attentions (qualité de vie au travail, équilibre vie privée / vie professionnelle).
Mesurer la culture Avant d’engager une transformation culturelle, il est primordial de comprendre le point de départ et d’identifier les marqueurs culturels actuels qui sont propres à l’organisation en question. Cette prise de température permet de factualiser les discussions et aide à créer le « case for change » au démarrage d’une transformation culturelle.
La mesure de la culture peut être réalisée à travers un questionnaire simple et rapide envoyé à l’ensemble des collaborateurs de la banque. L’objectif est de faire émerger les valeurs personnelles des individus qui composent l’organisation et surtout de mesurer l’écart entre leur perception de la culture actuelle et celle vers laquelle ils aimeraient tendre. En complément, des ateliers sont menés avec un panel représentatif de collaborateurs. Ces derniers permettent d’analyser les valeurs et comportements clés et d’évaluer la capacité de l’organisation à engager sa transformation culturelle en identifiant les principaux freins et leviers.
L’étape suivante consiste à restituer ces résultats avec les décisionnaires clés de l’entreprise et construire un plan de transformation culturelle sur mesure et par population. Parmi les actions, on retrouve souvent la redéfinition des valeurs des banques, des actions de communication, de formation et la conduite d’ateliers thématiques. Les valeurs désirées (centricité client, agilité) sont réexplicitées et mises en perspective dans le contexte de l’organisation. La « change story », qui vise à communiquer et à partager la vision et les objectifs long terme, capitalise sur ces valeurs pour engager les collaborateurs dans la transformation. Le déploiement de formations facilite le développement des compétences et l’ancrage des nouveaux comportements dans le temps. Enfin, la conduite d’ateliers thématiques permet de répondre efficacement aux principaux points de douleurs et freins au changement identifiés via le questionnaire et les ateliers.
Une mesure régulière de la culture de l’organisation permet de constater l’évolution de la culture actuelle vers la culture désirée et d’ajuster si nécessaire le plan d’action.
Les facteurs clés de succès
Il convient de sortir cette question du bureau des ressources humaines pour la porter à celui du top management. En effet, les dirigeants doivent incarner les valeurs et les comportements souhaités et agir en tant que catalyseurs du changement.
Donner du sens pour mettre en cohérence la culture interne avec la stratégie et les objectifs de l’entreprise est indispensable. Une vision claire et convaincante de la culture souhaitée doit être définie et communiquée à tous les niveaux de l’organisation pour aligner les efforts. Si ce n’est pas le cas, le désengagement des collaborateurs peut rendre la transformation difficile, voire impossible.
Bien entendu, l’incarnation est primordiale pour transformer la manière dont les collaborateurs pensent mais aussi la façon dont ils agissent. Une transformation culturelle doit être soutenue par d’autres évolutions, comme une nouvelle structure organisationnelle, nécessaires à l’ancrage des nouveaux comportements dans le temps.
Il est également essentiel d’impliquer activement les collaborateurs dans le processus de transformation culturelle. Ce sont eux qui composent l’organisation et incarnent sa culture. Leur contribution et leur sentiment d’appartenance seront des facteurs déterminants pour créer une culture durable et positive.
Enfin, puisqu’elle demande de travailler en grande partie sur de l’intangible, une transformation profonde de l’ADN d’une organisation demande du temps, donc de la patience, dans un monde où tout est attendu pour hier. Il ne s’agit pas d’un changement instantané, mais d’un processus continu qui peut prendre des années pour se concrétiser pleinement même si l’on obtient des résultats rapides et concrets dès les premiers mois.
La culture représente un réel avantage concurrentiel pour une organisation. Les banques qui réussissent à entreprendre une transformation culturelle efficace seront mieux positionnées pour répondre aux défis du secteur, tirer parti des opportunités offertes par la vague d’innovations technologiques, ainsi qu’attirer et retenir les meilleurs talents.
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