
« Il faut mobiliser les actifs non liquéfiés des seniors »

Créé en 2013 en même temps que la filière Silver Economie, le réseau d’entreprises Silver Valley rassemble des start-up, TPE, PME et institutions autour de l’économie globale du vieillissement. Le réseau organisait le 22 octobre dernier une réunion en présence de seniors sur le financement de la retraite et de la dépendance. Nicolas Menet, directeur général de Silver Valley, revient sur les principaux enjeux de ces sujets.
L’Agefi Actifs. - En quoi ce sujet revêt une importance particulière pour les acteurs de votre filière ?
Nicolas Menet. – Les contours des futures lois Retraite et Grand Age Autonomie posent une question majeure : comment l’Etat va-t-il financer la retraite et la dépendance? Mais cette interrogation laisse de côté un sujet : des milliards d’euros détenus par des seniors sont non liquéfiés. Si on trouvait un moyen de les mobiliser au bon moment, cela pourrait être bénéfique pour les seniors et leur descendance. 58 % du patrimoine français appartient aux plus de 60 ans, alors qu’ils ne représentent qu’un tiers de la population.
Quelles sont les principales attentes des seniors en matière de gestion de patrimoine ?
Nous constatons que la plupart des 9.000 seniors qui participent activement à nos travaux, même ceux qui ont travaillé dans la banque ou la finance, ne savent pas comment gérer leur patrimoine. Ils sont obsédés par leurs dépendances potentielles et ont une réelle peur des Ehpad qui pourtant se réinventent actuellement. Les seniors d’aujourd’hui sont la première génération à avoir vu vieillir leurs propres parents. Ils en connaissent le coût et l’implication émotionnelle. Ils ne veulent pas l’infliger à leurs enfants, alors même que ceux-ci sont confrontés à une précarité sociale. Dans ce contexte, on peut se questionner sur les pratiques de certains banquiers ou conseillers en gestion de patrimoine qui ne vendent que des produits financiers et non des conseils. Les notaires représentent également souvent, seulement, un bureau d’enregistrement. Ces professions doivent avoir une parole plus forte pour expliquer que l’on peut liquéfier ce patrimoine.
Quelles solutions envisager ?
Deux solutions existantes me paraissent particulièrement importantes à mettre en avant. En premier lieu, l’anticipation des frais de succession doit se faire beaucoup plus en amont de la dépendance. Il est possible de réduire de 64 % les frais de succession par anticipation (1). Par ailleurs, le viager mutualisé présente de nombreux avantages. Il est moins morbide que le viager traditionnel puisque ce sont des institutions (mutuelles par exemple) et non des particuliers qui se portent acquéreurs. Pour ces institutionnels, cela leur apporte un parc immobilier à valoriser. De leur côté, les personnes âgées perçoivent immédiatement un capital pour préparer leur dépendance et leur transmission, et un droit d’usage à vie sur leur bien. Nous avons publié une note sur ces solutions qui sera remise à Dominique Libault, auteur d’un rapport sur le Grand âge et l’autonomie, et au ministère des Solidarités et de la Santé. Cependant, des sujets tels que l’argent, la maladie ou la mort, restent encore tabous dans les familles. Nous attendons donc avec impatience le rapport de la députée LREM Audrey Dufeu-Schubert, qui doit apporter des solutions pour changer notre regard sur ces questions. C’est la clé du problème pour débloquer cette masse financière privée, et alléger la dépense de l’Etat autour de la vieillesse et de la dépendance.
Combien de vos adhérents ont une spécialisation en gestion de patrimoine ?
Sur les 300 membres, cinq start-up sont spécialisées sur le financement du parcours de vie à la retraite : Finnense, Masuccession.fr, Virage Viager (Vitalimmo), Insurtech Capital (géré par Odysseus) et Monetivia. D’autres, comme Neoppy, proposent des diagnostics patrimoniaux en s’appuyant sur des services financiers existants. Parmi les grands groupes, AG2R La Mondiale s’est depuis longtemps positionné sur ce sujet en créant le site mesquestionspourdemain.fr par exemple. En revanche, les banques ne sont pas encore très actives.
(1) Etude réalisée par Masuccession.fr sur 70.000 personnes en 2018.
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