
Les promesses non tenues des résidences services

Alors qu’un nouveau quinquennat s’ouvre, l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) fourbit ses armes. Elle vient de synthétiser les plus de 500 remontées de ses adhérents après les avoir interrogés sur leur investissement en location meublée ou résidence services. Les résultats montrent des investisseurs souvent emballés par les promesses de l’investissement de départ mais désappointés à l’arrivée.
Conserver dans la durée
Plusieurs signes dans les chiffres de l’UNPI montrent des failles béantes dans l’information précontractuelle des investisseurs, à commencer par la durée de détention projetée (voir graphique 1). Pour les résidences de tourisme et de tourisme d’affaires, 25% à 30% des investisseurs anticipent de conserver leur bien moins de 15 ans. Or, pour bénéficier d’une exonération de TVA égale à 20% du prix total du logement, le propriétaire doit conserver son bien pendant 20 ans ou le revendre avec une continuité du bail commercial. La loi Novelli de 2009 est venue protéger un peu plus l’investisseur en montant la durée ferme du bail de trois à neuf ans. Une façon d’éviter les pratiques de chantage sur les loyers en échange du maintien dans les murs même si le particulier reste encore exposé. En cas de résiliation du bail à son initiative, il s’expose par ailleurs à payer une indemnité d’éviction au gestionnaire. La portion d’investisseurs interrogés par l’UNPI qui ne se projettent pas dans la durée s’exposent donc à une perte sèche de l’avantage fiscal et à devoir en plus indemniser le preneur.
Pourtant, et assez logiquement, la majorité des investisseurs en résidence gérée sont motivés par la rentabilité de leur placement (voir graphique 2). Mais là encore, la désillusion peut être grande quand les gestionnaires font miroiter une rentabilité qui ne sera plus élevée que les premières années en raison l’existence de fonds de concours. En pratique, le promoteur réserve une partie du prix de vente qu’il reverse au gestionnaire. Un moyen pour le gestionnaire de verser, jusqu’à leur épuisement, un loyer qui n’est pas cohérent avec la rentabilité réelle de la résidence. «La valeur du bien proposée à l’achat est par ailleurs plus élevée que ce que le propriétaire peut espérer revendre par la suite, ajoute Livia Broche, juriste en charge du pôle résidences services de l’UNPI. La rentabilité est également grevée par les gros travaux de rénovation et ceux concernant vétusté, à la charge du propriétaire. Celle-ci se déclare beaucoup plus rapidement que dans une location meublée traditionnelle car l’utilisation des lots est intensive.»
Une protection future ?
Certains particuliers, moins nombreux, cherchent dans leur investissement à se constituer un patrimoine plutôt que la rentabilité. Une exception notable concerne les résidences seniors non médicalisés, où c’est une source de motivation pour 80% d’entre eux. Pourtant, la propriété n’est pas pleine et entière : le gestionnaire possède la propriété commerciale, et donc, de l’usus (l’usage du bien). A ce titre, il a le droit au renouvellement du bail. Ce qui veut dire que même si le bail arrive à terme, le propriétaire sera toujours redevable de l’indemnité d’éviction s’il souhaite ne pas le reconduire. Pire, tant que l’indemnité d’éviction n’est pas payée, le locataire a le droit de se maintenir dans les lieux.
Pour ceux qui ne cherchent pas la pleine propriété de leur bien mais plutôt à préparer une retraite complémentaire - dans 60% à 90% des cas - le retour à la réalité peut être aussi difficile. «En cas d’impayé de loyer, pas de retraite complémentaire, tance Livia Broche. En outre, dans les maisons de retraite, il faut une autorisation pour exploiter les lits qui va de pair avec celle de construire. Quand le gestionnaire part de la résidence, il demande le transfert de gestion de l’autorisation de l’Ehpad. Il faut donc trouver un autre exploitant, mais le nouveau n’aura pas d’excédent d’autorisations dans la pratique.» Conséquence, les investisseurs ne peuvent plus mettre leur bien en location, conformément à la destination de l’immeuble prévue dans le règlement de copropriété. Pour en changer, il faut l’unanimité des voix des copropriétaires… dont celle du gérant qui, en principe, est propriétaire des Parties privatives à usage collectif (PPUC). «Le gestionnaire fait régulièrement blocage en forçant la signature de protocoles actant l’abandon de loyers, poursuit Livia Broche. La loi Alur prévoit que pour les résidences de tourisme construites après le 1er juillet 2014, les PPUC sont d’office la propriété du syndicat de copropriétaires. Mais le problème se pose toujours dans les autres résidences services.» Et ce, sans prendre en compte le coût pharaonique de la réhabilitation de l’immeuble lors du changement de destination. DomusVi est l’un de ces exemples qui raisonne douloureusement dans l’actualité : un Cash Investigation consacré aux Ehpad montrait certains établissements abandonnés aux profits de locaux flambants neufs, laissant les anciens investisseurs dans la panade.
Un investissement risqué
Dans ces conditions, difficile de voir dans les résidences gérées un placement sécurisé. Pourtant, plus de la moitié, voire les deux tiers des particuliers selon le type d’investissement (voir graphique 3), s’y raccrochent. Bruno Le Maire lui-même, dans un courrier du 7 avril 2021, avait reconnu qu’il s’agissait d’un investissement risqué. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une concertation entre les associations de bailleurs et de gestionnaires pour améliorer l’information des investisseurs a été annoncée en grandes pompes fin février. Elle ne s’est finalement jamais tenue.
Résultante : à la question «la promesse initiale a-t-elle été tenue», les réponses varient diamétralement selon le type d’investissement (voir graphique 4). Le taux de satisfaction est plutôt élevé en location meublée traditionnelle, pour les résidences services étudiants et les résidences seniors médicalisées. Il passe en-dessous de la barre des 50% en résidences seniors médicalisées et s’effondre en-dessous des 20% en résidences de tourisme, des 10% en résidences de tourisme d’affaires.
Toutes ces problématiques ne sont pas nouvelles. En 2017, la DGCCRF avait mené l’enquête et relevé des informations présentées de manière trompeuse, un défaut de transparence et des difficultés financières dans la gestion des résidences. Bien avant la crise sanitaire, les associations lui avaient fait remonter qu’un investisseur sur 10 ne percevait plus la totalité des loyers attendus pour rembourser les mensualités de son crédit. L’UNPI, déterminée à remettre le sujet sur la table, continue de son côté d’élaborer des propositions de réforme. Pour adresser au nouveau Président une lettre qu’il lira peut-être...
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