
La loi Pouvoir d’achat voit large

Il est difficile de synthétiser la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat tant l’arsenal de mesures proposées est vaste. Si le débat sur la revalorisation des retraites - 5,1% en cumulé pour 2022, soit légèrement en-dessous du niveau de l’inflation – a fait grand bruit, il est loin de résumer le texte. Sélection.
Déblocage anticipé de l’épargne salariale et facilitation des accords
Le texte ajoute une possibilité temporaire de déblocage de l’épargne salariale avant les cinq ans consacrés pour un montant maximum de 10.000 euros à la liste des exceptions habituelle. Elle vaut jusqu’au 31 décembre 2022 pour les sommes accumulées jusqu’au 1er janvier 2022.
«Il faut avoir un projet d’investissement dans des biens ou des services, mais il n’est possible de débloquer que les sommes affectées sur un PEE/PEI ou le compte courant de l’entreprise, précise Dorothée Traverse, associée chez Yards. C’est impossible pour les FCPE, Sicav ou les plans d’épargne salariale en vue de la retraite. Ainsi ne sont pas mis en péril les sommes versées pour la retraite ni les titres d’entreprises.»
Problème, là où la liste des cas de déblocage actuelle est précise (mariage, achat d’un bien immobilier…), cette nouvelle exception – «l’achat d’un bien ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services» - paraît pour le moins très englobante. D’autant plus que le salarié doit simplement tenir à disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives de l’achat. «L’esprit de la loi est de soutenir les ménages dans les besoins de la consommation courante, analyse Christine Hillig-Poudevigne, associée chez Yards. Il faut rester raisonnable dans ses achats, réserver ses vacances avec cette somme n’est pas forcément une bonne option. Les dépenses frivoles seront-elles exclues ? Il faut attendre la position de l’administration sur ce point.» En cas de requalification, les sommes seront considérées comme du salaire et ne bénéficieront plus des exonérations sociales et fiscales afférentes. Des précisions devraient être apportées par l’exécutif courant septembre, selon Le Monde.
Au-delà du déblocage anticipé, la loi veut également faciliter la conclusion d’accords. Dans les entreprises de moins de 50 salariés (contre 11 auparavant) non couvertes par des accords de branche agréé et dépourvues de délégué syndical ou de CSE ou après échec des négociations, l’employeur pourra mettre en place un accord d’intéressement de façon unilatéral. Il pourra être renouvelé de la même façon et durer cinq ans contre trois actuellement.
«Un contrôle lors de la mise en place des dispositifs d’épargne salariale assuré par l’administration du travail (DDETS) et l’Urssaf avait été mis en place en 2020 afin de sécuriser les accords et les exonérations sociales et fiscales eu égard aux nombreux contentieux qui portaient sur les primes d’intéressement et de participation, ajoute Angéline Lepigoché, avocate chez CVS Avocats. Si le contrôle par l’Urssaf est maintenu, celui de l’administration est supprimé. Selon le rapport de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, cette étape ne serait pas pertinente, mais l’absence de contrôle administratif sur les formalités de dépôts et les modalités de négociation et de conclusion de l’accord pourrait être préjudiciable et source d’insécurité juridique pour les entreprises.»
Pérennisation de la «Prime Macron»
La loi acte le triplement et la pérennisation de la «prime exceptionnelle de pouvoir d’achat» (Pepa) ou «prime Macron», renommée pour l’occasion «prime de partage de la valeur» (PPV). Le plafond de 1.000 par bénéficiaire et par année est portée à 3.000 euros, voire à 6.000 euros si l’entreprise a mis en œuvre un dispositif d’intéressement ou de participation, ou que la prime est versée à un travailleur handicapé.
Les primes versées jusqu’au 31 décembre 2023 sont exonérées de cotisations sociales, d’impôt sur le revenu (IR), de CSG-CRDS et de forfait social quel que soit l’effectif de l’entreprise pour les salariés dont le salaire est inférieur à trois Smic. Ceux dont le salaire est supérieur à ce montant peuvent également en bénéficier mais la prime sera seulement exonérée de cotisations sociales: elle reste soumise à l’IR, à la CSG-CRDS et au forfait social pour les entreprises de 250 salariés et plus sur la fraction exonérée de cotisations. A partir de 2024, l’exonération de toutes les primes convergera vers le modèle applicable aux salariés gagnant plus de trois fois le Smic.
La date de début de versement de la prime a été fixée rétroactivement au 1er juillet 2022 par le Sénat au lieu du 1er août pour ne pas pénaliser les entreprises qui avaient anticipé la mesure et versé la prime au cours du mois de juillet.
Renforcement de l’encadrement des loyers
L’évolution des loyers des baux d’habitation et commerciaux est plafonnée à 3,5% du troisième trimestre 2022 jusqu’au deuxième trimestre 2023 en France métropolitaine. Sans intervention législative, la hausse calculée à partir de l’indice de référence des loyers atteignait 3,6% sur un an au deuxième trimestre 2022. Cette solution est cependant loin du gel des loyers espéré par les associations.
La loi interdit également de demander un complément de loyer concernant les logements sans confort ou classé F ou G pour les baux signés à compter du 18 août 2022. Rappelons qu’au 24 août, les logements concernés par ces classes énergétiques ne pourront plus faire l’objet d’une indexation de loyer en cours de bail. Les logements classés G seront interdits à la location en 2025, les F en 2028.
Déconjugalisation de l’allocation adultes handicapés
Après des années de bataille législative, l’allocation adultes handicapés (AAH) a finalement été déconjugalisé. Les revenus du conjoint, quel que soit le statut du couple ne seront plus pris en compte pour son calcul. Pour éviter que plusieurs milliers de personnes ne soient lésées par la mesure, un dispositif transitoire leur permettra d’opter pour l’ancien système jusqu’à expiration de leurs droits si celui-ci leur est plus favorable.
«Quand on est en situation de handicap, la participation aux charges du ménage ne peut pas être la même qu’une personne valide, faisait remarquer en juin dans nos colonnes Morgan Lifante, directeur et fondateur du cabinet Pôle Handicap. Si en plus, on ne peut pas participer financièrement, on a juste l’impression d’être un fardeau pour son ou sa compagne.» L’entrée en vigueur de la mesure est prévue au plus tard pour octobre 2023.
Facilitation de la résiliation d’assurance
Le Parlement a entériné la résiliation «en trois clics», dont l’Agefi dévoilait les contours début juillet. Concrètement, les assurés ayant souscrit un contrat en ligne devront pouvoir le résilier selon cette même modalité. La faculté de résiliation a été portée à 30 jours après souscription, contre 14 auparavant.
«Les assurances visées sont en particulier les assurances affinitaires, les petits contrats types assurance d’ordinateur, de téléphone portable, indique Pierre-Yves Rossignol, associé chez Hérald. Les assurés ne savent pas toujours qu’ils ont souscrit à une assurance lors de l’achat du bien et les services de résiliation gèrent très mal la résiliation.»
Un décret fixera les modalités techniques permettant de garantir l’identité du souscripteur ainsi que l’accès permanent à la fonction de résiliation. Ces dispositions, qui entreront en vigueur en janvier 2023, trouvent une résonnance dans l’actualité avec le renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris d’Indexia pour pratiques commerciales trompeuses. Le courtier affinitaire, déjà épinglé par la DGCCRF sur le même motif, devra répondre de sa politique de résiliation.
Les mesures en faveur du pouvoir d’achat ne s’arrêteront pas forcément avec cette loi et la loi de Finances rectificative pour 2022. Dans une interview accordée à «Sud Ouest», Bruno Le Maire indique qu’il demandera aux banques et compagnies d’assurance de faire un geste sur les frais bancaires et les primes d’assurance.
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