
La France est-elle un Etat de droit fiscal?

La France est-elle un Etat de droit fiscal? La question mérite d’être posée à la lecture de l’article 4 du projet de loi de Finances pour 2017 présenté en Conseil des ministres le 28 septembre.
Cet article vise, selon l’exposé des motifs du projet de loi, à lutter contre des «stratégies d’optimisation fiscale abusive détournant le dispositif (du plafonnement de l’ISF) de sa finalité».
Rappelons que ce dispositif est destiné à empêcher qu’un redevable paie plus de 75% de ses revenus en impôts.
Afin de priver d’effet ce mécanisme, l’article 4 du projet de loi de Finances prévoit que les redevables de l’ISF qui contrôlent une société soumise à l’impôt sur les sociétés pourraient être contraints de prendre en compte, dans le calcul du plafonnement de leur ISF, les revenus perçus par cette société quand bien même ladite société ne leur redistribue aucun revenu.
Cette tentative d’intégrer, dans le calcul du plafonnement de l’ISF, des revenus fictifs n’est pas une première. En effet, une mesure similaire avait déjà été insérée dans le projet de loi de Finances pour 2013. Elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel le 29 décembre 2012.
Le Conseil constitutionnel avait alors considéré qu’en intégrant «dans le revenu du contribuable pour le calcul du plafonnement (…) des sommes qui ne correspondent pas à des bénéfices ou revenus que le contribuable a réalisés ou dont il a disposé, (…) le législateur a fondé son appréciation sur des critères qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives» et que, par suite, les dispositions en cause devaient être déclarées contraires à la Constitution.
Il est surprenant que le gouvernement ne fasse aujourd’hui aucun cas de cette décision.
A dire vrai, la surprise n’est pas totale puisqu’il ne s’agit pas de la première tentative de remise en cause de cette décision du Conseil constitutionnel.
En effet, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 décembre 2012, avait censuré la disposition assimilant à un revenu réalisé pour le plafonnement de l’ISF, le bénéfice distribuable, mais non distribué, d’une société soumise à l’IS contrôlée par le redevable.
Mais le Conseil constitutionnel, dans la même décision, avait également censuré la disposition qui assimilait à un revenu réalisé les intérêts capitalisés au sein d’un contrat d’assurance vie ou d’un contrat de capitalisation détenu par le redevable.
Pourtant, en juin 2013, faisant fi de cette décision du Conseil constitutionnel, l’administration fiscale a publié une instruction dans laquelle elle a indiqué que les intérêts acquis sur le fonds en euros des contrats d’assurance vie ou de capitalisation constituaient un revenu à prendre en compte pour le plafonnement de l’ISF.
Parallèlement, en octobre 2013, faisant également fi de cette décision, un amendement au projet de loi de Finances pour 2014 était déposé pour tenter d’inscrire dans la loi le fait que les intérêts des fonds en euros des contrats d’assurance vie ou de capitalisation constituaient un revenu pour le plafonnement.
Ces deux tentatives de remise en cause de la décision du Conseil constitutionnel furent censurées en décembre 2013. La première par le Conseil d’Etat, la seconde par le Conseil constitutionnel.
Dans cette nouvelle décision, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de souligner qu’en adoptant des dispositions analogues à celles censurées l’année précédente, le législateur «avait méconnu l’autorité qui s’attache, en vertu de l’article 62 de la Constitution, à la décision du Conseil constitutionnel».Il est donc pour le moins surprenant que le projet de loi de Finances présenté par le gouvernement cette année méconnaisse à nouveau l’autorité de la chose jugée.
Ajoutons que lors de son examen par la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le problème de constitutionnalité de l’article 4 du projet de loi de Finances a été évoqué.
Pourtant, plutôt que d’adopter un amendement de suppression de cet article, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a, au contraire, adopté un amendement élargissant sa portée. En effet, selon cet amendement, pourraient également être intégrés dans les revenus à prendre en compte pour le plafonnement les «emprunts effectués par les contribuables pour financer leurs dépenses courantes».
Le Conseil constitutionnel devrait donc être amené à être saisi une troisième fois sur la définition de ce qu’est ou n’est pas un revenu. Un emprunt, qui doit être remboursé, n’est assurément pas un revenu pour l’emprunteur, pas plus que le bénéfice d’une société n’est un revenu pour ses actionnaires tant qu’une distribution de dividendes n’a pas été votée.
Plus d'articles du même thème
-
«Sans la problématique budgétaire, l'économie américaine ne justifierait pas plus de trois baisses de taux»
Christophe Morel, chef économiste de Groupama AM -
Fitch abaisse la note de la France
L’agence de notation américaine a abaissé la note de la France au niveau A+. Les marchés anticipaient largement cette décision. Le taux des emprunts d’État français ne devrait pas réagir. -
Premières faillites des spécialistes en prêts auto «subprime» aux Etats-Unis
Plusieurs signaux s’étaient déjà allumés sur ce marché, fin 2023 avec la hausse des prix des automobiles post-covid. Depuis le début de l’année survient la fermeture d’autres établissements prêteurs, en l'occurrence plutôt des concessionnaires qui assuraient aussi les financements avant de les titriser via des ABS auto.
Sujets d'actualité

ETF à la Une

BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- BNP Paribas AM se dote d’une gamme complète d’ETF actifs
- Sébastien Lecornu commence son chemin de croix budgétaire avec Fitch Ratings
- L’Union européenne cherche la clé d’une épargne retraite commune
- L’exonération du régime mère-fille dépasse le seul cadre de l’impôt sur les sociétés
- Les notaires veulent accorder un droit immédiat aux héritiers sur les dividendes
Contenu de nos partenaires
-
Népal: la Génération Z en révolte après la mort de Santosh Bishwakarma
Katmandou - «Il rêvait de mourir en ayant été utile à son pays». Santosh Bishwakarma, 30 ans, a été abattu lundi par les forces de l’ordre dans une rue de Katmandou alors qu’il manifestait contre le gouvernement, et sa femme est inconsolable. Dans sa petite maison de la capitale népalaise encombrée de ses proches venus partager son deuil, Amika Bishwakarma, 30 ans elle aussi, peine à évoquer le souvenir de son mari. «Il avait l’habitude de dire qu’il ne voulait pas mourir comme un chien», lâche-t-elle entre deux sanglots. «Il voulait que le Népal soit reconnu dans le monde, et ne pas mourir avant d’y avoir contribué. Je crois qu’il a réussi». Santosh avait rejoint lundi le cortège de ces jeunes réunis sous la bannière de la «Génération Z» qui dénonçaient le blocage des réseaux sociaux et la corruption des élites du pays. Il est tombé lorsque la police, débordée, a ouvert le feu sur les manifestants. Une vingtaine d’entre eux ont été tués, des centaines d’autres blessés. La répression a nourri la colère de cette «Gen Z», qui est revenue le lendemain dans les rues de la capitale et a incendié ou mis à sac tous les symboles du pouvoir: parlement, bureaux ministériels, tribunaux, jusqu’aux résidences de plusieurs dirigeants. Le Premier ministre KP Sharma Oli n’a eu d’autre choix que de démissionner. Respectée pour son indépendance, l’ex-cheffe de la Cour suprême Sushila Kari, 73 ans, a été nommée vendredi soir à la tête d’un gouvernement provisoire chargé de conduire le pays jusqu'à des élections prévues dans six mois. Son entrée en fonction semble satisfaire de nombreux Népalais mais pas Amika Bishwakarma, désormais toute seule pour élever son fils Ujwal, 10 ans, et sa fille Sonia, 7 ans. «Un peu de justice» «Mon mari aurait tout fait pour leur permettre de réaliser leurs rêves, même au prix de sa vie», assure-t-elle. «Mais comment je vais pouvoir y arriver seule maintenant ? Il a sacrifié sa vie pour le pays, j’espère que le gouvernement va m’aider». Quand il a appris la mort de Santosh, son ami Solan Rai, 42 ans, a accouru au chevet de sa veuve. Après les violences de la semaine, il veut croire à des jours meilleurs pour son pays. «je n’avais jamais vu pareille colère», note-t-il, «j’espère que cette fois, ça va enfin changer». D’autres veulent croire que la mort de leurs proches ne sera pas vaine. Ce vendredi, ils étaient des centaines à se presser dans le temple de Pashupatinath, à Katmandou, pour assister à la crémation d’un fils, d’un frère ou d’un ami tué cette semaine. «J’espère que de tout ça sortira une forme de justice, que notre peuple obtiendra enfin les changements qu’il cherche désespérément depuis si longtemps», espère Ratna Maharjan en pleurant son fils, tué d’une balle tirée par un policier. Sur les marches du temple, au bord du fleuve Bagmati, une femme vêtue de rouge s’accroche désespérément à la dépouille de son fils, qu’elle refuse de voir partir en cendres. Un peu à l'écart, des policiers déposent des gerbes de fleurs sur le cercueil d’un de leurs collègues, mort lui aussi pendant les émeutes. La police a fait état de 3 morts dans ses rangs. Avant de retourner au silence de son deuil, Amika Bishwakarma fait un dernier vœu, plus politique. «On ne demande pas la lune», glisse-t-elle d’une petite voix. «On veut juste un peu plus d'égalité, que les riches ne prospèrent pas pendant que les pauvres continuent à dépérir». Bhuvan BAGGA et Glenda KWEK © Agence France-Presse -
Spirale
Dégradation : Fitch change la France de catégorie
L'agence de notation a dégradé la note de la France d'un cran, de AA- à A+. Un changement de catégorie tout sauf anodin, même si les marchés avaient probablement déjà anticipé cette décision -
Liberté d'expression au Royaume-Uni: Tommy Robinson, figure de l'extrême droite, mobilise les foules
Londres - Des dizaines de milliers de personnes sont attendues samedi à Londres à l’appel de Tommy Robinson, figure de l’extrême droite britannique, pour ce qu’il présente comme un rassemblement «pour la liberté d’expression», sujet qui agite le débat public au Royaume-Uni. Ce rendez-vous intervient après un été marqué par des manifestations anti-immigration devant des hôtels hébergeant des demandeurs d’asile, largement relayées sur les réseaux sociaux par l’activiste. Une contre-manifestation à l’initiative d’une organisation antiraciste, Stand Up To Racism UK, doit se dérouler samedi au même moment à la mi-journée, dans le centre de la capitale britannique. La police de Londres a indiqué qu’elle mobiliserait quelque 1.000 agents pour garantir que «les deux manifestations se déroulent pacifiquement». Tommy Robinson, 42 ans, de son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon, est le fondateur de l’ex-groupuscule English Defence League (Ligue de défense anglaise), issu de la mouvance hooligan. «Marchez pour votre pays, marchez pour la liberté, marchez pour vos enfants et marchez pour Charlie Kirk», a-t-il déclaré jeudi sur X, en référence à l’influenceur conservateur américain Charlie Kirk, porte-drapeau de la jeunesse trumpiste, tué mercredi par balles aux États-Unis. Connu pour ses positions anti-immigration et anti-islam, Tommy Robinson a été condamné à plusieurs reprises, notamment pour troubles à l’ordre public. Il a été emprisonné en 2018 pour outrage au tribunal, puis en 2024 pour avoir répété des propos diffamatoires sur un réfugié. Libéré en mai, il avait notamment reçu le soutien du milliardaire américain Elon Musk. Plusieurs mobilisations de ses partisans ont par le passé rassemblé des milliers voire des dizaines de milliers de personnes, comme en juillet 2024 où ils étaient entre 20.000 et 30.000, selon des estimations de l’organisation antiraciste Hope Not Hate. Débat sur la liberté d’expression Tommy Robinson présente depuis des mois ce rassemblement comme «le plus grand jamais consacré à la liberté d’expression». Les participants sont appelés à se retrouver à 11H00 (10H00 GMT), avant de marcher en direction de Whitehall, cœur du pouvoir politique du pays. Les organisateurs ont annoncé la présence de plusieurs personnalités de la droite et de l’extrême droite britanniques et étrangères, dont Steve Bannon, l’ancien conseiller du président américain Donald Trump. Le président du parti français d’extrême droite Reconquête, Eric Zemmour, a confirmé sa présence. Ce sujet de la liberté d’expression, au cœur d’un débat public au Royaume-Uni depuis plusieurs mois, a été ravivé début septembre lorsque des policiers armés ont arrêté à l’aéroport londonien de Heathrow un créateur de séries accusé d’avoir diffusé des messages hostiles aux personnes transgenres. Le débat est le plus souvent soulevé par la droite et l’extrême droite, mais il a aussi été évoqué en lien avec les centaines d’arrestations de manifestants exprimant leur soutien au groupe Palestine Action, qui a été classé «organisation terroriste» par le gouvernement. Face au tollé, le Premier ministre Keir Starmer s’est dit «très fier» de la «longue tradition de liberté d’expression» dans le pays, qu’il «défendra toujours». Tommy Robinson doit à nouveau être jugé en octobre 2026 pour avoir refusé de donner le code PIN de son téléphone portable, que la police lui réclamait en vertu des pouvoirs étendus dont elle dispose dans le cadre de la loi sur le terrorisme de 2020. Alexandra DEL PERAL © Agence France-Presse