Fin anticipée du quasi-usufruit

Rembourser une dette de quasi-usufruit par anticipation présente un intérêt pratique mais pose également quelques problèmes. Explications.
Jean-François Lucq, consultant en stratégie patrimoniale
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Jean-François Lucq, consultant en stratégie patrimoniale  - 

Pour les praticiens, le quasi-usufruit, tel que décrit par le Code civil, concilie de nombreux avantages. Il a toutefois un inconvénient. La mobilisation de la dette de restitution à la seule date du décès de l’usufruitier n’est pas toujours judicieuse, car les nus-propriétaires peuvent avoir des projets patrimoniaux qui ne peuvent attendre la survenance de cet événement.

Prenons l’exemple d’un dirigeant d’entreprise ayant procédé en 2015 à une donation de la nue-propriété de titres à ses enfants, placée sous le régime de l’article 587 du Code civil, la donation précédant de peu une cession à un tiers. La dette de restitution évaluée alors se monte à 6 millions d’euros. Aujourd’hui, les descendants ont différents projets patrimoniaux, dont le montant global peut être estimé à 3 millions d’euros.

Si l’ascendant procède à une nouvelle donation soumise au droit commun, celle‑ci va générer des droits de mutation très importants, sans doute supérieurs à 1 million d’euros. Une alternative consisterait à rembourser, de manière anticipée, la dette qu’il a contractée lors de la naissance du quasi-usufruit.

Des paramètres à prendre en compte

Comment estimer la valeur de cette dette de restitution ? Tout dépend des paramètres de calcul de cette dette.

Le premier est d’ordre financier : la dette de restitution étant une dette future, dont l’exigibilité dépend de la date de décès de l’ascendant, une actualisation de celle-ci va donc être nécessaire. En prenant les hypothèses que l’ascendant a une espérance de vie (d’après les tables statistiques) de quinze ans, et que le taux d’actualisation retenu est le taux actuariel d’une OAT à 15 ans (soit environ 3,35 %), la valeur actuelle de la dette de restitution de 6 millions d’euros ressort à un peu plus de 3.660.000 euros (1).

Le second paramètre est d’ordre civil et financier à la fois. Le quasi-usufruitier qui se libère de sa dette de manière anticipée doit malgré tout conserver une ressource financière sur la durée de son usufruit prévisionnel. Il convient d’évaluer la valeur de celle-ci pour en déduire la valeur de la dette de restitution. Si l’ascendant dispose actuellement d’un revenu annuel de 180.000 euros lié au capital du quasi‑usufruit, le capital qu’il doit conserver pour maintenir cette ressource annuelle pendant quinze ans peut être estimé à 2.095.000 euros, les flux annuels à venir étant toujours affectés d’un taux d’actualisation de 3,35 %, taux de l’OAT à 15 ans. Par différence, la valeur actuelle de la dette de restitution ressort alors à 3.905.000 euros.

En versant ces capitaux aux descendants, l’ascendant se libère intégralement de la dette de quasi-usufruit, et non à la seule hauteur du montant versé. Cette stratégie comprend toutefois une zone de vulnérabilité. En effet, si l’ex‑usufruitier vient à disparaître prématurément, ses descendants devront acquitter des droits de succession sur le capital qu’il a conservé, alors que si le quasi-usufruit avait été maintenu, la dette de restitution déductible se serait élevée à 6 millions d’euros.

Mieux vaut un ascendant en bonne santé avant de se lancer dans une telle stratégie.

(1) On notera que si l’opération s’était tenue en 2022, le taux d’actualisation aurait été beaucoup plus faible (voisin de 1 %), et la somme reçue par les descendants plus forte.

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