
Couples mariés / pacsés : quelles conséquences en cas d’expatriation ?

Par Patrick Janel, Responsable Gestion Privée chez Equance.
Les mariages binationaux ou incluant un élément d’extranéité territoriale (expatriation notamment) concernent désormais près d’un tiers des unions célébrées en France. Face à un cadre juridique jusqu’alors complexe et instable souvent mal maîtrisé par les intéressés, le Parlement européen a adopté le règlement UE 2016/1103 qui est entré en vigueur en France le 29 janvier 2019. Celui-ci redéfinit avec clarté le nouveau cadre juridique qui s’applique aux couples binationaux ou expatriés notamment en cas de Liquidation du Régime Matrimonial.
Quels étaient les problèmes avant 2019 ?
Rappelons qu’avant le 29 janvier 2019, les mariages célébrés depuis le 1er septembre 1992 étaient et resteront régis par la Convention de La Haye de 1978. Dans ce cas, le régime matrimonial qui s’applique en cas de séparation ou de décès est celui du pays de la première résidence habituelle du couple, mais la Convention de La Haye prévoit ensuite une mutabilité automatique de la loi applicable lorsque les époux vivent depuis plus de 10 ans dans un autre pays. Notons que cette mutabilité n’est pas rétroactive : par exemple, en cas de divorce ou de décès après 5 ans passés en France et 10 ans passés en Angleterre, il faudra appliquer à la fois la loi française et la loi anglaise lors de la liquidation du régime. Ce principe entraîne une insécurité juridique pour les époux sans que ceux-ci en soient toujours conscients. En effet, certains pays considèrent que les couples unis sans contrat de mariage le sont automatiquement sous le régime de la séparation de biens, et non sous le régime de la communauté. En cas de décès ou de divorce, le conjoint survivant peut se retrouver sans aucun patrimoine en cas de déséquilibre dans la répartition du patrimoine commun.
Pour les couples mariés sans contrat de mariage avant le 1er septembre 1992, la liquidation du régime matrimonial suit la jurisprudence Gouthertz. Cette fois, il n’y a pas de mutabilité automatique en cas d’expatriation prolongée : la loi qui s’applique est systématiquement celle du pays de la première résidence commune des deux époux, c’est-à-dire la première résidence occupée pendant au moins deux ans. Cette jurisprudence peut également représenter un danger si la première résidence se situait à l’étranger, dans un pays où les règles ne sont pas les mêmes qu’en France.
Une plus grande clarté de la législation applicable
Le nouveau règlement européen, entré en vigueur le 29 janvier 2019, vient répondre à ces problématiques en mettant en place au sein de l’Union Européenne un cadre juridique plus harmonieux et plus sécurisé, sans effet rétroactif pour les mariages célébrés avant 2019.
Le nouveau règlement instaure trois changements majeurs :
- la suppression de la mutabilité automatique du régime matrimonial après 10 ans ;
- l’instauration d’un choix volontaire, par les couples binationaux et expatriés, de la législation qui sera applicable à l’encadrement de leur union (législation française ou américaine par exemple) ;
- l’instauration d’un principe d’unité de la loi applicable à l’ensemble du patrimoine des deux époux en cas de séparation ou de décès (il n’y aura plus de cas où les lois de deux pays seront applicables).
Des implications patrimoniales à bien gérer
Prenons l’exemple d’un couple marié en France en 2002 sans contrat de mariage, vivant depuis 2007 à Barcelone. Leur régime matrimonial est soumis à la convention de La Haye : comme cela fait plus de 10 ans qu’ils vivent en Espagne, leur régime matrimonial a connu une mutation automatique. Or, sans contrat de mariage, le régime matrimonial français (régime de la communauté) est différent du régime catalan (séparation de biens). En cas de divorce ou de décès de l’un des conjoints, la liquidation du régime matrimonial tiendra compte du régime de la communauté pour les biens acquis entre 2002 et 2007 et du régime de la séparation de biens pour le patrimoine acquis depuis 2007.
Dans le cas où seul l’un des deux conjoints travaillerait, et que le couple aurait par exemple décidé d’investir dans des parts de SCPI pendant la période catalane, le régime de la séparation de biens mènerait à considérer que ces parts appartiennent uniquement au conjoint ayant financé cet investissement par son salaire. Si le couple a également investi dans des parts de SCPI pendant la période française, cette partie du patrimoine sera bien divisée à 50% entre les deux conjoints du fait que c’est le régime de la communauté qui s’appliquera sur cette période.
Afin de résoudre ce problème et d’éviter qu’un régime matrimonial mal adapté s’impose, il est recommandé d’aller voir un notaire pour fixer avec lui le régime applicable. Cette déclaration de loi applicable (DLA) doit également comporter une mention pour faire rétroagir ce nouveau contrat depuis le premier jour du mariage. Dans notre exemple, le couple peut réaliser une DLA rétroactive en 2019 pour que le régime matrimonial applicable sur l’ensemble du patrimoine constitué depuis 2002 soit soumis au régime français de la communauté.
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Paris - Le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu qui a entamé une série de rendez-vous avec les partenaires sociaux «n’a pas donné de position» sur le sujet des retraites, a déclaré vendredi la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon, au sortir d’une rencontre avec M. Lecornu à Matignon. «Il n’a pas donné de position sur ce qu’il allait donner comme suite sur le sujet des retraites», a déclaré Marylise Léon à la presse, en répétant que la CFDT était fermement opposée à une éventuelle réouverture du conclave lancé l’année dernière par François Bayrou, et qui avait échoué avant l'été. «Il n’y a pas eu de terrain d’atterrissage au moment de la fin du conclave, donc on ne reprend pas les discussions», a-t-elle estimé. S’agissant de la préparation du budget, Mme Léon a estimé qu’il était «hors de question que ce soit le monde du travail qui paye la question de la réduction des déficits». «Nous lui avons réaffirmé que nous étions plus que jamais motivés pour aller dans la rue, et que nous réussirons la mobilisation du 18 septembre», a-t-elle dit. M. Lecornu «n’a pas démenti qu’il pourrait y avoir un certain nombre d'éléments, de travaux, sur une contribution des plus hauts revenus», mais «selon quelles modalités, ça n’est pas encore complètement défini», a précisé Mme Léon. «Ce qu’attendent les travailleurs et les travailleuses, c’est qu’il y ait des preuves» de la «rupture» annoncée par le nouveau Premier ministre, «et qu’on puisse avoir une démonstration qu’il y a véritablement un changement de méthode», a-t-elle ajouté. La consultation des partenaires sociaux se poursuivra vendredi soir avec le Medef qui sera reçu à 19H45 par le nouveau Premier ministre. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, sera elle, reçue lundi à 11H00 à Matignon puis la CFTC à 14H30 et les deux organisations patronales CPME et U2P, respectivement lundi à 17H00 et mardi à 11H00. © Agence France-Presse -
Londres : des hôtels accueillant des demandeurs d'asile pris pour cible par l'extrême droite
Londres - Dans la capitale britannique, plusieurs hôtels hébergeant des demandeurs d’asile ont été pris pour cible lors de manifestations anti-immigration, suscitant désormais la crainte de ceux qui y sont logés mais aussi de certains habitants. L’entrée de l’hôtel Thistle Barbican, qui héberge quelque 600 demandeurs d’asile dans le centre de la capitale, est bloquée par des barrières en acier et des planches de bois. «Je ne me sens pas en sécurité parce que les gens pensent que nous sommes leurs ennemis», déclare l’un d’eux à l’AFP, préférant rester anonyme. Cet homme originaire d’un pays africain y est logé depuis deux ans, pendant l’examen de sa demande d’asile, en vertu de l’obligation du gouvernement britannique de lui fournir un toit. Mais «ces deux derniers mois, les gens ont changé», dit-il, ressentant une hostilité croissante après les manifestations de l'été en Angleterre. Celles-ci ont démarré devant un hôtel d’Epping, au nord-est de Londres, où un demandeur d’asile qui y était hébergé a été accusé d’avoir notamment tenté d’embrasser une adolescente de 14 ans. Il a été condamné pour agressions sexuelles la semaine dernière. La colère a aussi enflé sur les réseaux sociaux, avec des publications accusant les migrants d'être logés dans des hôtels luxueux et de bénéficier d’avantages dont les Britanniques sont privés. «Je ne suis pas ici pour m’en prendre aux femmes ou aux enfants, mais pour obtenir une protection», défend le demandeur d’asile interrogé par l’AFP, regrettant que certains manifestants ne les considèrent pas «comme leurs égaux». Les résidents de l’hôtel ont «très peur maintenant», abonde Mo Naeimi, réfugié iranien de 29 ans qui y a lui-même été hébergé par le passé, et travaille pour une association aidant les demandeurs d’asile. À l’extérieur de l’hôtel, des manifestants ont peint les couleurs du drapeau de l’Angleterre - une croix rouge sur fond blanc - sur des murs ou des cabines téléphoniques. Ces dernières semaines, les étendards anglais et britannique ont essaimé dans le pays, une démonstration de patriotisme largement alimentée par l’extrême droite et liée à ces manifestations anti-immigration. Elles interviennent au moment où le gouvernement de Keir Starmer peine à endiguer les traversées clandestines de la Manche, avec plus de 30.000 arrivées de migrants sur des petits bateaux depuis début janvier. «Tension palpable» En face du Thistle Barbican, un commerçant d’origine pakistanaise, arrivé à Londres il y a 20 ans, a accroché le drapeau anglais dans sa vitrine. La raison: il veut protéger son entreprise et ses employés immigrés des manifestants, explique-t-il. «Je ne suis pas blanc, bien sûr que j’ai peur», confie cet homme de 45 ans à l’AFP. «Ils pourraient venir casser les fenêtres et nous attaquer à la place» des demandeurs d’asile, dit-il, ajoutant que ces derniers n’ont jusque-là posé «aucun problème». Dans l’est de la capitale, le quartier d’affaires de Canary Wharf a aussi été secoué par des manifestations après l’annonce en juillet que l’hôtel Britannia allait héberger des demandeurs d’asile. Lorsque Britt-Marie Monks, commerçante de 43 ans vivant à proximité, a appris la nouvelle, son «coeur s’est arrêté», raconte-t-elle à l’AFP. Cette mère de famille dit aussi bien se méfier des demandeurs d’asile logés que des personnes venant manifester leur colère devant l’hôtel, et elle «évite» désormais la route qui passe à côté. Andrew Woods, ancien conseiller municipal, juge que la présence de l’hôtel a «divisé» les habitants. En marge d’une manifestation, des affrontements ont éclaté avec la police dans un centre commercial haut de gamme du quartier d’affaires, conduisant à l’arrestation de quatre personnes. «C’est le dernier endroit où je m’attendrais que ça arrive», s'étonne Ziaur Rahman, expert en informatique qui vit et travaille à Canary Wharf. Pour Britt-Marie Monks, il s’agit principalement d’habitants frustrés qui voudraient que le gouvernement s’occupe de leurs problèmes en priorité. Mais Mo Naeimi craint que les demandeurs d’asile servent de boucs émissaires, à un moment où les conditions de vie se dégradent pour certains Britanniques. Samedi, l’activiste d’extrême droite Tommy Robinson organise à Londres une grande marche pour la défense de la «liberté d’expression», qui fait craindre que les hôtels hébergeant des demandeurs d’asile soient à nouveau ciblés. "Ça va s’intensifier», prédit Britt-Marie Monks, qui dit ressentir «une tension palpable» dans l’air. Akshata KAPOOR © Agence France-Presse -
En Russie, les prix de l'essence augmentent dus aux frappes ukrainiennes sur les raffineries
Moscou - «Doucement mais sûrement": Oleg fait le plein d’essence à Moscou et vitupère contre la hausse des prix nourrie par une demande accrue et les frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières, secteur clé de l'économie russe que les Occidentaux veulent sanctionner. «Tout le monde l’a remarqué», tonne Oleg, retraité de 62 ans: les prix des carburants vont crescendo à la pompe. Au 1er septembre, l’essence au détail coûtait 6,7% de plus que fin 2024, selon Rosstat, l’agence nationale des statistiques. Ce renchérissement s’inscrit dans un contexte de hausse générale des prix, avec une inflation annuelle qui a été de 8,14% en août, à l’heure où la Russie intensifie l’offensive qu’elle a lancée en 2022 en Ukraine. Début septembre, le prix de la tonne d’AI-95, l’un des carburants sans-plomb les plus populaires en Russie, s’est envolé pour atteindre plus de 82.000 roubles (environ 826 euros), tutoyant des records, selon les données de la bourse de Saint-Pétersbourg. Et depuis le début de l'été, les réseaux sociaux sont saturés de vidéos montrant des files d’attente devant les stations-service de l’Extrême-Orient russe, en Crimée - région que la Russie a annexée au détriment de Kiev en 2014 -, et dans certaines régions du sud proches de l’Ukraine, pour cause de pénurie. Mercredi, le média Izvestia évoquait des «interruptions d’approvisionnement» dans «plus de dix régions» de Russie, l’un des principaux producteurs de pétrole au monde. Raffineries frappées A Moscou, vitrine de la Russie, pas de pénurie mais une hausse qui a propulsé le litre de sans-plomb 95 à plus de 66 roubles (0,67 euro). Ce prix, qui reste bien inférieur à ceux affichés dans de nombreux pays européens, surprend le consommateur russe, habitué à ne pas payer cher l’essence et au revenu moyen moindre. Artiom, un Moscovite qui ne souhaite pas donner son nom de famille, observe cette augmentation «depuis le début de l’année». «Pour des personnes ordinaires, 300 ou 400 roubles en plus par plein (3 à 4 euros, ndlr), cela commence à être sensible», dit-il. Sur le site Gazeta.ru, Igor Iouchkov, analyste au Fonds national de sécurité énergétique, met en avant l’augmentation d’"environ 16%» du droit d’accise (impôt indirect) depuis le 1er janvier et la baisse de subsides versés aux compagnies pétrolières. Car, comme l’explique à l’AFP Sergueï Teriochkine, expert en questions énergétiques, «plus les subventions sont faibles, plus la rentabilité est faible», ce qui pousse les pétroliers à «répercuter» ces pertes sur les prix au détail. La demande a, elle, été dopée par les départs en vacances et les engins agricoles. Restent - surtout - les frappes contre les raffineries et dépôts de pétrole que l’Ukraine a multipliées afin de toucher Moscou au portefeuille et d’entraver sa capacité à financer son offensive. «Les frappes ont ciblé de grandes raffineries dans la partie européenne de la Russie», notamment dans les régions de Samara, Riazan, Volgograd et Rostov, énumère Alexandre Kots, journaliste russe spécialiste des questions militaires, sur Telegram. «Ce n’est rien!» L’une de ces attaques, à la mi-août, a touché la raffinerie de Syzran, dans la région de Samara, selon l'état-major ukrainien. Le complexe se trouve à plus de 800 km de la frontière ukrainienne. Il est présenté par Kiev comme le «plus important du système Rosneft», géant russe des hydrocarbures. Moscou n’a pas quantifié l’impact de ces frappes, mais dans le journal Kommersant, l’analyste Maxime Diatchenko parle d’une baisse de la production «de près de 10%» depuis le début de l’année. «C’est rien!», assure Alexandre, un homme d’affaires moscovite, après avoir rempli le réservoir de sa berline allemande. «Une frappe, deux frappes, trois frappes, ça n’est rien pour le marché en général ou pour les prix». «Le pays a besoin d’argent. L’augmentation du prix de l’essence, c’est une façon d’augmenter le revenu de l’Etat», estime de son côté Vladimir, un Moscovite de 50 ans. Pour tenter de stabiliser la situation, Moscou a prolongé une interdiction d’"exporter de l’essence pour les automobiles» jusque fin octobre. La Russie reste par ailleurs un exportateur majeur de pétrole brut, des exportations que les Occidentaux entendent étouffer pour tarir une des principales sources de financement de l’offensive russe en Ukraine, pays qui compte l’Union européenne comme principale alliée. © Agence France-Presse