Marc Sartori: «Connaître le poids des assureurs-vie au capital des SCPI est indispensable»

Questions à Marc Sartori, fondateur du cabinet d’analyse DeeptInvest.
portrait couleur de Marc SARTORI
Marc Sartori, fondateur du cabinet d’analyse DeeptInvest  - 

Les dévalorisations de sept SCPI depuis janvier ont-elles été une surprise ?

Nous avions déjà identifié des signaux de vigilance pour plusieurs d’entre elles. Mais nous avons été étonnés que les dévalorisations soient aussi fortes et que les annonces aillent aussi vite. En temps normal, une valeur d’expertise ne se déprécie pas d’autant en six mois. Peut-être que celles de fin 2022 étaient un peu trop optimistes… Mais il est difficile d’en être certain. En début d’année, les gérants tenaient un discours plus attentiste que préventif. Nous attendons avec impatience la communication détaillée des sociétés de gestion sur ces nouvelles évaluations pour pouvoir les comparer à celles de fin 2022. En effet, elles communiquent sur les nouveaux prix de part, mais pas sur les nouvelles valeurs patrimoniales expertisées dans le détail.

Maintenant que l’effet des premières annonces est passé, sur quoi doit se porter la vigilance des investisseurs ?

Le point vraiment critique est la liquidité. Une augmentation trop forte des délais de cession pourrait crisper le marché. Certaines SCPI ont brutalement surgi dans nos radars alors qu’elles n’émettaient aucun signe d’alerte à ce sujet peu de temps auparavant. C’est le cas de Genepierre d’Amundi par exemple. Son délai de cession de part a augmenté brusquement à 52 mois au deuxième trimestre 2023. Trop tôt donc pour que ce soit lié à l’annonce de la dévalorisation de son prix de part. On peut simplement supposer que des associés avaient anticipé. Primopierre est également à surveiller : à fin 2022, elle ne présentait aucun délai de cession. A la fin du premier semestre, il fallait attendre six mois pour vendre ses parts. Ce n’est pas énorme, mais l’augmentation soudaine est surprenante. Les mouvements de foule sont l’un des principaux risques pour les gérants de SCPI. On n’en a pas encore vu mais, s’il s’en crée, cela pourrait crisper le marché. Le « bank run » est mauvais dans le monde des SCPI comme dans la finance cotée.

Le poids des assureurs-vie sur le marché des SCPI peut-il augmenter le risque ?

Il est difficile de répondre à cette question car nous n’avons aucune donnée sur ce sujet. C’est une notion manquante dans la communication des sociétés de gestion. Une trop forte présence peut déséquilibrer le rapport de force avec les gérants et fragiliser le poids des petits porteurs en direct. Connaître le poids des assureurs-vie au capital des SCPI est indispensable !

La remontée des taux d’intérêt pèse-t-elle beaucoup sur la collecte ?

Question difficile également. Les sociétés de gestion ne communiquent pas sur la part des flux recourant à la dette. Le recours à l’effet de levier des investisseurs les impacte peu. Mais cela devient effectivement un enjeu. De leur côté, les sociétés de gestion sont elles-mêmes assez peu endettées, à hauteur de 10 % en moyenne, avec de fortes disparités. Généralement, les SCPI les plus récentes ont davantage recours à la dette, pour financer leurs premiers investissements, que les plus anciennes, qui bénéficient de dynamiques de collecte plus importantes.

Le cas d’Elysées Pierre interpelle… Une SCPI a-t-elle vraiment intérêt à baisser son prix de part ?

Les taux de distribution des SCPI qui ont baissé prix de part seront meilleurs, mais ce n’est pas forcément dans leur intérêt d’annoncer une baisse de prix de part. HSBC REIM n’a pas donné plus d’explications sur sa décision. Tant qu’ils sont dans le couloir des +/-10 %, les gérants font ce qu’ils veulent. Mais la décision de baisser la valeur de la part de cette SCPI nous a un peu surpris car, comme nous le signalions à la fin 2022, la valeur de la part de cette SPCI était juste au milieu de son tunnel de valorisation. Est-ce un choix stratégique du gérant qui était un peu à la peine jusque-là avec un taux de distribution un peu en deçà des performances du marché ?

Quid des fonds de remboursement ?

Les fonds de remboursement représentent une « facilité de caisse » mise à la disposition des associés souhaitant vendre leur part absolument. C’est alors le gérant qui fixe les conditions de sortie et non plus un acheteur potentiel qui souhaite entrer dans le fonds. La différence est notable car, selon les conditions de marché, le gérant peut modifier les conditions de sortie. L’associé peut alors certes sortir mais avec des conditions potentiellement moins bonnes (-5 %, -10 % ou -15 % par rapport à une valeur de retrait théorique).

Je vois deux principales limites à cette solution. La première est que ce sont les bénéfices de la SCPI qui paient ces rachats. La seconde, c’est que les fonds de remboursement ne sont pas infinis et ne peuvent en aucun cas se substituer, à terme, à un marché illiquide.

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