
Immobilier: les trois impacts de la loi Climat

Patience, patience. Il faudra sûrement du temps avant que les effets positifs de la loi climat ne soient salués par les acteurs du marché immobilier. Pour l’instant, tous essaient de s’adapter autant que faire ce peut, aux bouleversements qu’elle induit. En interdisant progressivement la location des passoires thermiques (logements classés F ou G au niveau de leur DPE), la loi a pris tout le monde de court. Les conséquences sur le marché immobilier se font ressentir par vagues.
Un peu plus de trois ans après son adoption en novembre 2019, SeLoger relève déjà trois grandes tendances qui se dégagent. La plateforme de petites annonces immobilières a présenté ce mercredi 1er février une étude sur le sujet (1). Elle a passé au crible les quelques 5 millions d’annonces postées sur son site entre 2018 et 2022.
Les mises en vente de passoires explosent
C’était une crainte que beaucoup de professionnels partageaient à l’époque des discussions du texteet un effet pervers de la loi qui va à contre-courant de son objectif. La part des passoires thermiques dans les mises en ventes explosent. «Entre 2018 et 2022 elle a quasiment doublé», a relevé Thomas Lefebvre, directeur scientifique de SeLoger lors de la présentation de l’étude. Alors que les logements F et G ne pesaient que pour 11,7% des annonces il y a moins de cinq ans, elles en représentent à présent 19,7%.
, «L’impact de la loi Climat dépasse les simples propriétaires bailleurs» Thomas Lefebvre, directeur scientifique de SeLoger ,
Le directeur scientifique y voit trois explications: «Le DPE est de plus en plus indiqué dans les annonces. En juillet 2021, avant que la mention de l’étiquette énergétique ne soit obligatoire dans les petites annonces, seules 64% le mentionnaient. On atteint désormais un taux de complétion de 83%» a-t-il appuyé. La méthode de calcul du DPE est également pointée du doigt, puisque son évolution en juillet 2021 a fait passer le nombre de résidences principales considérées comme passoires de 4,7 millions à 5,2 millions (soit 17% du parc). Enfin, la portée de la loi, trop souvent restreinte aux bailleurs privés, expliquerait aussi le bond des annonces de passoires. «L’année dernière, un bien sur deux en vente pour cause de mauvais DPE et dont le propriétaire ne souhaitait ou ne pouvait pas engager de travaux étaient une résidence principale, a relevé Thomas Lefebvre. L’impact de la loi Climat dépasse les simples propriétaires bailleurs».
Source : SeLoger
Les acquéreurs sont plus exigeants
Depuis qu’il est sous le feu des projecteurs, le DPE est devenu une arme de négociation massive. Les acquéreurs ont bien compris qu’ils pouvaient l’utiliser en leur faveur pour tirer les prix à la baisse. Les vendeurs se sont fait une raison et capitulent. Selon l’étude de SeLoger, près de 80% des cédants de résidences principales se disent aujourd’hui prêts à baisser leurs prix contre 46% en 2022 (2). Cela se voit déjà sur les prix du marché. Alors que les prix de l’ancien ont augmenté de 7% l’année dernière, ceux des passoires thermiques n’ont connu que 3,7% de hausse.
La part des transactions négociées en 2022
Source : SeLoger
Le DPE opère comme filtre avant même le stade des visites (voir ci-dessous). Au point que SeLoger ait décidé de l’ajouter à la liste des critères de recherche disponible sur son site.
Source : SeLoger
L’offre locative diminue
Les passoires en vente sont autant de logements F et G qui ne sont plus mis en location…Et donc un marché locatif qui s’assèche. Il n’était déjà pas très en forme puisque l’offre locative est orientée à la baisse depuis le milieu d’année dernière. Mais alors que les biens performants énergétiquement ont reculé de 25%, les annonces de passoires ont reculé de 40%.
«L’ensemble de l’offre locative étant en repli, la loi Climat n’est pas la seule cause du baisse du nombre d’annonces de location de passoires thermiques. La hausse des prix et des taux d’intérêt diminuent le pouvoir d’achat des aspirants à l’accession. Ils restent ainsi bloqués plus longtemps dans la location», a expliqué Thomas Lefebvre, estimant qu’il faudrait que les prix s’ajustent d’environ 20% pour compenser la hausse des taux.
Source : SeLoger
(1)Analyse économique de 5 millions d’annonces de maisons et d’appartements anciens en vente publiées sur le site SeLoger ainsi que de transactions conclues et communiquées par les agences partenaires Meilleurs Agents entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2022.
(2)EtudeOpinionWay menée auprès de 5.000 Français du 20 décembre 2022 au 5 janvier 2023 sur un échantillon représentatif de la population française, avec un focus acheteurs, vendeurs, locataires, propriétaires et propriétaires bailleurs.
, Chiffres clés Hausse des prix: +3,7% pour les logements F et G contre +7% pour l’ensemble du marché 5,2 millions de passoires thermiques en France (soit 17% du parc) -40% d’annonces de location de passoires en 2022 (contre 25% pour le marché) ,
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