
Des mesures en faveur du logement vertueuses à l’impact douteux

Développer l’offre de logements est l’un des objectifs du projet de loi de Finances pour 2013. Pour ce faire, plusieurs mesures visent à créer un choc d’offres et à favoriser la construction dans les zones tendues. Certaines sont bien accueillies par les professionnels mais d’autres les rendent plus dubitatifs. A cela viennent s’ajouter a priori des désaccords entre le gouvernement, le parti majoritaire et la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur le nouveau dispositif d’incitation fiscale à l’investissement locatif.
Une réduction d’impôt attractive.
En l'état des travaux, le régime déjà dénommé Duflot reprendrait ainsi le mécanisme fiscal de réduction d’impôt de son prédécesseur «Scellier» et proposerait même un taux plus attractif de 18% - contre 13% pour le Scellier classique actuel et 17% pour l’intermédiaire -, ce que soutiennent les professionnels. Toutefois, la ressemblance devrait s’arrêter là, les conditions d’application du nouveau régime étant plus contraignantes afin d’atteindre un objectif plus social. «Le nouveau régime Duflot correspond aux besoins de logements des ménages,considère François Payelle, président de la Fédération des promoteurs immobiliers. Le fait que seul l’investissement dans l’intermédiaire soit proposé est une mesure favorable au développement de ce dispositif comparativement au Scellier décliné à la fois en libre et en intermédiaire.»
Le dispositif comporte pour l’heure une seule durée d’engagement de neuf ans sans possibilité de prorogation, contrairement aux régimes précédents qui étalaient dans le temps le coût pour le budget de l’Etat.
Une contrepartie plus sociale.
Contrepartie plus sociale oblige, les plafonds de ressources des locataires seraient revus et les plafonds de loyers réduits de l’ordre de 20% par rapport au marché. Ces derniers seraient établis par des observatoires de loyers locaux, lesquels iraient jusqu'à différencier les plafonds de loyers par quartier et par type de logements.
Le temps que ces observatoires se mettent en place, des plafonds par zone devraient être prévus pour 2013. «La publication de ces limites de loyer devra se faire au plus vite pour permettre aux promoteurs d’avoir toutes les cartes en main. Reste à connaître la référence de loyer sur laquelle va porter la baisse de 20%: le prix de marché ou le prix plafond. Si le problème ne se pose pas lorsque le loyer de marché est supérieur au plafond, il survient dans le cas inverse », estime Etienne Sumonja, directeur de la Fédération des métiers de l’investissement locatif (FMIL). Aussi, le Duflot ne permettrait pas de déduire 30% des revenus locatifs, ce qui, avec la baisse des loyers, rognerait encore du rendement.
Rendement moins incitatif.
Par ce dispositif, l’Etat souhaite construire 40.000 logements l’année prochaine mais les investisseurs répondront-ils présents en considérant la défiscalisation suffisante pour compenser la rentabilité moindre et en prenant en compte le plafond global de 10.000euros? «Le nouveau dispositif apparaît plus performant que le Scellier libre en 2012. Une baisse légère du rendement par rapport au mécanisme d’origine est acceptée par les investisseurs contre le gage de stabilité et de sécurité dans le temps que procure l’immobilier, estime François Payelle. La baisse des loyers favorise une diminution des prix de vente.La Fédération plaide pour un recul progressif des prix portant sur deux facteurs: d’une part sur le prix du foncier grâce à la libération de terrains de l’Etat et à la réforme de la fiscalité des plus-values sur les terrains à bâtir, et d’autre part sur le prix de construction par l’arrêt de l’amoncellement de nouvelles normes coûteuses. Cet ajustement des prix permettra d’investir dans des logements plus grands.»
En revanche, pour Thierry Delesalle, notaire qui demeure dubitatif sur le résultat obtenu par le dispositif Duflot, «si l’objectif de viser des logements intermédiaires est louable, le risque est qu’au regard des plafonds, les investisseurs se contentent de petits logements».
Ajustement géographique.
Pour autant, alors qu’il est reproché aux dispositifs fiscaux de participer à l’inflation des prix immobiliers, le Duflot ne fixe pas de limite sur ce point à l’exception de celle déjà présente dans le Scellier et instituant un plafond de prix par mètre carré différent par zone. «Un plafond unique de 6.000 euros/m2 pourrait être retenu», avance Etienne Sumonja.
Par ailleurs, pour éviter les logements vides et la mauvaise image qui poursuit la défiscalisation, le projet du gouvernement exclut la zone B2 du dispositif comprenant les communes de plus de 50.000 habitants. Toutefois, cette dernière pourrait devenir éligible devant le Parlement. «Pour atteindre les 40.000 logements, il faut que la zone B2 soit très largement associée au dispositif, sans quoi des opérations, notamment mixtes avec logement social, seront stoppées», demande François Payelle. Des députés ont d’ailleurs fait cette requête lors de récentes questions ministérielles, considérant que des zones tendues existent sur ces territoires. En outre, un dispositif Duflot spécifique à l’Outre-mer devrait être proposé. «Nous demandons qu’il se caractérise par une diminution de la durée d’engagement à six ans et par un taux de réduction d’impôt plus élevé de l’ordre de 40% et qu’il soit introduit dans le plafond Outre-mer et non le plafond global de 10.000euros», indique Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer.
Période transitoire.
Face à la chute des commercialisations (de l’ordre de 50% en 2012 passant à 30.000 investissements locatifs dans le neuf), la FMIL demande une période transitoire laissant la possibilité aux personnes engagées dans un investissement depuis le 1er septembre 2012 de choisir entre le Scellier et le Duflot. «La situation est grave et ne semble pas être comprise par le gouvernement», s’inquiète le directeur de la FMIL.
Obligation de mixité.
Par ailleurs, les professionnels s’interrogent sur l’obligation de commercialiser hors défiscalisation une part fixée par décret de 20% minimum du programme et notamment sur le fait de savoir si elle portera sur un immeuble ou une opération(1). «Avec la part de 25 à 30% de logements sociaux également imposée et que le gouvernement souhaite distinguer de cette part minimum de 20%, cette obligation risque de poser un problème d’équilibre financier des projets quand on sait que 30% de logements sociaux dans un programme représentent une hausse du coût de 11% pour les investisseurs privés», explique Etienne Sumonja.
Faisant partie des articles non rattachés du projet de loi de Finances, les dispositions concernant le Duflot et le plafond global des niches fiscales seront examinées devant l’Assemblée nationale à partir du 13 novembre prochain.
(1) Les SCPI ne seraient soumises ni au plafond de prix par mètre carré, ni à la part de 20% dès lors qu’elles acquièrent la totalité du programme.
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Alors que l’Otan, la semaine dernière, en a neutralisé moins de cinq sur la vingtaine ayant pénétré dans l’espace aérien polonais. Pour produire beaucoup et à moindre frais, l’approche de l’industrie ukrainienne a été notamment de reconvertir des technologies pacifiques à des fins militaires, comme l’usage de petits drones civils pour lâcher des explosifs sur les soldats russes. Ces drones, au bourdonnement caractéristique, étaient bien présents au salon de l’armement de Lviv. Des robots futuristes, ressemblant à des voitures contrôlées à distance et prévus pour ravitailler ou évacuer les soldats sur le front, étaient également exposés, avec, à leurs côtés, de jeunes ingénieurs montrant sur leurs écrans la façon de relier ces engins à l’intelligence artificielle (IA). «C’est une vitrine pour insister sur le fait que l’Ukraine est technologique, l’Ukraine se développe. Si vous faites dans la tech-défense, si vous n'êtes pas en Ukraine, vous n'êtes pas dans la tech-défense», tranche Thomas Moreau, représentant en Ukraine du GICAT, un groupement d’entreprises françaises de défense. Investissements «dérisoires» Au-delà des démonstrations spectaculaires, il reste encore beaucoup à faire. Les investissements étrangers dans les technologies militaires ukrainiennes restent «dérisoires», souligne Iaroslav Ajniouk, PDG de The Fourth Law, qui fabrique des systèmes d’IA pour drones d’attaque. Selon lui, la seule façon de vaincre la Russie est de remporter la course aux armements et l’Occident n’a pas compris l’urgence d’investir. «C’est comme regarder la suite de Don’t Look Up ", dit-il, en référence à cette comédie dramatique américaine dans laquelle des scientifiques tentent d’alerter des responsables inconscients d’une catastrophe imminente. Certains semblent néanmoins réagir. Lors du salon de Lviv, son organisateur, Brave1, une plateforme gouvernementale, a affirmé que des entreprises étrangères avaient l’intention d’investir plus de 100 millions de dollars (plus de 85 millions d’euros) dans les technologies de défense ukrainiennes. Swarmer, une société développant des drones pilotés par l’IA, a conclu le plus important investissement public en obtenant 15 millions de dollars (12,8 millions d’euros) auprès d’investisseurs américains. À titre de comparaison, un député ukrainien a récemment déclaré que l’Ukraine dépensait environ 170 millions de dollars (environ 145 millions d’euros) par jour pour mener la guerre. Des participants au salon expliquent que les investissements se heurtent aussi à des obstacles bureaucratiques, notamment une réglementation stricte qui interdit de facto les exportations en raison de pénuries. 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