Olivier Laffitte: «Les souscripteurs de produits ESG pourraient se regrouper dans le cadre de contentieux de masse»

Trois questions à Olivier Laffitte, avocat associé chez Deyla Partners et membre du Forum pour l’investissement responsable (FIR).
portrait NB d’Olivier LAFFITTE
Olivier Laffitte, avocat associé chez Deyla Partners et membre du Forum pour l’investissement responsable (FIR)  - 

Le greenwashing pourrait-il conduire à des actions en justice ?

Le droit de la finance durable est apparu récemment en France, tout d’abord avec des textes nationaux, puis européens. Les acteurs financiers ont été pris à la gorge par cette arrivée massive de la réglementation, technique, complexe et qui comporte beaucoup de notions ne relevant pas du juridique pur. Cela reste néanmoins du droit, lequel sera interprété, in fine, par des juges.

Actuellement, nous sommes dans une phase de compliance, où les acteurs cherchent à intégrer ces nouvelles normes et les contraintes qu’elles génèrent dans leur organisation et leurs process. Mais ils ne sont pas entrés dans la phase du risk management. Or cette réglementation crée des risques juridiques nouveaux. Les souscripteurs des produits ESG pourraient se regrouper dans le cadre de contentieux dits « de masse ».

De quel préjudice peuvent se prévaloir les épargnants ?

Traditionnellement, les tribunaux reconnaissent le préjudice financier, qui repose sur une perte financière. Or les produits de finance durable créent un nouveau type de préjudice. En effet, avec la prise en compte des préférences des épargnants en matière de durabilité, ces derniers se voient recommander des produits de finance durable. Les critères extra-financiers deviennent alors des engagements contractuels et, si le placement n’est pas à la hauteur des caractéristiques ESG annoncées, le client peut réclamer une indemnisation. Ce sera aux juges d’en évaluer l’ampleur.

Quels sont les professionnels les plus exposés ?

Du producteur au distributeur, ils le sont tous. Tous ces acteurs sont liés par des rapports contractuels : la responsabilité est partagée selon les termes de cette chaîne de contrats. Les acteurs doivent donc évaluer si leurs contrats comportent des clauses adaptées pour encadrer le périmètre de leur responsabilité. Certains commencent à prendre conscience du sujet mais la grande majorité n’en est pas encore là.

Du côté des distributeurs, l’obligation légale, existant depuis 2023, de s’informer sur les préférences ESG des souscripteurs de produits financiers sera de nature à faciliter la démonstration de leur faute contractuelle. Car ils ne sont plus seulement des conseillers financiers mais aussi extra-financiers. Ils doivent donc s’adapter : modifier leurs contrats à l’aune de cette nouvelle responsabilité, revoir leur police d’assurance et, plus largement, la manière dont ils commercialisent les différents placements.

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