
La voie de la réparation est ouverte

L’arrêt du 23 novembre 2017 rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (n°16-21.671) a été fort remarqué. Sur la base d’une action en justice que certains estiment dictée par la «vénalité», d’autres considèrent «surprenante» (1) la décision rendue par la haute juridiction.
Une renonciation acceptée. Particularité de cette affaire : son issue ouvre la voie à de nouveaux développements contentieux, non pas sur la base d’un refus de l’assureur – traditionnelle source de conflit – mais sur le fondement de l’acceptation par ce dernier de l’exercice prorogé de la faculté de renonciation. En l’espèce, en 2000, deux contrats de capitalisation ont été souscris pour près de 1,9million de francs auprès d’Axa France Vie. A côté, un contrat d’assurance vie a été souscrit moyennant un versement de 300.000 francs. Au cas particulier, la compagnie d’assurance a accepté la renonciation, notifiée par ses clients en 2010, et a procédé au remboursement des primes versées augmentées d’intérêts au taux légal majoré.
Des torts recherchés. Il était généralement tenu pour acquis que l’exercice de la faculté de renonciation se traduit par la seule annulation du contrat d’assurance. Mais dans ce dossier, cette position de principe n’a pas atténué la prétention des souscripteurs. Ils ont assigné la compagnie en indemnisation des préjudices subis en lui reprochant d’avoir manqué à son obligation de mise en garde et d’information. Non sans résistance, puisque la Cour d’appel a rejeté ces demandes au motif que la sanction du défaut d’information précontractuelle prévue par l’article L.132-5-1 du Code des assurances, dans sa version alors applicable, est exclusive de toute autre. Selon elle, sur la base de ce manquement les souscripteurs ne peuvent pas solliciter des dommages-intérêts dans la mesure où ils ont obtenu la restitution intégrale des primes augmentées des intérêts au taux légal majoré.
Une réparation autorisée. Mais cette analyse n’a pas été suivie par la Cour de cassation. Elle a sanctionné l’appréciation des juges du fond en considérant que la restitution intégrale des sommes versées n’est pas «la seule sanction envisageable». Rien n’interdisait les souscripteurs de rechercher la responsabilité de l’assureur pour manquement à son obligation précontractuelle d’information et de conseil. Par ailleurs, la haute chambre a consacré le fait que l’exercice de la faculté de renonciation ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de l’article 1382 du Code civil, «fût-ce au titre du même manquement de l’assureur à son devoir d’information». Pour rappel, cette disposition article, devenu l’article 1240 du Code civil, dispose que «tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer». Seule limite au montant de la réparation envisagée, les juges ont considéré que «l’appréciation des conséquences dommageables» de ce manquement sur le terrain de la responsabilité civile doit «tenir compte de la restitution des sommes versées et du paiement des intérêts au taux légal» à la charge de l’assureur.
Des actions à mener. Il s’agit bien d’une nouveauté jurisprudentielle, la Cour de cassation venant d’ouvrir la faculté de demander le versement de dommages et intérêts sur la base de l’article L.132-5-1. Ce qui n’est pas rien au regard notamment des arrêts rendus en appel au sujet de l’exercice de la faculté de renonciation qui sont loin de conclure au rejet en bloc –comme il était escompté par les compagnies d’assurance – de toutes les demandes en provenance des souscripteurs sur la base de leur prétendue mauvaise foi (L’Agefi Actifs, n°712, p.22). Mais cet arrêt doit être analysé en considération de ce que le contrat avait pris fin avec la renonciation et n'était donc plus en cours lorsque les souscripteurs ont sollicité judiciairement l’attribution de dommages et intérêts.
, (1) Pour le cabinet Taylor Wessing, le souscripteur n’obtiendra que des dommages-intérêts symboliques, sauf cas particulier.
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