La BCE craint l’impact des crypto pour la stabilité financière

Tout concourt à faire des crypto-actifs un risque systémique émergent, pointe la Banque centrale européenne dans une étude.
Alexandre Garabedian
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Les cryptomonnaies sont-elles viables ?  -  Crédit Fotolia.

L’avertissement tombe à point nommé, quinze jours après l’effondrement du stablecoin Terra. Les crypto-actifs finiront par poser un risque pour le système financier, en raison de leur démocratisation et de leurs liens croissants avec les banques et les investisseurs institutionnels, a estimé, le 24 mai, la Banque centrale européenne (BCE), qui a publié par anticipation sur son site internet un chapitre de son rapport semestriel de stabilité financière.

«La nature et la taille des marchés de crypto-actifs évoluent rapidement, et si les tendances actuelles se poursuivent, ils poseront un risque à la stabilité financière», relèvent les experts de la BCE. La banque centrale reconnaît que la fonte de la capitalisation des crypto, estimée à 1.300 milliards de dollars depuis novembre, n’a pas eu d’effets de contagion. Mais le point de non-retour pourrait être rapidement atteint, car les barrières avec la finance traditionnelle tombent les unes après les autres.

10% des ménages ont investi

Le bitcoin ou l’ethereum, présentés à l’origine comme des placements décorrélés des actifs traditionnels, réagissent de plus en plus comme les actions lors des stress de marché. Qu’il s’agisse de mars 2020 ou des coups de chaud de novembre 2021 et mai 2022, leurs prix présentent une corrélation croissante avec ceux des autres actifs risqués, «ce qui rend douteuse leur utilité pour diversifier un portefeuille», relève la BCE.

La banque centrale ajoute que l’interconnexion des crypto avec le système financier traditionnel, encore limitée, s’accroît. Les banques développent par exemple des services de conservation de crypto-actifs. Des produits régulés, comme les fonds indiciels cotés (ETF) ou les contrats futures, permettent aux investisseurs institutionnels ou particuliers de parier sur ces actifs. L’enquête de la BCE sur les attentes des consommateurs, réalisée en novembre dernier dans six pays de la zone euro (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Pays-Bas), montre que 10% des ménages auraient acheté du bitcoin ou un équivalent. Ces taux varient de 6% en France à 14% aux Pays-Bas.

L’effet de levier, constante du risque systémique, caractérise également l’univers crypto. Des plateformes d’échange, comme Binance, permettent aux investisseurs de miser jusqu’à 125 fois leurs fonds grâce à la dette, mais les superviseurs financiers ne disposent pas de données claires sur le niveau de levier dans le système. Enfin, le développement embryonnaire de la finance décentralisée (DeFi) met en jeu des mécanismes là aussi potentiellement déstabilisants, avec des systèmes de prêts gagés sur des crypto.

La réglementation MiCa, nécessaire mais pas suffisante

La Banque centrale européenne identifie dès lors quatre canaux de transmission de risque pour la stabilité financière. Les effets de richesse, ceux de confiance, si les agents économiques voient la valeur de leurs placements s’effondrer, l’exposition du secteur financier traditionnel, et l’utilisation des crypto comme moyen de paiement.

Si l’Union européenne travaille à une régulation des crypto-actifs – MiCa, «à approuver en urgence» –, la BCE considère celle-ci comme une première étape. Elle invite notamment tous les régulateurs à faire preuve de vigilance dès qu’une réforme accroîtra les connexions entre les univers des actifs numériques et de la finance traditionnelle.

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