
Total gagne une manche contre les ONG sur le devoir de vigilance

Coup d’épée dans l’eau. Le tribunal judicaire de Paris a botté en touche mardi et jugé que le recours lancé en 2019 par les Amis de la Terre France, Survie et quatre ONG ougandaisescontre TotalEnergies, en raison de son méga-projet pétrolier en Ouganda et en Tanzanie et de ses conséquences sur les droits humains et l’environnement, était irrecevable. Pourquoi ?
Les juges ont constaté que les griefs sont substantiellement différents de ceux de 2019, car ils concernent aussi le plan de vigilance 2021 et que ceux-ci n’ont pas été notifiés à TotalEnergies par une mise en demeure préalable. En effet, les ONG avaient assigné le groupe pétrolier en référé en octobre 2019 afin de l’enjoindre d’exécuter ses obligations en matière de vigilance «eu égard tant aux insuffisances de son plan que de sa mise en œuvre effective ainsi que de sa publication».
Cette interprétation «est sévère et discutable, confie Louis Cofflard, avocat des ONG. Une grande partie des demandes sont les mêmes que celles de 2019. Mais nous les avons faites évoluer en raison de la longueur de la procédure. Ce qui a permis à TotalEnergies de s’ajuster sur certains points. Il avait déjà dû faire auditer son plan de vigilance avant l’audience de 2019». Les associations requérantes contestent avoir modifié substantiellement leurs demandes et expliquent qu’elles «n’ont fait que les préciser et consolider leur argumentaire avec plus de 200 documents de preuves à l’appui».
En dépit de cette irrecevabilité, «l’ordonnance reconnaît que la loi sur le devoir de vigilance ne se limite pas à un simple formalisme et reconnait notamment son application à l’étranger. Un point très prometteur», se félicite Louis Cofflard. «En s’intéressant aux chaînes d’approvisionnement mondiales, [les législations sur le devoir de vigilance] sont nécessairement dotées d’effets extraterritoriaux compatibles avec une certaine interprétation de l’obligation de l'État de faire respecter par les tiers les droits de l’homme, aucune règle ne prohibant à l'État d'édicter des règles à portée extraterritoriale régissant les activités d’entreprises présentes sur son territoire », indique la décision.
Pour sa part TotalEnergies prend acte de cette décision et rappelle avoir «établi formellement un plan de vigilance comportant les cinq items prévus par la loi sur le devoir de vigilance, suffisamment détaillés pour ne pas être regardés comme sommaires».
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Juges du fond
Le dossier n’est pas refermé pour autant. Les ONG pourraient intenter une action au fond sur le volet de la prévention, et/ou en responsabilité civile sur le volet de la réparation. Pour l’heure, «elles se réservent sur les suites à donner à cette décision, en consultation avec les communautés affectées» Cette décision était très attendue. La première intentée au nom de loi française de 2017 sur le devoir de vigilance. Surtout, beaucoup d’autres entreprises sont dans le viseur des ONG. Notamment BNP Paribas.
Cette décision «ne vient pas non plus donner raison à TotalEnergies, puisque le tribunal ne s’est pas prononcé sur le cœur du dossier, à savoir le respect de son devoir de vigilance», ajoutent les ONG dans leur communiqué. En effet, «il n’appartient qu’au seul juge du fond, le cas échéant, de dire si les griefs reprochés à la société TotalEnergies sont caractérisés ou si cette dernière apporte la preuve du respect de son devoir de vigilance […] et de procéder au contrôle des outils prévus et mis en œuvre dans le cadre du plan de vigilance litigieux […], étant observé qu’aucune illicéité, en l’état, n’est caractérisée avec l’évidence requise en référé ou de manière manifeste », poursuit l’ordonnance.
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