
Shell offre un point à Londres dans la bataille post-Brexit

Un vote de confiance clair » dans l'économie britannique « alors que nous nous efforçons de renforcer la compétitivité, d’attirer les investissements et de créer des emplois ». Le ministre des Entreprises, Kwasi Kwarteng, a sauté sur l’occasion lundi sur Twitter pour faire de la décision de Shell, qui a renoncé à sa structure anglo-néerlandaise afin de localiser son siège fiscal au Royaume-Uni, un outil de promotion de l’attractivité du pays, désormais sorti de l’Union européenne. Cette annonce est aussi vue comme une revanche de Londres sur Amsterdam, alors que la place financière néerlandaise commençait à faire de l’ombre à la City dans certains métiers.
Dans le camp néerlandais, la pilule est amère. « Nous sommes en dialogue avec la direction de Shell sur les conséquences de ce plan pour l’emploi, les décisions cruciales d’investissement et la durabilité », a réagi le ministre des Affaires économiques et de la Politique climatique, Stef Blok. Son gouvernement s’est dit « désagréablement surpris » par la nouvelle.
Symboliquement, lorsque la major pétrolière traversera la mer du Nord, elle supprimera le terme Royal Dutch de son nom pour ne garder que Shell, coupant ainsi le cordon avec la monarchie des Pays-Bas, à l’origine de la création de la Royal Dutch Petroleum Company en 1890. Le titre royal avait été maintenu après le rapprochement avec la société britannique Shell Transport and Trading Company en 1907.
Deuxième départ
Royal Dutch Shell dispose actuellement de deux classes d’actions et est domicilié fiscalement aux Pays-Bas. L’entreprise est toutefois enregistrée au Royaume-Uni. Après sa réorganisation, la major ne disposera que d’une classe unique d’actions. Son domicile fiscal sera situé au Royaume-Uni, où se tiendront à l’avenir les réunions du conseil d’administration et du comité exécutif. Le directeur général et le directeur financier du groupe pétrolier et gazier devront eux aussi être localisés au Royaume-Uni.
Le transfert de la résidence fiscale hors des Pays-Bas pourrait n’avoir qu’un impact direct modeste sur les recettes de l’Etat. Shell a déclaré avoir payé 212 millions de dollars aux autorités néerlandaises en 2020, par rapport à sa facture globale d’impôt sur les sociétés de 3,4 milliards de dollars. Le groupe a également cherché à atténuer le coup lundi, en disant que seule une poignée de postes de direction seraient transférés à Londres.
Mais selon la Confédération de l’industrie et des employeurs néerlandais (VNO), « le départ de Shell » est une « énorme saignée » et démontre que « le climat des affaires néerlandais se dégrade ». Le pays avait déjà vu partir en 2020 Unilever vers le Royaume-Uni alors que le groupe d’agroalimentaire envisageait initialement de concentrer son siège aux Pays-Bas.
Ce second départ d’envergure devrait relancer la question de la fiscalité des dividendes aux Pays-Bas. Shell et Unilever ont milité ces dernières années pour obtenir la suppression d’une taxe de 15% sur les dividendes imposée aux seuls actionnaires étrangers. Le Premier ministre Mark Rutte, qui a commencé sa carrière chez Unilever, a tenté en 2018 de faire sauter cette taxe, mais le Parlement s’y est opposé.
Plus de rachats d’actions
Selon la direction de Shell, cette simplification permettra de renforcer la compétitivité du groupe et d’accélérer sa stratégie de neutralité carbone et la rémunération de ses actionnaires. Le groupe a expliqué dans une présentation aux investisseurs que l’adoption d’une classe unique d’actions lui permettrait de racheter davantage de titres puisqu’il disposera d’une plus grande réserve d’actions ordinaires qu'à l’heure actuelle. Le groupe prévoit de verser 7 milliards de dollars à ses actionnaires lorsqu’il aura bouclé la cession de ses actifs dans le Bassin permien aux Etats-Unis.
Une fois la nouvelle structure mise en place, les actions Shell resteront cotées à Amsterdam, Londres et, sous forme de certificats américains de dépôt (ADS), à New York. L’action Shell restera incluse dans les indices FTSE au Royaume-Uni et le groupe s’attend à ce qu’elle continue de faire partie de l’indice AEX aux Pays-Bas.
Les actionnaires se prononceront sur ce projet en assemblée générale le 10 décembre à Rotterdam, mais, dès hier, ils ont soutenu le plan en faisant gagner 2,1% à l’action. « L’alignement de sa structure d’actions sur celle de ses comparables pourrait en théorie doubler le volume des rachats d’actions que Shell peut mettre en œuvre par trimestre, de 2,5 milliards à 5 milliards de dollars par trimestre », estiment les analystes de Bernstein. Leurs confères de RBC soulignent aussi que Shell pourra plus facilement gérer son portefeuille alors qu’actuellement il a besoin de plusieurs autorisations pour acheter ou vendre des actifs en raison des deux classes d’actions.
Les annonces de Shell interviennent quelques semaines après que le fonds activiste Third Point a pris une importante participation au capital du groupe, l’exhortant à se scinder en deux entreprises distinctes. La major fait également l’objet de pressions aux Pays-Bas de la part de militants pour le climat. Elle a fait appel d’une décision de justice néerlandaise rendue en mai dernier, lui ordonnant d’agir plus rapidement pour réduire ses émissions de carbone. Sa délocalisation n’éteint pas cette procédure.
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Australie : attaque mortelle de requin sur un surfeur à Sydney, plages fermées
Sydney - Un «grand requin» a tué un surfeur samedi sur une plage populaire de Sydney, a annoncé la police, une attaque mortelle rare qui a entraîné la fermeture de plusieurs plages en Australie. La victime, un habitant de 57 ans, surfait avec cinq ou six amis dans les eaux du Pacifique, au large des plages voisines de Long Reef et Dee Why, au nord de Sydney, ont précisé les autorités. Ce surfeur expérimenté, marié et père d’une jeune fille, a perdu «plusieurs membres», a déclaré le responsable de la police de l’Etat de Nouvelle-Galles du Sud, John Duncan, lors d’une conférence de presse. «D’après ce que je comprends, lui et sa planche ont disparu sous l’eau», a-t-il ajouté. «Le corps a été retrouvé flottant dans les vagues» et «la planche du surfeur a été brisée en deux». Deux surfeurs l’ont aperçu dans l’eau et l’ont ramené à terre. «Malheureusement, à ce moment-là, il avait déjà perdu énormément de sang, et les tentatives de réanimation ont échoué», a poursuivi M. Duncan. Des témoins ont vu le squale, a indiqué la police, qui avait évoqué auparavant un «grand requin». Des experts gouvernementaux examineront les restes de la planche et le corps de la victime afin de déterminer l’espèce du requin, a indiqué la police. La plupart des morsures graves en Australie proviennent de grands requins blancs, de requins-bouledogues et de requins-tigres. Des images diffusées par les médias locaux montraient des policiers rassemblés sur le rivage et des ambulances garées à proximité. Les plages situées entre les quartiers nord de Manly et Narrabeen ont été fermées pour au moins 24 heures, a indiqué Surf Life Saving NSW, branche locale d’un réseau de clubs de sauveteurs bénévoles et professionnels. «Terrible tragédie» «Pour le moment, merci de rester hors de l’eau sur les plages environnantes et de suivre les consignes des maîtres-nageurs et sauveteurs», a déclaré le directeur général de l’organisation, Steven Pearce. «Nous adressons nos plus sincères condoléances à la famille de l’homme touchée par cette terrible tragédie». Les clubs de sauvetage voisins ont annulé toutes les activités et entraînements nautiques pour le week-end. Des drones et des sauveteurs sur des jets skis surveillaient les plages à la recherche de la présence de requins. Il s’agit de la première attaque mortelle de requin à Sydney depuis 2022, lorsque Simon Nellist, un moniteur de plongée britannique de 35 ans, avait été tué au large de Little Bay. La précédente attaque fatale dans la ville remontait à 1963. Un surfeur anonyme a déclaré au Sydney Daily Telegraph avoir été témoin des suites de l’attaque : «Quatre ou cinq surfeurs l’ont sorti de l’eau et il semblait qu’une partie importante de la partie inférieure de son corps avait été attaquée», a-t-il dit. Les gens ont été sommés de sortir de l’eau, a-t-il raconté. «Il y avait un sauveteur qui agitait un drapeau rouge. Je ne savais pas ce que cela signifiait... mais j’ai pensé que je devais probablement rentrer à terre». La dernière attaque mortelle en Australie remonte à mars, lorsqu’un surfeur avait été tué au large de la plage isolée de Wharton Beach, en Australie-Occidentale. Depuis 1791, plus de 1.280 incidents impliquant des requins ont été recensés en Australie, dont plus de 250 mortels, selon une base de données sur les rencontres entre ces squales et les humains. David WILLIAMS © Agence France-Presse -
Anthropic règle un litige majeur sur le droit d’auteur en IA avec un accord à 1,5 milliard de dollars
New York - La start-up américaine d’intelligence artificielle (IA) Anthropic a accepté de verser au moins 1,5 milliard de dollars à un fonds d’indemnisation d’auteurs, ayants droit et éditeurs qui poursuivaient l’entreprise pour avoir téléchargé illégalement des millions de livres, selon un document de justice publié vendredi. Cet accord à l’amiable, d’un montant colossal, constitue une étape marquante dans le débat sur l’utilisation de données pour développer et entraîner les grands modèles d’IA générative. «Cet accord historique est le plus élevé pour une affaire de droits d’auteur», a commenté auprès de l’AFP l’avocat des détenteurs de droits, Justin Nelson, du cabinet Susman Godfrey. «C’est le premier de son genre dans l'ère de l’IA». Fin juin, le juge californien saisi du dossier avait néanmoins estimé que le fait d’alimenter un logiciel d’IA générative avec des oeuvres en théorie protégées par le droit d’auteur ne constituait pas une infraction. Il avait seulement retenu contre Anthropic le téléchargement et le stockage de livres issus de librairies pirates en ligne, reconnaissant la société californienne coupable de ne pas avoir acheté ces ouvrages. «Nous sommes en désaccord avec l’opinion du tribunal selon laquelle on peut séparer le téléchargement d’une oeuvre de son utilisation», a indiqué une porte-parole d’Anthropic. Mais «nous pensons que cet accord va nous permettre de nous concentrer sur notre mission essentielle, plutôt que sur un long contentieux», a-t-elle ajouté. Le montant sur lequel se sont accordées les parties sera au minimum de 1,5 milliard de dollars et pourrait augmenter si la liste définitive des livres concernés, qui n’est pas encore arrêtée, dépassait 500.000, auquel cas Anthropic verserait 3.000 dollars de plus par ouvrage. L’accord doit encore être homologué par le juge William Alsup. Une audience est prévue lundi au tribunal fédéral de San Francisco. «Un début» Cette transaction permet à Anthropic d'éviter un procès, qui devait démarrer début décembre pour déterminer le montant des dommages et intérêts. La start-up risquait d'être condamnée à débourser une somme bien supérieure à celle décidée avec les détenteurs de droit, au point de mettre en péril son existence même. L’accord «va assurer à chaque (plaignant) une indemnisation significative», a fait valoir Justin Nelson, «et il établit un précédent en matière de paiement des détenteurs de droits.» De nombreux autres dossiers sont encore en cours devant des tribunaux américains, initiés par des écrivains, musiciens ou éditeurs de presse pour utilisation non autorisée de leur production. Vendredi, deux écrivains ont lancé un recours, qu’ils souhaitent collectif, contre Apple, accusant le géant de la Silicon Valley d’avoir utilisé des oeuvres contenues dans des bibliothèques pirates pour entraîner les modèles d’IA intégrés dans ses appareils. La plupart des grands acteurs de l’IA générative s’appuient sur la notion juridique d’utilisation équitable («fair use» en anglais), susceptible de limiter l’application du droit de propriété intellectuelle. Dans sa décision de juin, le juge Alsup avait estimé qu’en entraînant ses modèles d’IA, baptisés Claude, avec des milliers de livres, Anthropic s’inscrivait dans le cadre de l’utilisation équitable. «Le principe juridique selon lequel le développement de l’IA sur des oeuvres protégées relève d’une utilisation équitable demeure intact», a souligné la porte-parole d’Anthropic. Cet accord «ne fait que régler un différend sur la façon dont certains documents ont été obtenus», a-t-elle poursuivi. En juin, dans une autre affaire de ce type, concernant Meta, devant la même juridiction, un autre magistrat fédéral avait donné raison au géant des réseaux sociaux, mais tout en expliquant que les plaignants auraient pu soulever des arguments recevables. Les créateurs de contenu, qu’il s’agisse de musique, de livres ou d’articles, s’inquiètent de voir la valeur marchande de leur travail s’effondrer avec l'émergence des interfaces d’IA générative. «Nous espérons qu’il s’agisse du premier exemple d’une longue série de sociétés d’IA à qui on demande des comptes pour le vol de contenu créatif», a réagi l’organisation Human Artistry Campaign, qui milite pour un développement responsable de l’IA. «Ce n’est qu’un début», a écrit l’association sur X, «mais il est marquant et historique.» Thomas URBAIN © Agence France-Presse -
Donald Trump rebaptise le Pentagone en « ministère de la Guerre » pour afficher la puissance américaine
Washington - Donald Trump a signé vendredi un décret visant à rebaptiser le ministère américain de la Défense en «ministère de la Guerre», ajoutant qu’il voulait par là envoyer un «message de victoire» et «de force» au reste du monde. Le président américain a laissé entendre qu’il pouvait se passer d’un vote du Congrès pour procéder à ce changement d’appellation. «Les mots comptent», a dit le chef du Pentagone Pete Hegseth, présent aux côtés de Donald Trump dans le Bureau ovale, assurant que cette nouvelle appellation devait permettre de «restaurer une éthique guerrière». Formellement, il s’agit pour l’instant d’une appellation «supplémentaire», selon un document distribué dès jeudi par la Maison Blanche. Un haut responsable du ministère a indiqué que le coût de cette opération, potentiellement très dispendieuse, deviendrait «plus clair» au fur et à mesure de sa mise en place. Peu après la signature du décret présidentiel, les mots «ministère de la Défense» ont été immédiatement retirés d’un mur dans le Pentagone, devant des caméras de télévision. Le site du ministère a été renommé et Pete Hegseth se présente désormais comme «ministre de la Guerre» sur X. «Nous allons soumettre (ce changement de nom) au Congrès», a prévenu Donald Trump. «Je ne sais pas (si les parlementaires voteront en ma faveur, ndlr), nous verrons bien, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient besoin de le faire». «Trop défensif» Ce n’est pas la première fois que le républicain de 79 ans impose ses idées sans passer par la case législative. Son second mandat est marqué par une volonté assumée d'étendre le pouvoir présidentiel, à coups de décrets et de décisions empiétant sur les prérogatives du Congrès. Il a signé vendredi son 200e décret depuis son retour à la Maison Blanche en janvier. Le président des Etats-Unis avait déjà fait part de ce projet qui restaurerait une appellation ayant existé de 1789 à 1947. «Défense, c’est trop défensif, et nous voulons aussi être offensifs», avait-il déclaré. Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a mobilisé l’armée pour imposer une image de puissance spectaculaire et combler son appétit de fastes militaires. Il a organisé un rare défilé le jour de son anniversaire, déployé la Garde nationale dans des villes dirigées par ses opposants, et ordonné une frappe exceptionnelle sur un bateau dans les Caraïbes dans le cadre de la lutte affichée contre le narcotrafic. Les démocrates dénoncent régulièrement ce recours aux militaires, révélateur selon eux d’une dérive autoritaire. Contre le «politiquement correct» Le président américain avait eu pendant son premier mandat une relation plutôt contrariée avec l’armée. Son ancien chef d'état-major, le général Marc Milley, l’a qualifié d’"aspirant dictateur». Des articles de presse avaient également attribué à Donald Trump des propos méprisants pour des militaires américains morts au combat. Cette fois, le dirigeant républicain a remanié l'état-major américain pour s’entourer de hauts gradés choisis par ses soins, et a nommé en la personne de Pete Hegseth un ministre à la loyauté farouche. Le chef du Pentagone, adepte d’un discours viriliste et d’opérations de communication musculeuses, a dit vendredi que l’objectif de l’armée américaine était d’atteindre «une létalité maximale, pas une létalité tiède». Il a dit vouloir aller à l’encontre du «politiquement correct». Aurélia END © Agence France-Presse