
Les rémunérations des dirigeants méritent plus de clarté

Les rémunérations restent au cœur des contestions en assemblée générale 2022. BNPP AM s’est opposé à 61% des résolutions sur les rémunérations dans le monde (contre 60% en 2021). « Après une relative pause en 2021, liée aux baisses de rémunérations consécutives à la crise Covid, les contestations liées aux pratiques de rémunérations repartent, surtout aux Etats-Unis, où nous avons voté contre 90% de ces résolutions », précise Michael Herskovich responsable de la politique de vote et d’engagement de BNPP AM.
Les problématiques demeurent les mêmes : transparence sur les critères de rémunération, adéquation des objectifs, pertinence, alignement sur la performance, rémunération de l’échec… « Les sociétés progressent chaque année, tempère Michael Herskovich. Toutefois les augmentations de rémunération 2021 ont parfois été bien plus fortes que celle des résultats de l’entreprise. En outre, cette année, nous avons voté pour la première fois contre les rémunérations qui ne prévoyaient pas de critères environnementaux et sociaux ».
En France, les say on pay et les politiques de rémunération ont été adoptés en moyenne à 91% (contre 92% en 2021), selon les données de Scalens, avec une baisse de moitié des contestations (vote à moins de 80%), et un rejet chez Ipsos. « Les entreprises ont été attentives à ne pas proposer de packages excessifs en ce printemps d’élections, explique Jean de Calbiac, avocat, associé fondateur du cabinet Avanty. Les contestations sur les rémunérations ont concerné soit des cas particuliers (Orange,…), soit des sociétés où l’Etat est actionnaire. L’Etat n’assume pas les rémunérations supérieures à 450.000 euros, se figeant dans un principe d’opposition sans pour autant instaurer un dialogue avec les émetteurs ». Par ailleurs, l’apparition en France de rémunérations exceptionnelles, « crispe les investisseurs », constate Michael Herskovich. Même si Stéphane Richard, l’ancien PDG d’Orange a renoncé à une prime exceptionnelle de 475.000 euros, et qu’Antoine Frérot, PDG de Veolia, a renoncé à l’attribution de 30.000 actions.
La rémunération devient un outil d’opposition
Le rejet par les actionnaires de Stellantis de la rémunération de son directeur général, Carlos Tavares – même si la résolution n’est que consultative, la société étant de droit néerlandais – « montre le changement d’état d’esprit de la société civile, confie Caroline Ruellan, présidente de SONJ Conseil. La rémunération n’est plus mesurée à l’aune de la performance de l’entreprise, mais en fonction de son seuil d’acceptabilité. D’ailleurs, la rémunération n’est plus seulement une finalité, mais devient aussi un outil pour sanctionner la politique de la société, notamment sur ses performances climatiques ».
La séparation des pouvoirs entre président et directeur général est toujours appréciée par les proxys et par les investisseurs. « Dans la pratique, le modèle de la dissociation des pouvoirs n’est pas nécessairement le meilleur. La seule boussole doit rester l’intérêt de l’entreprise, estime Caroline Ruellan. Or, les présidents de conseil sont souvent des anciens exécutifs, qui ont souvent du mal à se mettre en retrait et à laisser la main au directeur général. Le plus souvent cet attelage ne fonctionne pas, faute d’une compréhension claire du rôle respectif de chacun et d’une connivence totale ».
Comment rémunérer les présidents ex-PDG ?
Cette année, la question de la rémunération du président non exécutif, ancien PDG, fait débat, au-delà du seul montant du fixe, qui a tendance à flamber dans certaines sociétés. Alors que le code Afep-Medef estime que l’attribution d’une part variable aux dirigeants non exécutifs « n’est pas souhaitable », « que deviennent alors les plans de long terme en cours des dirigeants ? s’interroge Michael Herskovich. Ils conservent la totalité ? Nous estimons que la meilleure solution est la proratisation. Pour autant, reste le risque de compenser cet abandon partiel par un fixe très élevé. Aussi, il est primordial de conserver une vision sur l’ensemble du package de rémunération. Dans toutes les hypothèses, les investisseurs n’aiment pas le cumul de rémunérations ». Face à ces questions, une réponse du code Afep-Medef ou du Haut Comité de gouvernement d’entreprise (HCGE) serait la bienvenue. Le poste de président non exécutif « peut, dans certaines circonstances, générer un fort investissement en temps et mérite donc d’être correctement rémunéré, poursuit Jean de Calbiac. Ce n’est pas tant une question de montant que d’influence. La rémunération du président ne doit pas être alignée avec les critères de performance de la direction générale. Le maintien ou non des plans de long terme, généralement triennaux, doit se faire au cas par cas. S’il reste quelques mois, on peut le maintenir, s’il débute, il n’est plus justifié ».
Mieux payer les administrateurs
Pour améliorer les plans de rémunération, « les comités de rémunération ont besoin de davantage de moyens pour véritablement challenger les rémunérations comme dans les sociétés américaines ou britanniques, ajoute Jean de Calbiac. Les administrateurs mériteraient également d’être mieux payés ». Si les réunions des conseils et des comités spécialisés se multiplient, les administrateurs sont relativement peu payés en France. « Nous soutenons généralement les résolutions relevant le montant de l’enveloppe de rémunération des administrateurs, confie Michael Herskovich. Parfois, la hausse de 20% ou 25% suscite l’opposition des proxys et de certains investisseurs, qui se focalisent sur la seule augmentation. A la société d’en expliciter clairement les raisons. Comme actionnaire, nous avons besoin d’administrateurs compétents et payés comme leurs pairs en Europe ».
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