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La politique sur le contrôle des investissements étrangers en France aura-t-elle un impact ?

La politique de contrôle des investissements étrangers existe depuis plusieurs décennies en France mais est restée longtemps à l’état embryonnaire. Elle connaît depuis dix ans un essor massif qui trouve désormais un prolongement au niveau de l’Union européenne. Les domaines d’activité et les cas d’application se sont étendus et l’analyse s’est technicisée.
L’intention est louable : protéger des secteurs stratégiques, dont la détention par des acteurs français répond à des besoins de souveraineté. Les activités d’Atos dans le nucléaire en sont un bon exemple. Le bien-fondé de ce type de régulation fait qu’elle est maintenant présente presque partout dans le monde : chez nos voisins européens, bien sûr, mais aussi aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Chine.
Les équipes du Trésor en charge du contrôle se sont étoffées et ont emmagasiné une expérience qui leur permet d’être efficaces. Elles sont sensibles aux situations d’urgence (difficultés financières de la cible notamment) et peuvent se montrer très réactives lorsque le dossier l’exige. Elles sont aussi bien connectées avec les autres services de l’Etat, ce qui les aide à mieux s’imprégner des problématiques et des marchés.
Enfin, ce sujet est loin de se limiter à sa dimension juridico-technique. Il s’est progressivement imposé dans le débat public, avec des cas emblématiques comme l’intervention du ministre Bruno Le Maire mettant fin à l’opération Carrefour Couche-Tard au détour d’une question d’une matinale radio. Aujourd’hui, une opération de rachat d’entreprise dans un secteur perçu comme sensible fera réagir publiquement médias, élus, experts, syndicats ou encore ONG. La dimension réputationnelle et politique s’invite désormais dans un nombre croissant d’opérations.
La France plus stricte que ses pairs
La Banque de France nous désignait déjà comme le pays européen le plus restrictif dans un papier d’octobre 2023. Cela se voit aussi dans le dernier rapport des Nations unies sur l’investissement.
Tout d’abord, la France contrôle beaucoup plus de dossiers : 309 en 2023 contre environ 400 pour les Etats-Unis, dont l’économie est bien sûr sans commune mesure ! Nos voisins européens contrôlent aussi moins de dossiers que nous : par exemple 257 pour l’Allemagne ou 108 pour l’Espagne. Une exception notable à cela, l’Italie, qui contrôle presque deux fois plus de dossiers que la France.
De plus, la France autorise globalement moins de dossiers que ses pairs. Ainsi, en 2023, nous en avons autorisé 44%, tandis que l’Espagne en a par exemple autorisé 95% et la Belgique 81%. Ceci dit, il convient de nuancer ces chiffres : parmi les dossiers non autorisés se cachent probablement de nombreux dossiers simplement hors périmètre d’application, plutôt que refusés pour des raisons de souveraineté.
Pas d’impact fort sur le marché des transactions
La question de l’impact sur le marché des transactions de ce contrôle en apparence plus sévère qu’ailleurs peut se poser. En effet, il s’est produit une chute spectaculaire des IDE en France entre 2022 et 2023 : ils ont diminué de 76 à 42 milliards d’euros, soit presque 50% de baisse !
Est-ce en raison d’un durcissement de la politique de contrôle ? A priori non, la chute s’explique surtout par le fait que 2022 était une année exceptionnelle ; 2023 marque un retour à la normale. La France reste d’ailleurs championne d’Europe des investissements étrangers, comme le souligne justement le rapport du Trésor.
Il faut reconnaître que les investisseurs étrangers sont largement rompus à ce type d’intervention étatique. De plus, les fonds d’investissement américains et anglais, qui représentent la majorité des investissements, ne sont pas forcément les nationalités les plus à risque de refus. Plus que le contrôle des investissements, ils sont surtout sensibles à des facteurs d’attractivité plus «classiques» tels que la qualité et la disponibilité de la main-d’œuvre, ou encore la stabilité du cadre politique, réglementaire et fiscal.
En revanche, la politique de contrôle peut ponctuellement fortement affecter une opération particulière. A titre d’exemple, l’entreprise Photonis, dont le rachat par une société américaine s’est heurté à un refus et qui fut par la suite cédée à un fonds français à un prix largement inférieur à l’offre américaine : 370 contre 550 millions d’euros. Une sacrée différence pour Ardian, le vendeur.
Un investissement qui se prépare
Deux impératifs devraient être présents à l’esprit des investisseurs étrangers qui envisagent une opération en France.
Premièrement, préparer en amont sa stratégie M&A. Dès le début de la due diligence, si la cible appartient à un secteur protégé, il faut se poser la question d’un contrôle potentiel de votre investissement et ébaucher une série d’options stratégiques pour sécuriser la transaction. Le processus de contrôle peut prendre jusqu’à quatre mois, il est donc critique d’avoir rapidement un plan d’attaque clair.
Deuxièmement, évaluer avec précision les risques politiques et réputationnels liés à l’opération, prendre contact de manière préalable avec les autorités, puis construire un plan de communication et d’engagement holistique, intégrant toutes les parties-prenantes susceptibles de peser sur le succès de l’opération.
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Argentine: Javier Milei défie l’opposition après sa défaite électorale à Buenos Aires
La Plata - Le président argentin Javier Milei a subi dimanche un net revers lors d’une élection dans l’importante province de Buenos Aires, à valeur de test en vue des législatives de mi-mandat en octobre, mais a pour autant promis «d’accélérer» le cap de ses réformes ultralibérales. Selon des résultats officiels à 93% des votes décomptés, La Libertad Avanza (LLA), parti libertarien de M. Milei, a obtenu un peu moins de 34% des voix, contre plus de 47% à l’opposition péroniste de Fuerza Patria (centre-gauche) dans la province de Buenos Aires, qui compte plus du tiers de l'électorat argentin. La province étant un fief péroniste, une victoire de LLA au scrutin n'était guère envisagée, mais l'écart a priori important, de l’ordre de 13 points de pourcentage voire plus, a fait mentir la plupart des sondages, qui prévoyaient une course serrée. Il s’agissait du premier grand test électoral pour Javier Milei, depuis le début de sa présidence en décembre 2023, sur un programme de relance d’une économie engluée dans une inflation et un endettement chroniques, en sabrant dans les dépenses publiques. Pour autant, le parti de Milei, qui pour cette élection provinciale avait fait alliance avec le parti PRO de l’ex-président libéral Mauricio Macri (2015-2019) devrait gagner du terrain au sein de l’assemblée de la province de Buenos Aires, que ce scrutin renouvelait. Il devrait y doubler son contingent de 12 sièges (sur 92). Javier Milei a reconnu sans détour dimanche que «sur le plan politique (c'était) une claire défaite». Mais «le cap pour lequel nous avons été élus en 2023 ne va pas changer (...) nous allons l’approfondir et accélérer», a-t-il lancé au QG électoral de son parti à La Plata (sud de Buenos Aires). «Il faut qu’on apprenne de ça», déclarait à l’AFP Diego Valenzuela, un candidat LLA. Estimant que le résultat «tient à la volonté (de Milei) de ne pas faire de populisme en économie, ce qui est nouveau en Argentine». L’ambiance atone, décalée, au QG de LLA, avec quelques partisans rapidement dispersés après le discours du chef de l’Etat, contrastait avec l’exubérance au QG péroniste, où le gouverneur de la province, Axel Kicillof, a été accueilli aux cris de «Ca se sent, ça se sent, Axel président !», en référence à l'élection présidentielle de 2027, a constaté l’AFP «Accélérer» ou «changer» de cap «Il va devoir changer de cap !» a lancé M. Kicillof en réponse directe au président, «Milei, le peuple vient de te donner un ordre (...) gouverne pour le peuple !». Axel Kicillof, 53 ans, un des chefs de file de l’opposition, est perçu comme son seul présidentiable possible, a fortiori depuis que l’ex-présidente et icône de la gauche argentine, Cristina Kirchner, 72 ans, purge à domicile depuis depuis juin une peine de prison et d’inéligibilité à vie, après sa condamnation pour administration frauduleuse pendant ses mandats (2007-2015). Le scrutin de dimanche survenait dans une période délicate pour le gouvernement Milei, malgré ses résultats éloquents --bien qu'à un fort coût social-- depuis deux ans contre l’inflation, ramenée à 17,3% sur sept mois depuis janvier, contre 87% sur la même période en 2024. L’exécutif a été secoué en août par un scandale de présumés pots-de-vin au sein de l’Agence nationale pour le Handicap, qui implique Karina Milei, sœur du président et secrétaire générale de la présidence. Qui à ce stade n’a toutefois pas été directement mise en cause par la justice. Mais Javier Milei a aussi subi un important revers législatif jeudi, lorsque le Parlement, pour la première fois de sa présidence, a annulé un veto présidentiel, sur une loi de financement accru des personnes handicapées. Au nom, selon l’exécutif, d’un sacro-saint équilibre budgétaire, qu’il a de nouveau promis dimanche de ne sacrifier en rien. En outre, sur le plan économique, le gouvernement, en un virage notable, a commencé cette semaine à intervenir sur le marché des changes pour enrayer la dépréciation du peso, qui s'était accélérée récemment, sur fond de nervosité pré-électorale des marchés financiers. Leur réaction lundi au revers électoral de M. Milei était une des inconnues post-scrutin. Pour autant, le résultat provincial de dimanche ne préfigure pas nécessairement des élections nationales d’octobre (qui renouvelleront un tiers du Sénat et la moitié des députés). Les sondages suggèrent avec constance un noyau dur d’approbation de Javier Milei autour de 40% voire davantage. Tomás VIOLA © Agence France-Presse