
Le Conseil d’Etat confirme le tour de vis fiscal des «management packages»

Le Conseil d’Etat confirme sa nouvelle jurisprudence sur les «management packages», l’intéressement au capital que des entreprises rachetées par des fonds accordent à leurs dirigeants. Le 13 juillet dernier, la haute juridiction avait considéré que les gains obtenus lors de l’acquisition, de la souscription ou de la cession de titres ou options acquis dans le cadre d’un management package doivent être imposés comme un salaire, et non comme une plus-value de cession de valeurs mobilières, s’ils sont liés aux fonctions salariées exercées dans l’entreprise. Dans un arrêt du 28 janvier 2022, sur le dossier Wendel-Editis, le Conseil d’Etat «a confirmé la nouvelle grille de lecture fiscale des management packages du 13 juillet 2021 tout en reconnaissant l’existence d’un abus de droit à raison de la mise en place d’un montage artificiel transfrontalier», précise Bruno Knadjian, avocat associé chez Herbert Smith Freehills.
Concrètement, lors du rachat d’Editis en 2004, Wendel a associé des cadres dirigeants des deux groupes à cette opération. L’un d’eux a ainsi acquis en 2004 des titres de la holding Odyssée, détenue indirectement par Wendel et regroupant des cadres d’Editis. Il a revendu en 2005 ces titres à une société de droit belge P., détenue par lui et sa famille. Puis, la société P. a vendu en 2008 les titres Odyssée à une filiale de Wendel, dégageant une plus-value de 1,1 million d’euros, exonérée d’imposition selon la législation belge. Mais le fisc français, jugeant la société belge P. «dépourvue de substance économique» et interposée «dans un but exclusivement fiscal» a engagé une procédure pour abus de droit à l’encontre du dirigeant et imposé le gain de cession à 60% en salaires et 40% en plus-values. En appel, la cour a jugé que la totalité du gain était imposable en salaire. En cassation, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi, confirmant ainsi la décision de la cour administrative d’appel de Paris.
Structure interposée fictive
Cet arrêt précise une nouvelle fois que «l’interposition d’une structure entre le manager et la société cible n’est pas une protection infaillible à la requalification, notamment si la structure interposée est fictive ou dénuée de substance», rappelle Bruno Knadjian. En effet la société belge P. «ne disposait ni de locaux, ni de moyens, ni de personnel». Les titres de la société Odyssée avaient constitué «son seul patrimoine», et compte tenu du pacte d’actionnaires conclu par ses associés, «elle ne disposait d’aucune autonomie de gestion sur ces titres», relève l’arrêt. Plus largement, la société «était dénuée de substance économique».
D’autre part, «les conclusions du rapporteur public reprennent in extenso les lignes directrices développées dans l’arrêt plénière du 13 juillet 2021 pour requalifier le produit de cession de ces titres en salaires, poursuit Bruno Knadjian. Pour le praticien, ce faisceau d’indices (garantie de rachat, promesses de ‘leavers’ dans les pactes d’associés, atteinte d’un taux de rendement, liens étroits avec le statut de salariés, etc.) conduira à une remise en cause des packages».
En outre, «comme en juillet, le Conseil d’Etat ne prend pas en considération la prise de risque capitalistique, comme élément déterminant permettant d’échapper à la requalification en salaires», conclut Bruno Knadjian. Une nouvelle donne dont les fonds d’investissement et les dirigeants d’entreprise vont devoir tenir compte.
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